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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
De la récup de papyrus !
Ah, si on pouvait effacer toutes les âneries écrites sur le développement personnel et utiliser le papier purifié pour rééditer des auteurs oubliés…
C'est grosso modo la définition d'un palimpseste. Moi qui croyais qu'il s'agissait du nom d'un bouton qui gratte. Et bien non, c'est du parchemin recyclé. A l'époque, ils ne transformaient pas les feuillets en boule de papier à la première rature. Ils optimisaient la ressource les scribes et les moines copié-collistes.
Alexis Ragougneau, dès fois, les pseudos devraient être obligatoires, auteur de l'excellent « Opus 77 », a choisi d'intituler ainsi son nouveau roman car son héros superpose son histoire à celle écrite par son père dans un livre prohibé.
Ce choix formel induit un roman exigeant, concentré en seul bloc, sans chapitre, qui laisse parfois échapper les passages du texte originel et dont les seules respirations qui découpent les différents temps du récit sont des définitions de mots clés. A charge pour le lecteur d'en deviner la pertinence.
Je dois avouer qu'il m'a fallu une bonne centaine de pages pour parvenir à m'introduire dans ce roman un peu froid. J'en suis d'abord resté un spectateur titillé par l'originalité de la construction mais sans parvenir à m'immerger dans l'histoire. Je barbotais dans le pédiluve jusqu'au moment du grand plongeon, où le fond a pris le pas sur la forme. J'ai alors pleinement profité de la baignade jusqu'au bout de la ligne... d'eau.
Puisque on en est aux mots compliqués, l'histoire est une dystopie, un récit pessimiste qui augure un avenir pas folichon et donne surtout des envies nostalgiques de bons vieux temps. Nos oracles n'ont vraiment pas le moral. En cette automne littéraire, il y en a presque autant, de ces promesses d'apocalypse, que de bronchiolites.
Dans un futur proche, Simon Kass est un génie de la fake-news, un troll chargé de faciliter la réélection d'une dictatrice à la tête du Parti « Vox Populi ». Les historiens racontent l'histoire. Simon la réécrit.
Il passe ses journées dans La Grande Bibliothèque où il peut fréquenter les différentes tours et les écrits interdits, dont ceux de son propre père, archéologue qui voulait exhumer les vestiges d'un camp de concentration de tziganes.
A la fois ivre de son pouvoir de nuisance et marqué par son histoire familiale avec ce père dont il a précipité la chute et une mère, actrice célèbre d'une série TV ultra violente, Simon va retrouver le chemin de la vérité dans l'écriture. La revanche de la plume sur les écrans, du réel sur le virtuel.
Ce roman est d'une intelligence rare mais il faut être un peu têtu pour en arriver à bout car il ne se laisse pas effeuiller à l'oeil. Ce n'est pas un roman facile. Il interroge de façon passionnante le rapport à la vérité, la réécriture de l'histoire, la marginalisation des intellectuels, des scientifiques et la manipulation de l'information. Toutes les paroles ne se valent pas.
De quoi alimenter nos peurs du lendemain qui déchante.
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Dans la veine dystopique, Palimpseste n'a a priori rien de révolutionnaire, on retrouve la plupart des figures imposées du genre, à savoir une vision exaspérée de l'actualité envisagée avec une dose de surréalisme.

On n'évolue donc pas dans un cadre baroque de science-fiction, mais sous un régime politique perverti au nom fortement évocatoire : le national consumérisme, vraisemblablement un avatar de l'ultra-capitalisme dans lequel le fonctionnement social est atrophié par le consumérisme. Allié à une dérive sécuritaire construite sur l'usage dévoyé de la rhétorique de l'ennemi, le régime a installé un chaos existentiel chez les individus, un effondrement de la pensée critique puisque même les mots ont été supplantés par les images et le numérique. Dans cette ère que l'on pourrait qualifier de post-lettrée, les livres sont devenus des reliques d'un monde ancien, de bien faible poids face à la réécriture du passé, le contrôle du présent et la surveillance de l'avenir.
On retrouve donc dans Palimpseste des personnages tout à la fois dysfonctionnels, apathiques, enragés, ne trouvant d'échappatoire que dans des modèles extrêmes. C'est sombre, très sombre, mortifère même, mais cela n'empêche pas l'auteur d'exhumer à quelque occasion de l'humour, noir bien sûr.
Malgré tout, des volutes de lumière parviennent à éclairer la lecture parce que sous le vernis dystopique, un thème qui ne s'impose pas de manière impérieuse rend le livre captivant : la relation affective entre un jeune homme et son père. D'abord camouflée par l'indifférence fonctionnelle du fils, elle se manifeste subrepticement au fur et à mesure que celui-ci enquête sur ce père absent. le texte est implacable, il a quelque chose de désincarné, mais c'est par la voie intimiste qu'il atteint une belle dimension à travers une relation confisquée, empêchée par les dérives du régime. Avec le redéploiement de l'histoire familiale on discerne une forme de prise de conscience, certes lente à éclore.

Difficile d'échapper à l'envie d'établir une filiation entre Palimpseste et des oeuvres telles que 1984 ou La ballade de Lila K. Mais la légère mise en abyme dans la technique d'écriture donne un rythme particulier au récit. Si j'ai éprouvé quelques réticences face à la narration compacte sans respiration, elles se sont progressivement dissipées lorsque cette histoire s'est révélée plus profonde qu'il y paraît.
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« C'était si bon, oui, de condamner mon père à mort ! le petit matin est arrivé. J'avais à peine fini de déverser ma haine que d'autres prenaient le relais. Ils étaient si nombreux à hurler et j'étais leur leader. La meute. C'était la première fois que je prenais conscience de son existence. L'effet de groupe. le premier sang attire le restant de la troupe. La victime désignée se fait lyncher en ligne, jusqu'à ce que cette violence franchisse la frontière, déborde sur le monde réel, l'atteigne dans sa chair ».

Simon Vartanian / Kaas, encore jeune homme, est devenu propagandiste pour le compte d'un parti politique, Vox Populi, qui s'est imposé quelques années plus tôt à la tête de l'Etat sous les traits de Valentine Pereira, dite « La petite fiancée de la Nation ». Nous sommes dans un futur pas très éloigné. Son employeur est une société du nom de Spartacus Analytics, qui vend ses grandes capacités d'influence sur l'opinion publique.

Son père archéologue, Serge Vartanian, alors que Simon était encore enfant, s'est lancé dans des recherches et des fouilles autour du camp de Saliers. Pendant la seconde guerre mondiale le régime de Vichy y a réellement incarcéré des tsiganes, dans des conditions telles que beaucoup d'entre eux n'y ont pas survécu. Autant dire qu'il n'est pas en odeur de sainteté alors qu'un gouvernement fasciste, nostalgique de Vichy, a pris le pouvoir. Et qu'on le recherche.

Sa mère, Laura Kaas, actrice, va devenir l'héroïne d'une série ultraviolente où elle incarne un officier de police. Son grand succès lui ouvre les portes de tout un aréopage de parfaits salauds qui grenouillent en politique et dans les médias.

Et Simon dans tout ça ? C'est un enfant, puis un jeune homme, bourré de contradictions. Il se sent insuffisant à bien des égards. C'est son histoire qu'il raconte dans ce roman, un peu dans le désordre et au fur et à mesure qu'il a la capacité d'écrire sur les choses terribles qu'il a subi, mais aussi sur celles dont il est responsable.

Il fréquente tous les jours la Grande Bibliothèque, tombée en désuétude et accessible seulement à quelques chercheurs accrédités par le ministère de l'Intérieur. Il y consulte quotidiennement le livre que son père a écrit sur le camp de Saliers. Son employeur presse Simon de le retrouver. Mais en réalité il ne fait pas que le lire et prendre des notes. Son histoire de fils écartelé entre père et mère, il l'écrit dans les interlignes de ce livre, qui en est devenu le seul dépositaire.

Beaucoup de références, y compris littéraires, donnent à ce roman sa force. Qui est grande. Difficile de ne pas se laisser happer par son intrigue, dont la progression ne se laisse pas deviner.

Je remercie les éditions Viviane Hamy et NetGalley, qui me l'ont adressé dans le cadre d'une opération Masse Critique.
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Une dystopie au cours de laquelle, le jeune Simon Kaas grandit dans une société totalitaire entre un père à la recherche obsessionnelle des traces d'un camp de réfugiés tziganes persécutés et une mère actrice célébrissime le temps d'une série policière télévisée. Il choisit pour témoigner de son histoire, de l'écrire dans les blancs de l'original du livre interdit écrit par son père et conservé à la bibliothèque Nationale. Ce roman n'est pas facile, il faut avoir avaler un certain nombre de pages pour en percevoir les subtilités, mais il développe des interrogations actuelles sur la manipulation de l'information pouvant conduire à des dérives vers la violence des régimes autoritaires. J'avais plus apprécié le formidable « opus 77 » du même auteur, plus facile mais moins ambitieux.
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Simon Kaas travaille pour Spartacus Analytics, une société qui commercialise des outils d'influence. Chaque jour, il se rend en Enfer, le dernier étage de la Tour des Temps. Un lieu où souvent des gens désabusés sautent dans le vide, simplement pour voir en quelques secondes le déroulé de leur vie.
Dans cette bibliothèque nationale, Simon empreinte toujours le même livre : le camp des nomades de Saliers 1942-1944 de Serge Vartanian. Et il écrit à l'encre rouge sa propre histoire entre les lignes de son père.
Simon n'a pas eu une enfance heureuse. Fruit de notre époque consumériste où le virtuel est la seule amitié, le jeune homme désabusé part sur les traces de son passé. Après la séparation de ses parents, Simon a pris le nom de sa mère, une actrice qui a connu un succès enivrant dans une série policière très violente. Serge Vartanian a connu l'opprobre après la parution de son livre mettant en évidence l'extermination de tziganes dans un camp situé à Saliers. Obnubilé par ses recherches archéologiques, il en a oublié sa famille.
Maltraité dans un internat où sa mère l'a placé pour suivre sa carrière et sa liaison avec Cathrine, Simon n'hésite pas à faire circuler de fausses informations familiales sur les réseaux sociaux.
C'est ainsi qu'Audrey, ancienne gymnaste, punk trentenaire, le repère et lui propose de travailler pour Saprtacus Analytics. Leur mission est de propager de fausses informations pour aider à la réélection de Valentine Pereira, chef de file du parti Vox Populi. Audrey a déjà travaillé à l'ascension de cette femme politique. Ministre de l'Education puis de l'Intérieur, elle est ainsi devenue Présidente après « l'attentat » du Tricastin.
Ce roman, mené de main de maître, a de troublantes résonances avec notre société actuelle. Manipulation de l'information, montée du populisme, effacement de l'histoire, le musèlement du jeu démocratique, le pouvoir des réseaux, le désenchantement d'une génération, la perte de liberté pour une promesse de tranquillité.
Construit comme une enquête familiale dans un climat politique vicié, ce récit est passionnant et éclairant.
Fort heureusement, dans ce monde chaotique, il reste des passeurs comme la bibliothécaire ou Caron.
On ne peut pas savoir où l'on va si l'on ne sait pas d'où on vient. Les livres comme celui de Serge de Vartanian sont des devoirs de mémoire. Pour Alexis Ragougneau, la littérature a mille vertus. Les livres nous révèlent à nous-mêmes. Ils sont aussi des moyens d'expression pacifiques.
J'avais déjà beaucoup aimé Opus 77 et cette lecture confirme que l'univers d'Alexis Ragougneau me parle. Si il faut accepter de rentrer dans cette dystopie, la forme et l'ambiance sont parfois déstabilisantes, je ne peux que me réjouir d'en sortir grandie d'un regard lucide sur les dérives de nos sociétés.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Merci à l'opération Masse critique de Babelio et à l'éditeur pour cette lecture.
Tout commence à la BNF au milieu des livres, ce qui parle forcément à la bibliothécaire que je suis.
L'auteur livre un roman dont l'univers décrit renvoie un reflet très proche de notre monde, qui n'est finalement qu'une anticipation et une caricature de ce qui est déjà en germe. Dans ce monde où règnent le big data et la sacro sainte consommation il y a une apparence de démocratie mais la réalité est en fait confisquée, elle est maquillée et les vérités dissimulées. Des trolls institutionnalisés mais clandestins, dont fait partie le narrateur, travaillent pour une entreprise privée faisant affaire avec de gros clients officiels tels des présidents, chefs de partis, patrons de multinationales, etc. La Présidente qui a pris le pouvoir il y a cinq ans par les urnes manipule l'opinion, falsifie la réalité, joue avec les peurs, etc et se sert de l'équipe du narrateur comme d'outils, mais cela a forcément un prix...
La présentation est un peu déroutante car il n'y a ni chapitres ni paragraphes dans ce récit. En effet le narrateur a récupéré l'exemplaire du seul livre écrit par son père au dépôt légal de la BNF et a entrepris d'écrire son histoire dans l'interligne des mots de son père. le livre, le papier et l'écriture manuscrite ne sont plus accessibles dans ce monde, obsolètes ils sont même devenus suspects.
Le roman fait bien sûr fortement penser aux dystopies (ou récits d'anticipation ?) "1984" et "Fahrenheit 451", entre autres, car il me manque certainement d'autres références.
Le narrateur n'est pas spécialement sympathique, il a été négligé dans son enfance car quand ses parents se sont séparés ils ont été chacun accaparés de leur côté. Envoyé en internat il s'y est fait brutaliser, l'enfant chétif qu'il était étant une proie facile et s'est ainsi qu'il s'est replié sur l'univers numérique. Il assiste alors -et entretient- la montée de la haine en ligne. Il découvre un réconfort à vivre sur les réseaux, à fédérer une communauté même haineuse, à être ainsi suivi et à avoir le pouvoir de manipuler cette haine. C'est un personnage toujours très jeune (la vingtaine) et assez ambivalent. Même s'il a des circonstances atténuantes on a parfois du mal à être en empathie avec lui. En tous cas j'ai eu régulièrement des difficultés à le comprendre, ainsi que les raisons de ses actes. de ce fait je suis restée parfois un peu dubitative devant ce récit. Celui-ci mêle plusieurs périodes pour mieux nous expliciter le parcours du personnage, mais même si ses motivations restent parfois flou, le texte réussit néanmoins bien à nous faire partager ses ressentis.
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Ce livre ne ressemble à aucun autre. D'abord, dans sa structure. 300 pages sans un paragraphe, sans un chapitre, sans parties. le texte se suit, le passage d'un fil narratif à l'autre étant marqué par les extraits du compte-rendu historique, qui vient s'intercaler dans une typo plus grande. C'est assez déstabilisant, voire, disons-le, très déstabilisant, et pas uniquement dans le récit lui-même, mais également du simple fait que, lorsque vous reprenez votre lecture après une interruption, vous ne savez pas exactement où vous vous êtes arrêté.

Mais, en même temps, quels personnages incroyables ! Simon, déjà, le gamin livré à lui-même, souffre-douleur de ses camarades à l'école, et qui finit, pour essayer de s'en sortir, par brûler tout ce qui lui tient à coeur – au figuré ! -. La colère lui tient lieu de moteur, pour ne pas sombrer face aux humiliations, aux brutalités, aux désillusions. Fatigué d'être l'opprimé, il devient, presque sans s'en rendre compte, ou, du moins, sans l'avoir voulu, l'oppresseur.

Cela lui vaut d'être remarqué par Audrey. Audrey, c'est encore un sacré personnage ! Elle dirige le groupe de trolls, au service d'un gouvernement très à droite, alors que, les week-ends, la punkette fait le coup de poing dans un groupe du « Black Pack », qui semble très proche des black block, en plus d'être la chanteuse d'un groupe de punk-rock, Fukushima mon amour. Simon nous invite d'ailleurs à ne pas chercher de cohérence dans son parcours : il n'y en a aucune, nous indique-t-il. Mais elle est aussi inquiétante qu'elle est touchante, cette boule d'énergie toute en émotions, à fleur de peau, toujours au bord du gouffre.

Et c'est ce qui caractérise ce livre, en réalité. Chacun semble être en permanence à la limite de la rupture. Entre deux contradictions. Et cela humanise chacun d'entre eux, face aux quelques personnages-repoussoirs du livre, qui sont des blocs de certitudes.

La dimension dystopique du roman – nous n'avons pas encore totalement sombré dans le national-consumérisme, mais on imagine assez aisément comment on pourrait y arriver – fait froid dans le dos. L'exploitation politicienne de chaque petit ou grand événement nous rappelle tellement de souvenirs… Toute la réflexion autour du « roman national », de la façon dont les lieux de mémoire peuvent être mis au service d'une idéologie, de la manière, également, dont l'Histoire peut être instrumentalisée est également très intéressante. Quant à l'invention du « national-consumérisme », quelle brillante idée…

Enfin, on est obligé de signaler la belle érudition dont fait preuve l'auteur… Il nous avait déjà fait vibrer, dans Opus 77, avec Chostakovitch ; voilà qu'ici, il fait montre d'une connaissance d'auteurs mais aussi, et surtout, d'un bel amour de la littérature, à la fois rédemptrice et protectrice de la liberté humaine.

Alors, oserez-vous venir vous frotter à cet étonnant Palimpseste ? Ceux qui franchiront le pas ne seront, je le crois, pas déçus…
Lien : https://ogrimoire.com/2022/1..
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Un roman dystopique formidablement efficace puisqu'il met en perspective le monde d'avant où le livre avait encore sa place et le monde d'après qui le supplante
par l'image. le livre s'ouvre sur la vie d'un jeune troll au service d'une entreprise visant à maintenir au pouvoir une femme politique d'extrême droite : il est amené à créer de toute pièce une fausse information qui le mène à revisiter sa propre vie.
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