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Critique de leboncoinlecture


Titre pour le moins accrocheur, qui nous fait hérisser les poils, sortir les griffes et montrer les dents, mais il est quelque peu trompeur. En effet, il semble être une injonction désinvolte et goguenarde d'un misogyne patenté « qu'elles se marient ou se fassent religieuses » ! En fait, la phrase complète de Fénelon est « [une femme] est chargée de l'éducation de ses enfants, des garçons jusqu'à un certain âge, des filles jusqu'à ce qu'elles se marient ou se fassent religieuses [...] ». Je trouve donc la démarche éditoriale assez malhonnête car elle détourne le propos de l'auteur, qui laisse entrevoir une destinée peu réjouissante et pour le moins fermée pour les femmes, certes, mais qui ne comporte pas la morgue dédaigneuse provoquée par ce subjonctif isolé. Cette troncature exprime bien cependant la majorité des avis présentés.

La volonté provocatrice de l'autrice du recueil est manifeste, elle veut mettre en évidence la misogynie patriarcale, mais je ne suis pas sûre qu'elle serve son propos si bien que cela, l'objectif étant de faire « rire – jaune – de la bêtise des grands esprits, et de mesurer le chemin parcouru – ou qui reste à parcourir », d'après la quatrième de couverture (en effet, pas de préface pour préciser plus avant le projet – ça manque !).

Je ne suis pas sûre que son objectif puisse être pleinement rempli, car les textes sont livrés presque tels quels, avec une présentation (très) succincte, pas de mise en contexte du statut réel de la femme dans les différentes cultures et époques mentionnées, - donc difficile d'essayer de comprendre d'où viennent ces pensées, comment elles se sont construites, quels rapports elles peuvent entretenir entre elles. Disons que, de ce fait, tout dépend du bagage de la personne qui lit ce livre.

Il est vrai que, mis bout-à-bout, s'il n'y avait pas de date ni d'auteur, on ne serait pas toujours capable d'identifier la période d'écriture tant ces pensées nauséabondes se font écho les unes les autres – de l'Antiquité au XXème siècle, de Platon et Aristote à Freud et Sartre, en passant par tous les grands penseurs européens Machiavel, Lord Byron, Spinoza, Diderot, Auguste Comte et compagnie. J'en veux pour exemple la chaîne de réincarnation citée par Platon (bête > femme > homme) qu'on peut retrouver dans des religions orientales ; Saint-Augustin parlant de sa mère comme d'une sainte car elle a accepté que le mariage était une forme d'esclavage fait écho aux conceptions d'Olympe de Gouges. Dans ce sens, on peut effectivement faire le point sur les permanences et éventuelles petites évolutions.
Ce qui me gêne, c'est qu'une personne non avisée ne peut que se faire un jugement partiel et partial, en bloc pour ou contre ces propos (eh oui, les misogynes existent toujours et pourraient se sentir tout à fait (ré)confortés de lire ces lignes provenant de plumes adulées dans la civilisation occidentale – pour « rire – jaune – de la bêtise des grands esprits », cela signifierait que toute personne ouvrant ce livre est convaincue de l'égalité homme-femme, ce qui ne peut être garanti), et cela ne me semble pas servir la cause de la considération des femmes.
J'aurais trouvé constructif de présenter des discours masculins pour l'égalité des hommes et des femmes : quid de Nicolas de Condorcet par exemple ? Est-ce que cela n'aurait pas mieux nourri la réflexion ? Sont mentionnés une fois les noms de John Stuart Mill et Marx : pourquoi ne pas avoir proposé des extraits ?

Parmi tous ces auteurs misogynes, je crois que je donnerais la palme à Proudhon – vingt pages citées absolument insupportables… Et dire qu'il faisait partie de mes grandes références de penseurs anarchistes quand j'étais ado – mais je n'ai pas souvenir d'avoir un jour lu ses propos sur les femmes.

J'ai trouvé intéressant l'entretien de Jean-Paul Sartre avec Simone de Beauvoir, il met bien en évidence que le machisme est tellement systémique que (la plupart) des hommes ne se rendent pas compte, en toute bonne foi, non seulement qu'ils en font partie intégrante, mais en plus qu'ils l'entretiennent, l'alimentent, le reproduisent.

Intéressant donc, mais à lire avec des pincettes.
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