Que Mathias Grünewvald mérite d'être placé dans l'histoire de la peinture allemande du XVIe siècle sur le même plan qu'Albert Dürer et Hans Holbein, bien au-dessus de Lucas Cranach qui a usurpé sa place dans cette glorieuse trinité artistique, c'est ce qu'admettront sans difficulté tous ceux qui ont eu la bonne fortune de pouvoir contempler au Musée de Colmar le grandiose retable d'Isenheim. Mais malgré les dithyrambes qu'il inspire depuis une vingtaine d'années à des admirateurs toujours plus nombreux, il n'a pas encore conquis la popularité à laquelle il aurait droit, et au delà comme en deçà du Rhin, combien d'amateurs d'art ignorent l'oeuvre et jusqu'à l'existence du plus grand peintre dont l'Allemagne puisse s'enorgueillir!
Les esthéticiens s'efforcèrent de traduire ces idées en formules. Moins soucieux de comprendre l'art dans sa diversité que de légiférer au nom du beau absolu, ils condamnèrent tout ce qui n'était pas rigoureusement conforme au "canon" de l'antiquité et de la Renaissance; ils prétendirent juger et évaluer toutes les œuvres d'art d'après des critères empruntés à l'Apollon du Belvédère ou aux fresques dont Raphaël avait tapissé les stanze du Vatican.