Eric Tabarly est chanceux…
Chanceux, oui : qui peut bénéficier comme biographe d'un équipier fidèle et admiratif doublé d'un marin-écrivain ? Et quel écrivain :
Yann Queffélec ! Je me souviens encore de l'effet que m'avait fait en son temps (c'était en 1985) la lecture de «
Les noces barbares », prix
Goncourt de cette année-là et découverte pour moi d'un futur grand…
Dans cette biographie maritime d'Éric
Tabarly,
Yann Queffélec nous retrace la vie d'un amateur de bateaux plus que de la mer. Un texte quasiment bâti comme un roman ou l'on découvre l'enfance de
Tabarly bercée par les mauvaises plates au gré du vent, parfois mauvais… On le voit aviateur, un temps puis sauveur de
Pen Duick 1er, ensuite baroudeur de haute mer, enfin … enfin… enfin , cette nuit-là, où « quelque chose arriva »… On est par 51°18'N – 5°53'W et le vent fraîchit. Il faut affaler la grand-voile et hisser la voile de cape.
Erwan Quéméré prend la barre quand
Tabarly se met à la manoeuvre. On ne lofera pas, ordre du skipper.
Pen Duick rebondit sur les vagues pour finir par verser sur tribord et se relever brutalement sur bâbord : ruade fatale de l'embarcation qui projettera
Tabarly à la mer…Il ne verra pas Fairlie où se sont donné rendez-vous bon nombre de voiliers mythiques…
Qui mieux que
Yann Queffélec pouvait nous retracer la vie de ce marin d'exception, lui qui navigua souvent à ses côtés ; et dont la prose peut se faire violente comme une déferlante sur le pont ou caressante comme une brise du petit matin ? Personne assurément. Ajoutons à cela un récit émaillé de termes nautiques : l'ambiance y est et le souvenir me revient des grands exploits de ce cachotier de marin sorti des brumes qu'était
Tabarly dans ses grandes victoires transatlantiques quand tous le pensaient perdu. On rencontre Alain Colas, également, l'ancien élève devenu rival du Maître, perdu dans sa mégalomanie et seul sur le pont de son quatre mâts de soixante-douze mètres : Manuréva…
Un régal pour les amoureux de mer, de voile et de bateaux, même si on peut reprocher à
Yann Queffélec de se mettre un peu trop en valeur par rapport à son sujet.