Se tromper d'époque, c'est un état d'âme, une disposition d'esprit.
Quelle était donc cette faim qui tenaillait le vieillard? Quelle faim morale lui crispait l'âme sans qu'il pût la traduire autrement qu'en termes de gibier disparu et de jeunes gens déserteurs? Je crois que je la connaissais. Je l'avais déjà rencontrée. Sans doute la faim de ce qui fut, de ce qui ne sera plus, la silencieuse et invisible famine qui conduit les peuples perdus à la mort plus sûrement encore que la vraie faim du corps.
Une vague est morte sur nos rives matérielles. Sans bruit, sans force, car elle venait de très loin. Je l'ai prise dans le creux de ma main. Puis elle m'a échappé et il n'en restait rien.
Se tromper d'époque, c'est un état d'âme, une disposition d'esprit.
Dans les Andes, on ne compte pas quatre éléments, mais cinq : l'air diaphane, l'eau insondable des lacs, le feu des volcans, la terre qui tremble, et le silence.
Soleil, lune, lacs, montagnes, cascades, rivières, rocs et vents, glaciers, et toutes les forces de la nature, tout est déifié.
Plus loin, au nord, on distinguait nettement les huit rivières successives, s'intercalant entre les lettres d'une inscription qui précisait en anglais : Terres inhabitées.
J'en étais là de mes observations quand j'entendis un pas derrière moi.
-Qu'est-ce que vous faites là?
Le ton signifiait à peu près que ce que j'avais à faire pouvait tout aussi bien s'accomplir loin d'ici, au diable de préférence.
Dans les Andes, on ne compte pas quatre éléments, mais cinq, l'air diaphane, l'eau insondable des lacs, le feu des volcans, la terre qui tremble, et le silence. Un silence de sépulcre, d'ordre divin, que seul trouble la voix des esprits en soulevant des trombes de poussière qui emportent l'âme des humains: le vent. L'homme écoute le vent, dans les Andes, comme la voix de son créateur.
Rester indien par la seule force de l'imagination...C'est exactement de cette façon que je parviens à rester français.