"
Après" vient
après "A l'ouest rien de nouveau" tellement célèbre et avant "
Les camarades". Il m'apparait que les trois romans de E.M.R sont à lire comme une trilogie ou un triptyque, car les personnages se croisent, tissent des liens, vivent et meurent avec ces liens.
Surtout, ce qui m'a frappée, c'est cette nécessité absolue de "raconter" ce "
Après", de rappeler page
après page les vies, les sacrifices, les souffrances, mais aussi les joies si petites soient-elles, la camaraderie, l'oubli de l'horreur pour mieux sauvegarder les gestes humains élémentaires, et toujours absolument rappeler au monde entier ce qu'est l'homme, ou ce qu'il devrait être, et sa dignité incontournable, indestructible.
E.M.R. dans ce roman, commence, là où il avait arrêté "A l'ouest". Quelques jours à la fin d'octobre 1918. Quelques jours avant la paix, l'arrêt des combats.
Dans "
Après", E.M.R. rappelle bon nombre de ses personnages de "A l'ouest". Morts pour beaucoup, survivants pour quelques-uns, mais dans quel état ?
L'épisode de la classe est terrible.
Il parcourt toutes ces vies, ces destins cruellement abrégés et surtout l'impossibilité du "retour à la vie", hors des combats, de la guerre, de la mort.
Ce roman est étonnant et intéressant de ce point de vue : on a beaucoup raconté la guerre, les tranchées, mais peu sur le retour et la réinsertion surtout dans le camp des vaincus.
A travers ses personnages dont il a un talent fou pour les rendre si proches, si vivants, qu'on a l'impression de les toucher, de les sentir, de les entendre frémir; E.M.R. trace ces vies deux fois sacrifiées. Par les 2,3 ou 4 ans d'horreurs mais surtout par ce retour impossible.
Que de cruauté, que de douleur, que de souffrance, encore et encore. La paix n'existe que pour ceux qui n'ont pas combattu ou qui n'en sont pas revenus.
Constat effroyablement cruel et sans appel.
Message ô combien pacifiste.
A quoi sert d'être aller se battre ?
A quoi sert ces sacrifices ? Ces vies dévastées ? piétinées ?
Question éminemment actuelle.
Mais la société d'
après-guerre de E.M.R. ne veut pas entendre parler. Surtout pas car ils ont été vaincus. Se sont-ils assez battus ? Ont-ils été valeureux ? S'ils sont revenus c'est qu'ils n'ont pas faits les sacrifices nécessaires à la victoire ?
Alors chacun des revenants va vivre ou pas, à sa manière. E.M.R. sait montrer ce désastre du retour, toutes ces trajectoires, ces tragédies, de ces soldats pas plus ni moins valeureux que d'autres, qui reviennent dans une Allemagne déjà appauvrie, déjà chétive, déjà malade et qui ne saura que faire de ses anciens combattants.
Ce qui est à la fois formidable et terrifiant est ce que "
Après" est d'une modernité époustouflante. Servi par une plume elle aussi d'une modernité à couper le souffle.
Plus bouleversant qu' à L'ouest, plus douloureux, historiquement passionnant.
A lire et à relire un siècle
après, car ces combattants de retour du front, vaincus, ont sombré dans un oubli pire que la mort qu'ils avaient évité.