Il y avait un espace incertain entre ce qu'il savait et ce qu'il voulait croire, mais il n'y pouvait rien, et quand on ne peut rien y faire, il faut vivre avec.
Sans se lever il jeta du bois mort dans le feu, regarda les étincelles emporter leurs vérités et leurs mensonges, quelques flammèches atterrir sur leurs visages et leurs mains, et ils roulèrent dans la poussière. Une chose ne changeait jamais : l'intensité fulgurante de leurs rares accouplements était assombrie par le sentiment que le temps leur échappait, le temps trop court, toujours trop court.
Chacun respectait l’opinion de l’autre, chacun était heureux d’avoir trouvé un compagnon alors qu’il n’en attendait pas. Ennis, reprenant le chemin face au vent pour retrouver les moutons dans la lumière traîtresse de l’ébriété, se disait qu’il n’avait jamais connu d’aussi bons moments, se sentait capable d’aller cueillir l’argent de la lune.
Ennis se réveilla dans le rougeoiement de l’aube, avec son pantalon aux genoux, une migraine carabinée, et Jack coincé contre lui ; sans rien dire, ils savaient tous les deux comment se déroulerait le reste de l’été, et que les moutons aillent se faire foutre.
Et il en fut ainsi. Ils ne parlaient jamais de sexe, le laissaient s’accomplir, d’abord seulement sous la tente la nuit, puis en plein jour quand le soleil tapait dur, et le soir à la lueur du feu, rapide, brutal, avec des rires et des grognements, une abondance de bruits, mais sans jamais prononcer un mot, sauf une fois où Ennis dit : « Suis pas pédé », et Jack enchaîna : « Moi non plus. C’est parti comme un boulet. Regarde personne que nous. » Il n’y avait qu’eux deux dans la montagne, à planer dans l’air mordant et euphorique, contemplant d’en haut le dos du faucon et les lumières des voitures qui rampaient au fond de la plaine, flottant au-dessus des affaires courantes, loin des chiens de ferme et de leurs aboiements nocturnes. Ils se croyaient invisibles, ignoraient que Jœ Aguirre les avait observés un jour pendant dix minutes à travers ses jumelles, attendant qu’ils aient reboutonné leurs jeans, attendant qu’Ennis soit remonté près des moutons, avant d’apporter un message de la famille de Jack le prévenant que son oncle Harold était à l’hôpital avec une pneumonie et avait peu de chances de s’en tirer. Il s’en tira pourtant, et Aguirre revint l’annoncer, regarda Jack droit dans les yeux, sans prendre la peine de descendre de cheval.
“ Plus tard, cette étreinte ensommeillée s'était cristallisée dans son souvenir comme l'unique moment de bonheur naturel, miraculeux de leurs vies séparées et difficiles. Rien n'était venu le gâcher, pas même la certitude qu'Ennis ne l'aurait pas étreint de face, ce jour-là, parce qu'il ne voulait pas savoir ni sentir que c'était Jack, qu'il tenait ainsi. Et peut-être, pensait-il, n'étaient-ils jamais allés vraiment plus loin que ça. C'était ainsi. C'était ainsi.
Il y avait un espace incertain entre ce qu'il savait et ce qu'il voulait croire, mais il n'y pouvait rien, et quand on ne peut rien y faire il faut vivre avec.
Ils savaient tous les deux comment se déroulerait le reste de l'été ,et que les moutons aillent se faire foutre.
Chacun respectait l'opinion de l'autre, chacun était heureux d'avoir trouvé un compagnon alors qu'il n'en attendait pas.
Tu représentes trop de chose pour moi, Ennis, fils de fils de pute. Je voudrais savoir savoir comment te quitter.
“ Chacun respectait l’opinion de l’autre, chacun était heureux d’avoir trouvé un compagnon alors qu’il n’en attendait pas. Ennis, reprenant le chemin face au vent pour retrouver les moutons dans la lumière traîtresse de l’ébriété, se disait qu’il n’avait jamais connu d’aussi bons moments, se sentait capable d’aller cueillir l’argent de la lune.