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Critique de Antyryia



Monsieur et Madame Damasoop ont une fille. Comment s'appelle-t-elle ?
- Yadémoush

Coïncidant étrangement avec la sortie du film L'extraordinaire voyage du fakir prévu le 30 mai 2018, Romain Puértolas revient cette année avec la suite des aventures du personnage qui a fait sa renommée en 2013, j'ai nommé l'Indien Ajatashatru Lavash Patel.
Je l'appellerai Aja pour plus de simplicité.
De toute façon, comme dans le premier volume, son nom sera torturé de toutes les façons possibles et imaginables et ses interlocuteurs l'appelleront tour à tour Chatachatrou, Ajatash-à-truc, Je-tombe-dans-un-trou : On semble bel et bien parti avec le même humour lourd que dans le premier volet, qui ne se renouvelle pas.
J'ai beaucoup aimé la majorité des romans de Puértolas qui ont suivi, mais je n'ai jamais compris le succès de L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, que j'avais trouvé mal écrit et qui n'avait jamais provoqué chez moi le début d'un sourire. C'est donc à reculons que j'ai entamé cette suite, et je dois avouer que si ça n'est pas un chef d'oeuvre, il aura quand même eu le mérite de bien m'amuser cette fois-ci.

Notre fakir préféré, après ses tribulations précédentes relatées dans le premier tome, n'a désormais plus rien à voir avec l'Indien ascétique vêtu d'un simple pagne qui multipliait les galères en arrivant en France. Aujourd'hui, il vit dans un grand appartement parisien avec son épouse Marie Rivière. Il a une ferrari, des polos Lacoste, il regarde Télématin, il boit de l'actimel. Grâce aux ventes pharaoniques du livre qui relatait ses pérégrinations, il s'est quelque peu embourgeoisé. Et a perdu toute authenticité, se complaisant quelque peu dans le matérialisme.
Son éditeur va cependant remettre les pendules à l'heure après la lecture du second manuscrit d'Aja, quatorze pages absolument nulles.
"Le lecteur veut de l'émotion. On veut sentir ta misère. Ton malheur fait du bien aux autres."
Son épouse se pose également des questions : "Avait-il renoncé à sa vie, à sa personnalité, à ce qu'il était vraiment à cause d'elle ?"
L'autre élément déclencheur sera l'absence du lit à clous Kisifrotsipik dans le dernier catalogue Ikea. le géant suédois des meubles en kit avait en effet du interrompre sa fabrication suite à diverses plaintes.
"Les 15000 clous pourraient en effet transpercer le corps du client pendant son sommeil."
C'est ainsi qu'Aja décide de se rendre en Suède pour rencontrer monsieur Ikea et lui demander de lui fabriquer un dernier modèle.
Et c'est reparti pour une nouvelle série d'aventures hautement improbables, assez réjouissantes également, dans lesquelles on retrouvera brièvement Gustave Palourde, le chauffeur de taxi gitan qui sera incarné par Gérard Jugnot dans le film.

Parallèlement à ce nouveau voyage, il sera également question de la jeunesse d'Aja, et plus précisément de la façon dont il est devenu fakir grâce à son maître Baba Orhum.
"Fakir signifie pauvre et humble. Etre pauvre, c'est notre gagne-pain, c'est notre fond de commerce. Etre pauvre, c'est notre richesse."
Bienvenue en Inde, au Rajasthan plus précisément, où le petit Aja rejoindra la contrée de Shishke Babhe et apprendra non seulement la privation en ne mangeant pas à sa faim mais également tous les secrets qui permettent de devenir fakir : comment avaler des sabres, tenir en équilibre sur un clou, boire du plomb en fusion. Bref, tous les tours de magie que pratiquent les fakirs dont le calendrier commence à la naissance de David Copperfield.

Vous l'aurez compris, c'est du grand n'importe quoi.
Mais l'humour provoqué le plus souvent par le mélange des cultures indiennes, françaises et suédoises porte quand même ses fruits, même si l'histoire est totalement ( et volontairement ) rocambolesque et pleine d'improbables coïncidences.
Vous rencontrerez en Inde des personnages du nom de Deminjareth, Klaydedouzh, Arthrit ou encore Rhed Dingh. Les suédois attendus à l'aéroport s'appellent quant à eux Ericsson, Larsson, Carcasson, Clakson ou encore Michaeljacksson. Cet humour avec les noms n'est pas très subtil, voire carrément lourd ... mais de temps en temps ça marche.
Vous apprendrez aussi que Céline Dion, Alain Souchon et surtout Début de soirée ( Et tu tapes, tapes, tapes, c'est ta façon d'aimer ) sont de grands philosophes aux maximes célèbres que vous découvrirez.
Saviez-vous par ailleurs que le Sh'ti est un dialecte profane et impur en Inde, que Jésus Christ était le premier fakir, que la FBI est la Force Bollywood d'Investigation en Inde ou encore qu'Andhrimnir est le dieu scandinave des chefs de cuisine ?
Seule l'allusion aux probablitités quasi nulles que le petit Gregory se soit suicidé m'a parue quelque peu déplacée.
Les lecteurs habituels de Romain Puértolas s'amuseront aussi de trouver une allusion à sa nouvelle parue dans le second recueil de 13 à table ! :"La France venait d'expulser le premier Rom sur la lune." et de revoir très brièvement "une grosse policière noire" qui ne peut être qu'Agatha Crispies de Tout un été sans facebook.
D'ailleurs, comme dans son poilar paru l'an dernier, l'auteur attribue à nouveau une grande importance aux livres et aux auteurs, qui seront souvent de nouveaux prétextes de farces. Avec un traitement privilégié pour Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell mais aussi différentes allusions à Amélie Nos-Tombes ( toute ressembance avec un écrivain que vous connaîtriez serait fortuite ), Alexandre Dumas, Antoine de Saint-Exupery, Jo Nesbo, Michel Houellebecq et bien plus encore ...

Rien de sérieux alors dans ce second tome ? Pas de message de tolérance caché sous cet humour comme le romancier a l'habitude de le faire ?
Quasiment pas.
Les quelques réflexions sont volontairement terre-à-terre pour la plupart : On ne peut pas aider tout le monde, la beauté est à l'intérieur, le bonheur c'est de continuer à désirer ce que l'on possède déjà ... Rien qui ne vole très haut et on reste donc cette fois vraiment dans l'absurde quasiment d'un bout à l'autre.
A une exception près.
L'immigration fait partie des sujets de prédilection de Romain Puértolas et il en était déjà question dans le premier volume. A nouveau le fakir se retrouvera accompagné de clandestins, des Syriens fuyant les horreurs de leur pays.
"Fallait-il toujours qu'il tombe sur des gens qui voulaient traverser une frontière."
La question de ces limites arbitraires séparant les différents pays, autrement dit de l'utilité des frontières, est brièvement posée, dans le sens où le monde est censé appartenir à tous.
Mais ça n'est pas ce point qui m'a fait réfléchir à nouveau sur ce sujet toujours particulièrement brûlant et d'actualité.
Imaginons-nous que la situation soit un jour inversée. Que la guerre fasse rage en Europe et que la seule alternative pour retrouver un endroit où vivre en paix soit de traverser la mer et de rejoindre l'Afrique ou les pays du Moyen-Orient. Comment aimerions-nous être accueillis ?
"Et si, d'un coup, il n'était plus dans le bon camp ? S'il n'était plus de la bonne couleur, s'il ne se trouvait plus du bon côté de la Mediterrannée ?"
Parce que même si ça n'est pas pour demain, on ignore de quoi le futur sera fait.

Les nouvelles aventures du fakir au pays d'Ikea ( dont la couverture représente le pull en laine d'Aja, tricoté avec amour par sa femme ) est peut-être un produit purement commercial, mais je l'ai pour ma part largement préféré au premier volume. Certes, s'abstenir si vous êtes un lecteur particulièrement exigeant, mais si vous souhaitez juste passer un bon moment avec un roman facile à lire, rempli de jeux de mots et de sottises, alors ces nouvelles pérégrinations remplissent largement leur part du contrat. Elles arracheraient quelques sourires même à l'ours le plus mal léché qui soit.
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