(...) pas de papiers, jamais chez les migrants, des vêtements échangés pendant le long voyage, volés parfois. Ces morts ont tout perdu, jusqu'à leur nom. (p. 105)
Ma mère est aussi une migrante mais n'a fui qu'elle-même. Elle habite Fiesole, la banlieue de Florence. Rien qu'avec cette adresse elle est quelqu'un. (p. 33)
Tout ce barouf pour trois pierres perdues dans un marécage ? L'enjeu ne devait pas être qu'archéologique. Politique à tout le moins ! Gina confirme, pendant le ventennio, les vingt ans de fascisme, on partait du Mezzogiorno, on n'y venait pas sauf pour un exil intérieur. (p. 68)
- Couillon. Au fond tu es un vrai italien, un Casanova bien nommé, toi l'architecte...Tu cherches toujours une maison nouvelle pour ton coeur. (p. 136)
- Carlo Levi, -Le Christ s'est arrêté à Eboli.
Pippo prend le bouquin de poche, touché et surpris du cadeau (...)
-L'histoire vraie d'un médecin antifasciste assigné à résidence, "confiné" en 1935 dans le Mezzogiorno par la police de Mussolini. Il découvre une région misérable, au sud de Naples. Aucun miracle en vue, Dieu se conduit en faux-jeton. (p. 32)
L'autre, Don Oreste, je m'en souviens comme d'hier, continue son cours de fascisme ordinaire, sentencieux pire qu'un cureton de village :
-Les racines de notre peuple sont dans la romanité, pas dans la langue ou la pureté de la race. Notre duce dit qu'il n'est plus de race qui puisse prétendre être à ce stade. Le ciment de notre nation, de nos masses populaires c'est l'héritage romain à perpétuer jusque dans chaque détail quotidien. (p. 157)
Les vestiges de cités antiques ne sont pas des souvenirs mais des promesses d'avenir. (...)
-Sauf si on considère l'avenir comme une réplique du passé. Et que le modèle idéal de société est celui de nos ancêtres. (p. 140)
(...) elle le regarde lui, pas le temple et les degrés d'accès démesurés, bâtis pour les petits géants sortis des mythes. Ici un homme est forcé de devenir un héros, un demi-dieu. (p. 142)
- Mon nom de famille signifie "pouilleux". En français c'est pas une origine géographique mais sociale, tu as compris. Tu as devant toi un pauvre qui revient au pays, enrichi comme un émigré aux Amériques, pas un type des Pouilles...(p. 81)
En chemin elle ne croise personne et c'est mieux parce qu'elle est belle à foudroyer un mortel, même fagotée, même pas maquillée, sa tignasse coupée court. On n'oublie jamais la dame quand on l'a vue une fois. (p. 14)