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sur 550 notes
J'ai beaucoup entendu parler de Radiguet avant de l'avoir lu et ce que j'entendais m'intriguait beaucoup. Cet homme aurait réussi, avant de décéder alors qu'il avait à peine vingt ans, à écrire quelques livres d'une exceptionnelle maturité psychologique, en usant d'un style lapidaire et précis. Je me demandais si les qualités d'écrivain de Radiguet n'étaient pas un peu surfaites en fonction de son destin tragique et fulgurant.
Ma curiosité s'est donc lentement aiguisée sur l'anomalie temporelle que Radiguet constitue dans le monde restreint des grands écrivains jusqu'à ce qu'un petit espace se dégage au travers de mes nombreuses lectures. Elle s'est alors abattue avec avidité sur cette petite plaquette contenant la moitié de son oeuvre romanesque et a rencontré si peu de résistance que tout l'espace temps dont j'aurais disposé y a été irrésistiblement absorbé pour quelques heures. C'est indéniable, cette histoire de coeur a su faire résonner les rouages de ma constitution pneumatique à un train infernal et cela pour de multiples raisons.
Premièrement, le petit monde de la mondanité, où se déroule la trame narrative, nous est bien vite rendu familier en même temps que les personnages clés du roman.
Ensuite, le cercle relationnel qui unit les personnages principaux est vraiment très bien montré. Cette histoire de coeur se déploie en effet d'abord dans une sorte de huit clos sartrien, où chacun aime celui qui ne l'aime pas. Mahaut, qui est une sorte de Virginie, aime en effet passionnément son mari, le compte, aristocrate peut-être inspiré du Baron de Charlus, qui ne l'aime pas d'un même amour, ce dernier aimant plutôt François, sans trop savoir pourquoi au départ, tandis que François, personnage classique de semi-parvenu, aime Mahaut. le maléfice du huis clos sartrien est toutefois étouffé dans l'oeuf puisque le triangle des amours fonctionne simultanément par personnages interposés : Mahaut apprécie François puisqu'elle aime le compte et que le compte apprécie François; le compte aime François puisque ce dernier aime Mahaut et lui fait donc apprécier la valeur de sa femme et enfin, François aime le compte puisqu'il est aimé de Mahaut et que son amour veut le bonheur de son aimée.
D'autre part, l'aspect psychologique du roman est très bien monté. Procédant comme si il voulait démontrer, en dehors de l'horizon religieux, le principe pascalien selon lequel le coeur a ses raisons que la raison ne saurait voir, Radiguet pose la réalité ontologique de l'amour dans les ombres de l'inconscience. Ces personnages ignorent qu'ils aiment et agissent d'une manière qui constitue d'abord un mystère pour leurs consciences propres.
« L'histoire de coeur », pourtant fort complexe, est ainsi très clairement présentée au lecteur comme destin s'imposant à partir des profondeurs de leurs inconscients respectifs, de leurs « mondanités » au sens de l' « être-dans-le-monde » heideggérien. Dans ce roman, la vérité des êtres est toute sous-terraine, les consciences servent de réceptacle à l'actualisation des êtres déjà prédéterminés, les actions des personnages suivent plutôt les ordres de déterminismes inconscients et sont d'ailleurs perçues rétrospectivement comme mystérieuses par les personnages eux-mêmes : « Vivre un conte de fées n'étonne pas. Son souvenir seul nous en fait découvrir le merveilleux. » (25)
La situation du roman aboutie en effet lorsque l'amour arrive au niveau de la conscience des personnages. C'est donc à force de gestes inexplicables et obscures que la lumière finit par se faire, que l'amour se révèle comme une évidence aux différents personnages, le cas le plus intéressant, à mon avis, étant celui de l'amour que Mahaut finit par avoir pour François.
C'est, en effet, lorsque Mahaut réaliste l'insouciance du compte à son endroit qu'elle se tourne vers François en s'en déclarant intérieurement amoureuse. C'est l'énonciation interne d'un amour qui n'a rien de vrai, en dehors d'une protection psychologique face à l'affront que constitue le dédain du compte pour son amour, qui tient lieu de cet amour, qui actualise cette possibilité abstraitement, sans que François en soit la cause directe et concrète. François sera aimé par Mahaut comme une pure idée protectrice, un cataplasme devenu essentiel pour arrêter une hémorragie de coeur qui aurait pu être mortelle. C'est un véritable « amour » de survie. le phénomène est peut-être plus répandu qu'on pourrait le croire dans les histoires de coeurs de l'humanité féminine quand on y pense, mais l'exposer aussi brillamment constitue, à mon avis, un exploit tout à fait admirable.
Bref, dans ce monde mondain, où les affaires de coeur sont beaucoup trop profondes pour prendre une place importante, où l'on vogue dans les profondeurs brumeuse de l'inconscient et où Mahaut vit en étrangère sans le savoir, cet « amour », pour François, ne tardera pas à devenir officiel. le compte d'Orgel n'y trouvera évidemment aucune raison de s'émouvoir, de même qu'il n'a aucun scrupule moral dans ses propres infidélités, qu'il accomplie d'ailleurs exclusivement en fonction d'impératifs mondains.
Il faut être dénué complètement de passion pour pouvoir dominer parfaitement son objet et ce détachement absolu ne devient possible que si on l'a d'abord expérimenté. Or, les rouages de l'amour sont si élégamment et finement présentés au lecteur, dans un amalgame tellement maîtrisé de profondeur et d'ironie qu'il faut se rendre à l'évidence : tout cela tient assurément du prodige, d'un très jeune prodige d'à peine vingt ans.
Au moins sur le plan de l'amour, Baudelaire semble donc bien avoir eu raison de dire que l'homme est un enfant égaré. Toutes les possibilités sont bien présentes dans cette oeuvre génialement juvénile. Aucun égarement d'actualisation ne vient gâcher la pureté du portrait.
On trouve ainsi, en apparence, autant de maturité qu'on pourrait en trouver dans le serein dégrisement envers le vivant qu'apporte avec elle le lent déploiement de la sénescence. Et pourtant, il ne faut pas s'y tromper, si Radiguet est génial, il demeure un très jeune écrivain qui s'amuse à un exercice dont la cruelle perfection fait voir un jeune homme brillant qui a encore l'illusion de tout comprendre.
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L'amour coup de foudre, mais l'amour interdit.
L'amour inavoué, inavouable.
L'amour que chacun croit non partagé.
L'amour étrange encore, qui ne peut se laisser deviner, comme un jeu, qu'en présence du mari.
L'amour avoué enfin mais que les conventions et la peur du scandale étoufferont au risque de le voir s'épanouir.
Voici sans conteste, un texte nettement romantique, au style agréable à lire.
Et comme dans le diable au corps, un leitmotiv : ce besoin maladif de l'amant d'aimer le mari de sa maîtresse.
Ce second et dernier roman de Raymond Radiguet, écrit alors qu'il n'avait pas vingt ans et qu'il devait mourir avant même sa publication, m'a laissé ce goût subtil de la nostalgie, de l'errance de l'esprit comme « le diable au corps » et comme tous ces grands textes romantiques que j'aime tant.
Serais-je une midinette ?
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Après la lecture de la Princesse de Clèves, il m'était impossible de ne pas lire le Bal du Comte d'Orgel, de Raymond Radiguet ! L'histoire est à peu près semblable : un couple fait face à l'amour de la femme pour un ami de la famille; ici les personnages sont aussi nobles, Mr. Anne d'Orgel, et sa femme, Mahaut font la connaissance de François de Séryeuses, un jeune étudiant. Pour François, c'est immédiatement le coup de foudre. Mais le jeune homme ne veut pas admettre ses sentiments, surtout pour une femme si fidèle et chaste.
Mme d'Orgel, de son côté, fait beaucoup penser à Mme de Clèves, passionnément amoureuse d'un autre homme, mais qui, par vertu, reste fidèle à son époux...Toutefois, ces deux histoires se différencient de par leur époque, respectivement XVIème et XXème siècle, donc la vision d'une infidélité ne serait pas la même !

J'ai beaucoup aimé ce court roman, tout comme l'écriture si talentueuse du jeune prodige Raymond Radiguet, qui écrivit cette merveille à vingt ans seulement, l'âge de François dans le roman. Les personnages m'ont beaucoup plus, de François à Mirza en passant par M. et Mme d'Orgel ; tout comme l'impression qui se dégage de ce roman, très agréable et qui m'a conquise...

Bref, encore une fois, un très bon moment de lecture, et un roman que je relirais avec grand plaisir !

A lire !!
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Le bal du comte d'Orgel est un petit bijou de subtilité et de justesse.
Les non-dits ont tellement de force dans la communication que leurs silences hurlent dans votre crâne pendant des minutes qui s'éternisent. Suspendu à des lèvres, le silence résonne comme un écho destructeur qui s'amplifie jusqu'à l'implosion du sujet. Ce roman est si pertinent dans la description de l'âme humaine qu'on peut aisément s'identifier et revivre des moments difficiles, des moments où l'on passe à côté de l'autre et de son message. Voire on tombe dans un pur paradoxe, quoi que l'on fasse cela sera sujet à caution. Dans les détours d'une hésitation, d'une respiration qui suspend la venue d'une réponse, l'interprétation valable à un instant peut être chamboulée, faussée ou confirmée et imprime une marque indélébile pour qui vit dans cet attendrissement des sens. Et c'est ce que ressent Mahaut, madame d'Orgel, d'autant plus fort quand elle découvre son amour pour cet homme, entré dans son cercle relationnel par l'entremise de son mari, flatté de jouer avec les sentiments des autres, lui qui ne savait qu'exprimer ce qui ne le touchait pas. Que l'on «est malhabile en face d'un incrédule.» Un triangle amoureux pénétrant.
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Mahaut aime son mari, le comte d'Orgel. le couple est apprécié et prend activement part dans la vie mondaine. Ils rencontrent un jour François de Séryeuse, et deviennent inséparables. La suite paraît classique : François tombe amoureux de Mahaut.
Je suis assez surprise de ma lecture, j'avais ouvert ce livre il y a de cela quelques années puis l'avais vite refermé, effrayée par le style que je trouvais ampoulé. Pourtant, je peux dire qu'il n'en est rien, au contraire : le roman se lit vraiment très facilement. J'admire le talent avec lequel Radiguet transforme une histoire d'apparence très classique en une oeuvre unique. Les sentiments sont décrits avec la plus grande subtilité. Les silences, les regards, les non-dits deviennent plus importants que les mots. Les émotions de chaque personnage se construisent en réaction à celles des autres. Les protagonistes sont effrayés et surpris eux-mêmes de leurs propres passions.
J'ai été assez étonnée au moment de tourner la derrière page, je voyais bien l'histoire continuer un peu plus. J'ai été d'abord déçue, mais à la réflexion cette fin est parfaite et tombe au bon moment, nous laissant comme suspendus à la plume de l'auteur.
Lien : http://lantredemesreves.blog..
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Deuxième et ultime roman de Raymond Radiguet, publié posthume.
C'est l'histoire d'un amour aussi chaste que puissant, et l'illustration du classique triangle amoureux.

Nous sommes dans l'entre-deux guerres. Le couple d'Orgel organise des bals dans son hôtel particulier : échange de mondanités entre la noblesse de cour et la noblesse féodale. Ils rencontrent François de Séryeuse, jeune homme qu'ils prennent en affection. Ce dernier tombe éperdument amoureux de la comtesse d'Orgel mais refuse au départ de se l'avouer par amitié pour le comte. Voir un homme amoureux de sa femme la fait désirer davantage au comte. Chacun y trouve du positif. Commence alors la valse des sentiments, le trouble des émotions : séparés ou en présence de l'autre, la réaction n'est pas la même. Ils vont connaître le manque dû à l'absence, la jalousie, le bonheur de se côtoyer sans même parler.

Ce roman est court mais la psychologie des personnages est détaillée et une tension de plus en plus forte s'installe. On sent un drame se préparer. Cependant les réactions ne sont jamais tout à fait celles que l'on prévoyait.
L'écriture est agréable, le style léger.
Une découverte intéressante.
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Mademoiselle Mahaut Grimoard épouse à 18 ans le Comte Anne d'Orgel, 30 ans ; elle en est très amoureuse.

Ils vont donner des fêtes à l'Hôtel d'Orgel où distractions et médisances seront de mise, cela se passe dans les années 1920.

Deux jeunes gens Paul et François, amis dans la vie, vont faire partie des amis privilégiés du couple.

Le Comte d'Orgel qui aime briller en société va se tourner vers François et en faire un habitué de ses sorties et de ses soirées en couple.

Un amour platonique entre Mahaut et François va se profiler tout doucement au fil des jours.

Beaucoup de soupirs, de désirs non dits, de silences qui en disent long.

C'est sur ces rapports de : je te veux, je te désire, mais aussi, cette impossibilité d'accomplissement de ses sentiments qui rendent maladroits et tristes ; ces situations équivoques ; qu'est basé toute l'histoire.

Un peu suranné il est vrai mais quand même des situations que l'on peut retrouver dans toutes les époques.

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Le Bal du comte d'Orgel est une histoire d'amour autour de laquelle gravite un trio, qui nous fait penser à La princesse de Cleves de madame de La Fayette et de Le lys dans la vallée de Balzac, cette histoire d'un amour silencieux, innocent et aussi meurtrier qu'une arme tranchante, une histoire trouble écrite avec frénésie, qui n'en a vraiment pas l'air en tout cas, du moins on sent les images surgir comme les pattes d'une souri sur une crème glacée, parfois on revient un peu sur une phrase rien que pour ne pas perdre le rythme. Plutôt que de rapprocher son héroïne à celle de son ainé Tolstoï dans Anna Karenine, Radiguet identifie son héroïne Mahaut à celle de Balzac et de Madame de La Fayette, ces femmes qui résistent au diable jusqu'à la dernière minute de leur déchéance...vraiment super!
Livre, écrit par un jeune homme de vingt ans, faut dire qu'il avait du diable dans sa plume, ce petit Radiguet!
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"Si j'aime Mahaut tout court, je désire tromper Anne".
Paradoxe éternel, le choix n'est que souffrance. François de Séryeuse, aristocrate naïf et oisif, attiré par la belle comtesse Mahaut d'Orgel, "méprisante et distraite", "follement éprise de son mari" Anne; après avoir nié l'évidence, se retrouve ligoté par ses liens d'amitié avec le dit mari. Que faire lorsqu'il apprend de la bouche répressive de sa mère que son amour est partagé?
Le bal du comte d'Orgel, à l'opposé de Les liaisons dangereuses de Chanderlos de Laclos n'est en rien pervers. Même si le mari pousse Mahaut dans les bras de son rival, c'est plutôt par narcissisme exacerbé et confiance poussée à l'extrême (qui confinent à l'incrédulité).
On est loin de le diable au corps (indépendant de toute morale) de Raymond Radiguet lui-même car l'amour reste "chaste".
Ce roman d'amour romantique évoque plutôt (bien que l'époque soit différente, nous sommes ici dans l'après-guerre de 14-18) La princesse de Clèves de Madame de la Fayette qui préfère se sacrifier plutôt que de sauter le pas; puisque Mahaut est une femme de devoir....à moins que les affres de la passion ne soient pour elle incompatibles avec son quotidien calme d'une vie toute tracée par un mari dominateur?.
Raymond Radiguet, jeune écrivain prodige mort à 20 ans, ne laissera que 3 oeuvres. Mais quelles oeuvres!
On ne peut que saluer sa fine analyse psychologique des personnages. Il décortique chaque attitude,chaque geste,tic de langage,parole; il peaufine chaque réplique; il étudie chaque lien (ex: celui de François distant avec une mère réservée), il peint les caractères avec moult détails pour les rendre authentiques, il relate les interprétations de chacun pour faire basculer l'innocence dans la détresse du piège qui se referme...il soulève le voile des apparences pour faire pénétrer le lecteur dans les inconscients.
J'ai beaucoup aimé le trio annexe que forme Paul, l'ami diplomate de François pris en étau entre une maîtresse maîtresse américaine vengeresse qu'il repousse et une autre qu'il aime. On frise là le vaudeville à la Wooddy Allen!
Le bal du comte d'Orgel est un bal costumé ou ne sera pas car chez ces gens là...le costume est de mise, celui du jeu de rôle!
Cruelles destinées!
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Voici un conte romantique basé sur le fameux trio couple / prétendant (Je n'utiliserai pas ici le mot amant). Cependant, malgré ce trio, on est loin du théâtre de boulevard et de Feydeau.
Ce roman a été écrit par un génie de vingt ans, qui décédera malheureusement à la fin de sa rédaction, de la typhoïde.
Si vous ne connaissez pas le romantisme, commencez par ce court roman. Il est vite lu et est d'une beauté d'écriture qui laisse un peu perplexe : Aurions-nous écrit ainsi à vingt ans ?
Je pense que c'est une référence de de la littérature française, dont on parle bien peu. (On a médiatisé il y a quelques temps la "Princesse de Clève" mais pas le conte d'Orgel".
Dommage.
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