Un point fut fait sur la préouverture des marchés européens. En Asie, cela s’était quelque peu stabilisé. On montra le carnet d’ordres sur l’action Premium. Une ouverture prévue aux alentours des quatre euros cinquante. Soit une baisse de plus de trente pour cent encore.
On spéculait sur une nouvelle ouverture en forte baisse de l’arabica, à New York.
Elle lut “Flambée mondiale sur le cours du café. Fin de bulle ou opportunité ?”. Clara avait longtemps été rattachée comme déontologue à la Premium sur le desk des matières premières alimentaires. A ce titre, elle était chargée de vérifier que les positions spéculatives prises par les traders de la Premium étaient en conformité avec les règles de l’entreprise et des autorités financières.
Une bonne récolte généralisée signifie donc un effondrement des prix et des recettes désastreuses pour le cultivateur ou le pays exportateur. Or, ces recettes exercent une forte influence sur le revenu de ces gens, ou sur les entrées de devises dans ces pays. Cela devient un véritable problème social et économique.
Le cerveau est le seul organe du corps qui ne ressente pas sa propre douleur. Et le sauveur de Clara avait donc diffusé le chant des cigales durant toute l’intervention, sous prétexte qu’elle avait passé toutes ses vacances de trois à dix-sept ans dans le mas provençal de sa grand-mère, entre Draguignan et Fréjus.
C’était Nina, sa meilleure amie, qui en avait informé le chirurgien. Nina. Celle qui l’avait découverte le revolver à la main, la tête dégoulinant de sang posée sur la lettre qu’elle avait laissée à son fils Théo. Nina, une des rares personnes, parmi ses proches, à connaître la véritable raison de son hospitalisation, cette tentative de suicide manquée suite à de graves problèmes professionnels à la Premium, la société de trading sur matières premières dont Clara était un des cadres « à fort potentiel ».
« Il faut le malheur pour creuser certaines mines mystérieuses cachées dans l’intelligence humaine. »
Il s’agissait là de la dernière phrase du roman lue par Gabriel. Il ne l’ouvrirait plus jamais, ce livre. Il le savait.
Gabriel lança fort le roman devant lui. Il ne l’entendit pas atterrir.
On aime le café comme on aime un amant, à cette différence près qu’on lui reste fidèle toute sa vie.
Ces fleurs éphémères, qui ne survivaient pas plus de deux jours, donneraient ensuite les cerises rouges contenant les grains aromatiques. Gabriel pouvait déjà les imaginer, cet arôme, ce goût, qui ne viendraient qu’au bout d’un lent et savant processus que ses parents maîtrisaient à merveille, faisant de leur café le meilleur des environs. Ce n’était pas eux qui s’en vantaient. Il n’y avait qu’à compter le nombre et le pedigree des marchands européens qui venaient frapper à la porte du domaine pour s’adjuger tout ou partie de la dernière récolte.
Il faut édicter des règles strictes et des sanctions exemplaires pour que personne ne se croie jamais au-dessus des lois. Soyons optimistes.