À force de rester dans les ténèbres, les ténèbres deviennent la normalité, et c'est la lumière qui finit par nous paraître contre-nature.
Haruki Murakami
Trépidant, adrénaline fois mille, «
Le chant des innocents » est un thriller serré comme un café fort. Dans un même tempo, il est dans cette lignée de lâcher-prise. Une lecture en diapason avec l'orée filmique. Sans arrêt aucun, il est une réussite absolue, olympienne, solaire et résolument intelligente.
L'incipit donne le ton.
« -Je veux qu'il soit bien clair que je suis ici contre mon gré, dit Vito Strega après les salutations d'usage ».
Vito Strega prend place. Nous allons suivre son ombre tout au long de ce récit captivant et agréable.
C'est un policier atypique, sensible, mélancolique et tourmenté côté cour. Côté ville dans l'idiosyncrasie du commissariat, il est perspicace, malin, stoïque, lorsqu'il le faut.
Doué et futé, c'est un maître des enquêtes qui déplace les pions avec une intuition presque visionnaire et maladive.
Il est pris dans un piège. Accusé d'avoir tué son collègue, il tait la vérité et pour cause.
Mis en quarantaine par ses pairs, on ressent un commissariat pris dans les mailles de ses doutes. Était-ce un accident ? Il est écarté d'une enquête sensible, celle de ce récit, celle des adolescents (es) tueurs (euses).
Les murs tremblent. Les policiers sont désemparés. Pourquoi ces crimes et d'une façon absolument horrible et sanguinaire ? Dans un sang-froid qui donne des frissons, par des jeunes qui semblent démoniaques, aux sourires et aux rires glaçants.
La première criminelle à tout juste treize ans. 85 coups de couteau sur la victime, l'effet domino, les meurtres vont s'enchaîner. Crescendo, l'échiquier vacille. Les pions se déplacent comme aimantés, comme en proie au machiavélique. À l'instar d'une force obscure. Qui est-elle ?
Strega va quand même chercher la cause, la raison, le point du centre de ce cercle d'enfer. Ces gamins ne sont pas des tueurs isolés. Un lien enchaîne leur mental. le mimétisme d'une tuerie gémellaire à une autre.
Teresa Brusca l'inspectrice va lui demander de l'aide. En secret, il va remonter le fil d'Ariane, franchir le labyrinthe et affronter ces jeunes assassins en garde à vous.
Rencontrer les parents des victimes. Bousculer les diktats, être dans cette optique de justice coûte que coûte afin d'éviter d'autres morts.
Cet homme, dont la femme l'a quitté, ployé sous le fardeau d'un mal-être amoureux. La résilience n'est pas pour maintenant. Pourra-t-il avoir la force de mener à bien cette enquête ?
Ce livre démontre aussi que le justicier est avant tout un être humain doué de faiblesses, de tourments et d'une vulnérabilité tremblante de pluie.
Empreint d'humanité, Vito Strega est un emblème et la beauté de ce récit.
Pour ce policier dont on aime l'aura, empreint d'équité, de droiture, l'absolue quête de justice est un exutoire.
Ce thriller finement sociétal, sociologique, est riche de signaux.
Les embrigadements, les manipulations, la fragilité d'une jeunesse enchaînée par un gourou, les jeux vidéos, les revanches mesquines sont ici brillamment dévoilées.
L'enfant perd son innocence, sa virginité et devient un criminel. Un loup prêt à bondir et à mordre férocement.
Ce roman mené d'une main de maître est empreint de sentiments. L'alliage qui élève ce récit dans une douce lumière. L'altruisme de Véto Strega est une force pour les parents des victimes.
Psychologique, hypnotique, son rythme est la conscience aiguë d'une rédemption en advenir pour Vito Strega. C'est un thriller dont on aime le souci de vérité. Un livre qui apporte sa pierre aux turbulences d'une société qui peut vite basculer du mauvais côté.
Il pointe du doigt là où ça fait mal. Mais son coucher de soleil est une bénédiction.
Cette première enquête de Vito Strega est traduite avec brio de l'italien par
Anatole Pons-Reumaux.
Piergiorgio Pulixi prouve par ce deuxième roman après «
L'illusion du mal en 2022» sa haute capacité exceptionnelle d'écriture . Publié par les majeures Éditions Gallmeister.