Entretien avec Yann Queffélec à propos de son ouvrage L’homme de ma vie :
13/05/2016
Votre livre est l’occasion d’un portrait de votre père, Henri Queffélec. Qui était-il ?
On découvrirait dans Wikipédia qu’il fut un romancier brestois à succès, agrégé de lettres classiques, normalien, ami du Président Pompidou, père de quatre enfants – dont la pianiste Anne Queffélec - que Charles Baudelaire et François Villon étaient ses poètes français préférés, Van Gogh son peintre préféré, Mozart son musicien préféré, Rodin son… etc. Pour moi, il fut un père à la fois merveilleux et souvent cruel. Il me disait : « Tu t’es trompé de famille ».
Comment est né ce livre ? L’écrire était-il un projet de longue date ? Une nécessité pour avancer ?
Ce livre est né spontanément, je ne m’y attendais pas. Il faut croire qu’il patientait sous ma peau.
L’écriture de ce roman a-t-elle changé votre regard sur votre père ou sur vous-même ?
Non.
Comment votre famille a-t-elle réagi à la publication de ce livre ?
Aucune réaction… C’est inexact, mon frère Tanguy m’en a dit grand bien. Il a trouvé juste et mesurée la description de notre famille aux heures où nous vivions sous le même toit.
Comment êtes-vous venu à l’écriture ? Quel rôle a joué votre père dans ce choix de carrière ?
C’est ma mère qui m’a poussé à écrire. Mon père, lui, me poussait à ne plus écrire. Ma sœur aussi m’a beaucoup encouragé. Les femmes font et défont les maisons : elles font aussi les écrivains.
Était-il difficile de vous remettre dans la peau d’un enfant le temps d’un livre ?
Sort-on jamais de la peau que l’on a sur les os ? L’enfant que j’étais autrefois s’est peut-être un peu fatigué au contact répété de la vie et du sort, mais il a toujours bon pied bon œil pour aller rechercher le temps plus ou moins perdu.
Comment avez-vous procédé pour rédiger votre livre, très fourni en anecdotes et en détails ? Aviez-vous un matériel particulier pour faire ressurgir autant de souvenirs ?
Non. La mémoire est décidément ce qu’on fait de mieux pour archiver le pêle-mêle du cheminement d’une vie.
Vos rapports avec vos enfants ont-ils été influencés par votre relation avec votre père ?
Avec aucun de mes enfants. De plus je leur ai toujours dit quel homme intelligent et droit était leur grand-père. Et quel grand écrivain.
Yann Queffélec et ses lectures :
Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?
Ce n’est pas un livre, c’est la voix de ma mère.
Quel est l’auteur qui aurait pu vous donner envie d’arrêter d’écrire (par ses qualité exceptionnelles...) ?
Plus l’auteur est bon, plus j’ai envie d’écrire. Et mieux j’écris. L’écrivain est d’abord un lecteur éperdu de reconnaissance et d’admiration.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Mon premier livre qui était Mon Premier Larousse, une sorte de BD.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Dimanche m`attend de Jacques Audiberti. Je le relis encore aujourd’hui.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
Pourquoi « honte » ? Il faudrait des milliers de longues vies pour lire ne serait-ce qu’un fragment des milliers et milliers de chefs d’œuvre laissés par les hommes à leurs semblables, une quête sans fin. La littérature et la honte ne font pas bon ménage.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
Le maître de Milan de Jacques Audiberti et L`autre Falstaff de Jack-Alain Léger.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
Voyage au bout de la nuit.
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
« Pères et maîtres, je le demande : qu’est-ce que l’enfer ? Je maintiens que c’est la torture d’être incapable d’aimer » (Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski ).
Et en ce moment que lisez-vous ?
Je relis Tristesse et Beauté de Yasunari Kawabata, Les Démons de Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski, je lis Le Petit copain de Donna Tartt (son premier roman).
Entretien réalisé par Marie-Delphine
Découvrez
L`homme de ma vie de
Yann Queffélec aux éditions
Michel Guerin :

En partenariat avec l'Opéra National de Bordeaux, Yann Queffélec vous présente son ouvrage "La mer et au-delà : Florence Arthaud" aux éditions Calmann Levy. Entretien avec Sylvie Hazebroucq.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2409827/yann-queffelec-la-mer-et-au-dela-florence-arthaud-recit
Note de musique : © mollat
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Moi j’ai rien fait de mal moi j’y suis pour rien moi je suis pas né tout seul dans son ventre à elle… d’ailleurs c’est pas vrai j’y suis pas né… le froid qu’il doit faire là-dedans... j’aurais pas pu m’y cacher dans son niglou.
On n'est jamais déçu, avec l'écriture. Quand elle a faim, elle ne cesse de vous mordiller comme un chiot rageur, de japper sur la page: écris-moi ! écris-moi ! repoussez- la, elle va faire un tour et revient avec un appétit redoublé. (p. 11- Avant-propos)
"_La photo est toute fripée, tu sais ! et puis, même si c'est ta mère, quelle importance ? J'espère aussi que tu l'as dans le cœur, son image, et c'est la seule chose qui compte."
Nous baissons la vitre. Un train sympathique finit par rouler à notre hauteur. Nous voyons de tout près les voyageurs du train d'en face, garçons, filles, parents, des voyageurs comme tous les voyageurs de tous les trains du monde, comme si des millions de sosies se croisaient sur les rails en se prenant pour des inconnus. Nous leur sourions, ils nous sourient (...: p. 56)
Il eût fait n'importe quoi ce soir pour que ce trésor sans valeur, sa vie, lui fût laissé.
Maxence était fils unique, orphelin. Aussi fut-il heureux d'échanger avec Ludo des souvenirs d'enfance que ni l'un ni l'autre n'avait jamais vécus.
Le psychiatre se mit à pontifier d'un ton grognon.
« Ludovic est un cas médicalement... peu répandu. Un arriéré de type asilaire, aucun doute là-dessus, mais difficile à catégoriser. Chez lui, c'est l'oblitération des processus cognitifs qui est caractéristique. Pour l'adolescent ce manque est généralement catalyseur d'une dégradation des mécanismes adaptatifs, lexie, latéralité, ce qui est bien sûr très amputant. Ludovic a mécanisé tous ses complexes à contretemps. Il n'a pas eu le pénis paternel ni le sein maternel à mentaliser pour l'élaboration d'une sexualité homogène...
- Et pour le rapport, docteur, intervint le Maire avec nervosité, vous n'auriez pas une formule en deux, trois mots ? »
Le docteur Waille le fusilla du regard.
« Ecrivez donc "dysfonctionnalité paranoïde" et ça suffira. »
Autour de vous, ce ne sont pas des monstres marins (encore que), mais un bric -à -brac de personnages assoupis dans l'ombre, parfaitement inoffensifs. Soyez sans crainte si vous les entendez bâiller ou grommeler: ce sont des personnages en attente du maître absent, il leur arrive de s'entraîner, de tuer le temps, de jalouser leur ombre ou de crier leur amour, appeler au secours, d'agir comme tous les personnages de roman, de tuer si nécessaire, ou de pardonner. derrière eux, logés à l'étroit dans les bibliothèques aux rayonnages ployés, des centaines de bouquins grimpent jusqu'au plafond, débordent sur le plancher, doux comme des agneaux. (p. 95)
Dans ses mains caleuses il contemplait cette évidence : on l’abandonnait. Dans ses yeux il voyait sa mère absente, il fuyait les miroirs, il fuyait sa mémoire, et vaincu fuyait ce dont il était sûr depuis sa naissance : on l’abandonnait.
Ma Bretagne est un pays qui chante à travers les âges.