Citations sur Effroyables jardins (122)
Bien évidemment, Gaston, Nicole ne sont plus. Ces pauvres vies ont cessé un matin ou une nuit, et aucune larme ne fut gâchée à les pleurer, pas une phrase à les regretter. En l’absence de mes parents déjà disparus, ils ont glissé au paradis des photos de famille, rares et infidèles, qu’on jettera quand on ne pourra plus identifier ce grand con à lunettes, coiffé à l’embusquée, et cette tendre bécasse dodue qui l’enlace, toute chose devant un parterre de roses.
Ils n'avaient pas d'enfants, n'en auraient jamais. On les enviait de cette possibilité d'éternelle lune de miel. Ils en crevaient.
Consentir à autrui le pouvoir de vie ou de mort sur soi, ou se croire si au-dessus de tout qu'on puisse décider du prix de telle ou telle vie, c'est quitter toute dignité et laisser le mal devenir une valeur. Pardon d'être, avec cet uniforme, du côté du mal!
Le nom de l'accusé ? Je me souviens, à peine, d'un écho brutal, comme d'une gifle méprisante, et, et même cela je veux l'avoir oublié demain, pour ne garder en mémoire, que ceux des êtres qu'il déporta de la vie.
"Consentir à autrui le pouvoir de vie et de mort sur soi, ou se croire si au-dessus de tout qu'on puisse décider du prix de telle ou telle vie, c'est quitter toute dignité et laisser le mal devenir une valeur."
L’héroïsme, le cœur à l'échancrure de la chemise, la Marseillaise que tu leur chante à la gueule jusqu'au souffle dernier, tu peux toujours rêver mon garçon, c'est du roman. Dans la réalité, tu sais plus ou regarder, quoi attraper que tu peux emporter pour toujours, quelque chose qui t'occupe les mains, les yeux, les lèvres. Le mieux c'est encore un visage de femme.
De mon mieux. Je ferai le clown de mon mieux. Et peut-être ainsi je parviendrai a faire l'homme, au nom de tous. Sans blâââgue !
Mon père était un homme de douce obstination et d'intérieure nécessité.
Parce que Vichy a eu lieu, parce que les parenthèses n'existent pas dans l'Histoire, que l'humanité profonde, la digité, la conformité au bien moral échappent au droit, à la légalité! Il me semble aussi que ce train m'emporte au procès d'un ogre et d'un monstre. Et qu'il est de mon devoir de t'y représenter, papa ainsi que Gaston, Nicole, Berndt et les autres, ces ombres douloureuses, d'où qu'elles soient, parce que cet homme-là, qui tente de faire de son procès une mascarade , qui joue les pitoyables pitres, aucun des ennemis d'alors ne fut pire et beaucoup d'entre eux l'auraient haï de trahir toute dignité.
C’est seulement après la guerre qu’on a su le fin mot : les gendarmes, ils étaient pour l’équipe de foot de Henin-Liétard, et nous, les footeux d’Hénin, on les avait battus trois-zéro au premier tour de coupe de France en 39! Alors, ils ont vengé leur honneur comme ils ont pu… En nous désignant comme otages…
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