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sur 712 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
A seulement 21 ans, Alice Renard vient de recevoir le Prix Méduse 2023 pour ce premier roman qui invite à écouter la voix de ceux que l'on range en dehors de la normalité.

C'est le cas d'Isor, petite fille mutique, déscolarisée, qui n'entre dans aucune case de la société. Ses parents sont désemparés, surtout que même le corps médical ne parvient pas à mettre un nom scientifique sur le mal dont elle souffre. Entre les poussées de colère violentes et les longues périodes de silence, l'étrange gamine observe, touche et développe même un goût bizarre pour les émissions de télé asiatiques. du coup, le trio s'isole de plus en plus du reste du monde, jusqu'au jour où, dans l'urgence, ses parents doivent demander à Lucien, leur voisin septuagénaire, de garder Isor quelques heures. Là, tout bascule !

Ce court roman divisé en trois parties bien distinctes alterne les points vue afin de dresser progressivement le portrait de cette gamine enfermée dans le silence. La première partie donne la parole aux parents et permet progressivement de mieux saisir les troubles dont la fillette souffre, tout en partageant les émotions, les frustrations et l'immense détresse de ses parents. Lors de la deuxième partie, l'autrice installe un duo atypique en donnant la parole à ce vieux monsieur qui sort subitement de sa solitude et de son propre isolement. Puis vient la dernière partie, la véritable éclosion, la plus belle, celle qui laisse le lecteur sans voix ! Chacun son tour…

S'éloignant d'un réalisme dont on se détache finalement avec grand plaisir pour se rapprocher d'un récit qui vient tendrement flirter avec le conte tout en conservant une justesse de ton remarquable, Alice Renard trouve le chemin qui mène au coeur du lecteur. Au fil des pages, ce dernier assiste à la naissance d'une autrice et d'une héroïne qui, main dans la main, viennent briser le silence et s'extraire de cette case dans laquelle la société croît devoir ranger les choses.

Un premier roman merveilleux, qui tourne le dos à la normalité pour nous inviter à côtoyer la beauté dans sa forme la plus pure !
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Isor n'a jamais été une enfant comme les autres. Mutique, ne semblant s'intéresser au monde que de manière purement sensorielle, régulièrement en proie à de sauvages et dévastatrices crises de violence mais ne cochant les cases d'aucun diagnostic médical, elle n'a jamais été scolarisée et vit recluse auprès de ses parents désemparés, dans un appartement qu'il leur a fallu quasiment capitonner et que leur entourage a fui depuis longtemps. Un praticien a avancé l'idée que, loin d'être idiote et infirme, elle pourrait, si elle voulait. Elle pourrait, mais elle ne veut pas…


Alors, leur vie avance, chaotique et infernale, comme nous la laisse percevoir, dans la première partie du récit, la solitaire alternance des apartés du père et de la mère. Entre la rage et la révolte chez l'un, l'amour qui étouffe de la frustration de ne pas comprendre chez l'autre, c'est par le regard d'autrui et par le constat désespéré de tout ce qu'elle n'est pas et qui la rend si insupportablement insaisissable et étrangère, en un mot inadaptée, qu'à treize ans, se dessine en creux une Isor toute d'« anormalité ». Jusqu'au jour où un incident oblige les parents à solliciter l'aide de leur voisin, un septuagénaire depuis longtemps résigné à la tristesse de sa solitude. A travers sa voix à lui, stupéfaite et bientôt comblée qu'un être puisse, contre toute attente, dégeler son coeur perclus de manque et de chagrin, émerge peu à peu de sa gangue d'opacité une Isor insoupçonnée. Qu'a donc décelé l'adolescente si instinctive, qui, chez ce vieil homme mis au rebut du monde, lui a soudain donné envie d'abattre les murs qui l'enserraient dans son inextricable intériorité ? Ne manquera plus à sa métamorphose que le dernier déclic, celui du grand âge et de la maladie de son ami, pour que la jeune fille brise définitivement ses entraves et trouve la motivation de vivre, enfin, ailleurs qu'en elle-même.


Diagnostiquée surdouée à l'âge de six ans, Alice Renard déclare dans une interview avoir mis beaucoup d'elle-même dans son personnage d'Isor. « C'est comme une version de moi, poussée à l'extrême, qui m'a permis de faire une catharsis. » En tous les cas, si exagération il y a, l'on n'y verra nullement l'une de ces narrations doucereusement miraculeuses, si irritantes au regard de l'immense majorité des handicaps « ordinaires » oubliés dans leur néant. Alice Renard écrit du plus profond d'elle-même et son récit a les justes accents de l'honnêteté et de la sincérité. Une justesse sans faille accompagne sa restitution des regards sur cette enfant différente que les médecins ne savent classer ni ses parents réconcilier avec une existence « vivable ». Isor ne répond à aucune attente, ne se plie à aucune règle et, au risque de passer pour déficiente, semble décidée à ne jamais intégrer un monde trop en décalage avec son univers intérieur. Son absence irradie pourtant la présence, et toute sa façon d'être, entière, libre, animale, débordant d'émotions non contenues toujours prêtes à exploser aux points de friction avec le monde extérieur, peut apparaître, soit totalement incompréhensible et ingérable, soit d'une incomparable intensité, brutale, sans concession, mais toujours on ne peut plus authentique. « Isor peut être très différente d'un jour à l'autre, mais elle reste toujours elle-même, sincère, incapable de tricher. Elle ne peut pas se contenir à une seule personne, à une seule apparence. Elle est plusieurs, elle est trop vaste. C'est sa manière à elle de saisir le monde du mieux qu'elle peut. »


Premier roman très maîtrisé d'une toute jeune auteur de vingt-et-un ans que sa propre expérience a menée à s'intéresser de près à la neurodiversité et à l'hypersensibilité, L'envie et la colère n'est que justesse et poésie dans sa manière d'évoquer la difficulté à être au monde de ceux que leurs particularités neurologiques font dévier des normes sociétales. Un livre bouleversant, prix Méduse 2023.

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Quelle maturité !
Alice Renard écrit son premier roman et du haut de ses 21 ans elle semble déjà avoir vécu 1000 vies.
Elle se glisse avec une incroyable aisance dans la peau de parents quadragénaires, d'un vieil homme de quatre-vingts ans, puis d'une étrange jeune fille de quinze ans prénommée Isor.
Isor est différente, autiste ? ses parents l'ont emmenée dans de multiples consultations, sur le plan physiologique tout est normal, rien n'est décelé par les médecins. Isor semble avoir toutes les aptitudes cognitives, pourtant elle ne parle pas, ne communique pas avec ses parents, souffre, rentre dans des colères noires et dévastatrices qui renversent l'appartement.
« D'ordinaire, Isor, à ses treize ans encore, a des gestes qu'on dirait gauches, ou mal assurés. Elle n'a pas de méthode pour saisir les objets - cuillère, savon, stylo, écharpe - et elle fait tout à sa manière, renouvelant chaque fois selon son désir un stock de mouvements inépuisables. Normalement, ce genre de geste est univoque, appris par coeur sur les autres. Mais pour cela - comme pour le reste - Isor n'apprend pas. Elle reste, elle veut rester fermement dans son idée propre du mouvement, un mouvement sans morale et sans passé, qui se moque éperdument des millénaires de civilisation qui l'ont précédée. Elle n'adopte ni les gestes de son âge, ni les gestes de son sexe, se fichant bien de ce qui est convenable comme de ce qui est utile. (p.13) »
Ses parents sont anéantis par le phénomène, ils n'arrivent pas à comprendre leur fille, et chacun exprime dans la première partie du livre son désarroi, sa frustration, et son amertume, en particulier le père qui considère sacrifiées les années de sa vie depuis la naissance d'Isor.
Leur incompréhension est accrue lorsqu'Isor va nouer une relation inattendue avec le vieux voisin Lucien. Une relation faite d'un amour puissant comme un grand-père en porterait à sa petite-fille, qui va être salvatrice pour tous les deux.
« Toi, tu as de la joie pour trente. À défaut de produire la mienne, je peux au moins siroter celle qui s'écoule de toi. Mais voilà que, pourtant, j'en arrive à espérer qu'un jour tu saches réparer ma joie.
J'aime sentir que tu te loves, malgré moi, dans chacune des heures de ma journée. (p.71) »

Lucien sort de la torpeur de la vieillesse, se redécouvre, ébahi, une seconde jeunesse tout à sa joie de partager avec la jeune fille. Isor bourgeonne, éclot, découvre la vie et son trésor de possibles, jouit de l'apaisante musique classique que lui fait découvrir Lucien.
« Souvent, je me demande à quoi tu ressembleras, adulte, et si j'aurai la chance de te connaître alors. D'être toujours là. Pas quel genre de femme tu seras, ça, je m'en fiche. Mais quelle adulte, qui aura mis en acte toutes les promesses qu'elle enclot.
Ces angoisses de grand-père n'avaient jamais fait partie de mes plans. Je les considérais comme une niaiserie de plus, que ma solitude m'épargnait généreusement. C'est fou comme on peut se tromper sur un nombre incalculable de sujets. Chaque certitude est une erreur en puissance. Chaque certitude est une erreur en puissance.(en italique dans le texte). Qui éclate un jour. (p.94) »

Isor part enfin à la rencontre de l'autre… Cette belle parenthèse n'est-elle pas vouée à une fin prochaine ? Que se passera-t-il ensuite pour eux tous ? Ce n'est pas non plus sans une certaine jalousie et envie que les parents voient leur fille tisser ces liens si particuliers avec Lucien et petit à petit changer, s'éloigner d'eux…

L'aspect véridique n'est pas à rechercher dans cette histoire pour enfants volcaniques de tous âges. On la dévore en se laissant emporter par le tumulte du silence, de la grande musique, le flot des incompréhensions, et la poésie des mots d'Isor dans la dernière partie.
« Lucien, il va mourir heureux. Lucien, il m'a donné le monde. Il m'a dit avec ma colère et mon envie je saurai vivre. Toi et toi, tu as peur, le sais. Lucien lui c'est ma confiance. Dit qu'avec la colère et l'envie on vit peut-être même mieux que les autres. Comment je remercie de ça ? (p.127-128) »
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Dès les premières pages, l'alternance des voix du père et de la mère met en évidence les particularités de l'enfant : Isor ne rentre dans aucune case, mettant en échec les éducateurs mais aussi le corps médical qui ne parvient à cerner le problème. le système éducatif n'est pas non plus qualifié pour contenir et encadrer la fillette. C'est donc à la maison, en observant et en s'adaptant au jour le jour à l'étrange comportement de leur fille, qui ne s'exprime pas à l'aide d'un langage conventionnel mais mime à merveille les intonations et mélodies de langues étrangères qu'elle a captées à la télévision.

C'est à l'occasion d'une garde improvisée chez le voisin, un homme âgé et solitaire que l'enfant semblera s'ouvrir à des intérêts plus larges.

Toute la première partie est virtuose : les points de vue alternés parviennent non seulement à décrire les troubles de la fillette mais aussi restituent à la perfection le ressenti des deux parents, leur détresse mais aussi la distance différente de l'un et de l'autre vis à vis de cette épreuve qu'est l'éducation d'un enfant différent.

L'autrice réussit aussi le challenge de ne pas stigmatiser les difficultés , de mettre en valeur les éléments positifs du mode de communication de l‘enfant, et finalement de ce que cette situation apporte de bénéfices et d'ouverture au monde. Sans en nier cependant les difficultés, la colère inhérente et le désespoir parfois.

« Isor a tracé ce cercle autour de nous (involontairement ?). À l'intérieur, elle a tressé ce qui était naturel, avec ce que ce qui était inouï, ce qu'il fallait faire avec ce qu'il ne fallait pas faire, elle a bouleversé la norme et l'évidence en les faisant glisser vers son invraisemblance et son improbable à elle. Elle a commencé à nous faire vivre là-dedans en nous faisant digérer ses évidence. On nous soustrayant du réel. »

Texte original et bien écrit, ce premier roman nous offre en partage de multiples émotions .



160 pages Héloïse d'Ormesson 24 Août 2023
Prix méduse 2023

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Alice Renard divise la trame de son brillant premier roman, La Colère et l'Envie, en trois parties. Dans la première partie, les paroles de « mère » et de « père », titres sans majuscules ni déterminants, alterneront sans se répondre. Chacun d'eux tente de décrire leur petite fille, Isor, une enfant différente (déficiente ?, autiste ?) qui ne parle pas et qui se comporte bizarrement. Ils s'adressent d'abord à elle (tu), puis parlent d'elle à la troisième personne, mais ils ne dialoguent pas. Pendant plusieurs années, Maude et Camillo vont courir les cabinets de médecins en variant les spécialités. Les avis sur Isor diffèrent, voire divergent, aucun professionnel ne saura leur donner de réponse éclairante et constructive. Maude travaille comme pompière dans une caserne toute proche de leur domicile, Camillo lave les vitres des tours des immeubles de la ville, et tous deux organisent leur vie en fonction des besoins de leur fille : Isor n'est pas scolarisée et ne peut pas être gardée. Les parents finissent par abandonner les visites chez les spécialistes de tout poil. Isor ne parle toujours pas : elle pourrait, a dit un des spécialistes… Et voilà que, vers l'âge de 10 ans, Isor se met à fuguer…
***
J'ai beaucoup aimé cette première partie dans laquelle le lecteur prend conscience de l'amour que les parents portent à leur fille, amour qui s'exprime différemment selon celui qui parle, mais qui devient vite une évidence. Et il en faut beaucoup, de l'amour : l'attention de tous les instants qu'ils portent à Isor bouffe leur vie, les coupe petit à petit de tous leurs amis, complique le moindre des gestes quotidiens. Ils sont sans cesse à l'affut de ce qui pourrait plaire à cette enfant, de ce qui pourrait l'aider, la faire rire et sourire ou, plus prosaïquement, l'intéresser. Beaucoup aimé aussi la deuxième partie où Lucien, 76 ans, prend la parole. À cause d'une urgence, Isor est confiée pour quelque heures à ce vieux voisin, ancien photographe talentueux et reconnu en son temps, fou de musique, et qui s'est depuis longtemps refermé sur lui-même à cause d'une profonde blessure. Ils vont se séduire l'un l'autre, en quelque sorte, se découvrir et s'aimer, finir par partager des univers inconnus de la jeune fille qui a 16 ans quand survient l'accident. En revanche, dans la troisième partie, si j'ai vraiment apprécié les interventions de la mère et du père, avec déterminants cette fois (c'est vrai que leur statut a changé), je suis restée au bord du chemin pendant le voyage d'Isor, et assez imperméable à ses lettres, sans doute à cause de la langue dont Alice Renard la dote, à la fois enfantine, infantile même, et capable de jouer sur les mots, presque savante parfois. Plus les lettres s'accumulent, plus la langue s'enrichit se complexifie et se perfectionne. Je regrette d'avoir décroché vers la fin parce que c'est un très beau premier roman ; ma réserve ne lui enlève aucune de ses qualités et je lirai assurément le prochain livre de cette très jeune autrice vraiment douée.

[Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de Elle 2024]
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Isor a 13 ans. C'est une adolescente atypique, mutique, « pas comme les autres ». Depuis toujours elle refuse de parler, d'apprendre quoi que ce soit. Mais elle vit les choses avec intensité. Telle une sorte de petit volcan, elle est prête à exploser subitement, peut piquer de fortes colères et entrer dans des crises violentes dévastant tout autour d'elle. Est-elle autiste, attardée, sourde, hypersensible ? Souffre-t-elle d'une pathologie rare ? Aucun médecin, malgré tous les tests passés et les remèdes prescrits, n'a pu émettre un diagnostic précis. Elle n'entre dans aucun cadre médical et aucune solution ne peut lui être fournie. Isor vit donc déscolarisée, dans un huis clos étouffant, avec des parents aimants mais complètement démunis, jusqu'au jour où par hasard elle rencontre Lucien, un voisin septuagénaire, un solitaire à la vie bien réglée, qui cache au fond de lui une grande tristesse. Les deux vont unir leur mal être et leur solitude et se créer une relation affective unique d'amitié, de tendresse et de complicité.

Ce court roman de la jeune écrivaine, Alice Renard, est prenant par son thème et sa construction très originale. Composé de trois chapitres totalement différents dans leur style et leur forme il focalise successivement sur le ressenti des divers personnages.

Dans le premier les narrateurs sont alternativement la mère et le père d'Isor, des parents au désespoir de ne pouvoir apporter une aide efficace ni créer un véritable lien affectif avec leur fille. La mère, fait de son mieux pour transmettre son amour à sa fille et créer une relation de tendresse avec elle, quant au père il est persuadé que sa fille souffre d'une forme de débilité et qu'il n'est hélas pas fait pour être son père, il a le sentiment de se sacrifier.

Le deuxième chapitre donne la parole à Lucien qui exprime avec enthousiasme et tendresse les sentiments qui renaissent en lui depuis sa rencontre avec Isor, après de longues décennies sans joie.

Quelle stupéfaction dans le troisième chapitre ! Il est composé de lettres écrites par Isor, elle même, à ses parents ! Elle a fui en Sicile pour accomplir une mission qui lui tient à coeur. Dans un langage à la fois enfantin, maladroit, mais aussi poétique et non dénué d'humour, elle raconte... Je n'en dévoilerai pas plus.

J'ai beaucoup apprécié les deux premières parties de ce roman écrites avec sensibilité et une grande maturité. J'ai été touchée par la justesse du ton et et la précision de l'analyse des sentiments. J'ai un peu moins adhéré au troisième chapitre, j'ai toujours du mal à m'élever dans l'imaginaire et la symbolique. Mais La colère et l'envie est un premier roman très prometteur pour cette jeune autrice talentueuse. Je le conseille vivement.

#challenge Riquiqui 2024
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La jeune fille différente et le vieil homme

Dans un premier roman admirable de maîtrise, Alice Renard raconte comment une jeune fille va parvenir à surmonter ses handicaps au contact d'un vieil homme. Une émancipation bouleversante qui est aussi une ode à la différence.

Isor n'est pas une enfant comme les autres. Disant cela, ses père et mère ont bien conscience que leur explication est trop courte pour parler de leur progéniture. Prenant tour à tour la parole, ils vont nous raconter ses treize premières années. Au début, ils ont pensé que leur fille ne les entendait pas, mais les médecins les ont rassurés sur ce point, son ouïe était parfaite.
Alors, il a fallu faire le tour des spécialistes. Tous ont failli ou n'ont pu déceler précisément ce qui n'allait pas. Des batteries de test n'ont pas permis de poser un vrai diagnostic. «Les semaines s'écoulaient. Les tests sérologiques, psychologiques, les traitements médicamenteux, les rendez-vous chez les analystes, les orthophonistes, tout demeurait infructueux.»
Alors les parents ont fait avec, ont appris à vivre aux côtés d'une fille qui a toujours refusé d'apprendre. «Elle n'a pas voulu apprendre à parler. (...) Elle a refusé d'apprendre à manger autrement qu'avec les mains, elle a refusé d'apprendre le dessin, la musique, l'équitation ou quoi que ce soit d'autre. Jamais nous n'avons songé pouvoir l'envoyer à l'école.»
Au fil des ans, elle a grandi à leurs côtés avec sa différence. Aujourd'hui, elle a treize ans. «Elle ne sait pas que la Terre est ronde, elle ne sait pas ce qu'est un adjectif, elle ne sait pas comment on compte les heures, elle ne sait pas ce que c'est qu'un père ni que la génétique, normalement, nous rassemble.»
Difficile de dire comment elle perçoit le monde. Et malgré leur amour inconditionnel pour leur fille, Maude et Camillio se sentent désemparés.
Tout va pourtant changer le jour où une panne de chauffage les contraint à confier Isor pour quelques heures à leur voisin Lucien.
À 76 ans, il n'attend plus rien de la vie et ne sait pas trop comment prendre cette petite fille. Alors, il ne dit rien. Un silence qui laisse la magie opérer, celle du regard, celle d'un geste, d'une caresse. Puis on jour la musique devient l'enveloppe de leur amour. Alors, ils deviennent inséparables.
Cette seconde partie, douloureuse pour les parents qui se sentent à la fois exclus et coupables, est forte en émotions, lumineuse et sensible.
Alice Renard fait preuve d'une grande maturité. Un tour de force impressionnant à 21 ans, notamment par le dispositif narratif puisqu'elle choisit de faire parler alternativement le père et la mère, puis le vieil homme. Trois voix qui entourent Isor, qui comme dans un film de Lelouch donnent l'impression que la caméra virevolte autour d'elle pour tenter d'en cerner tous les aspects.
NB. Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, lire les premières pages du livre. En vous y abonnant, vous serez par ailleurs informé de la parution de toutes mes chroniques.

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Différent veut-il dire inférieur ?
Isor est une enfant différente, incapable de communiquer avec les autres, de suivre une scolarité normale, d'évoluer en société comme une enfant de son âge.
Sa mère la perçoit comme particulière et exceptionnelle alors que son père subit ses excentricités et en a honte. Sa rencontre avec un voisin âgé va subitement changer la vie de cette jeune fille.
Ce court roman se lit comme une sorte de conte, car la crédibilité de l'histoire est souvent remise en question, mais ça n'enlève rien au plaisir de voir Isor déployer ses ailes et prendre son envol dans un monde qui jusqu'à présent lui semblait beaucoup trop étriqué.
L'auteur décrit le quotidien d'Isor et de son voisin avec une grande sensibilité et une maturité étonnante vu son jeune âge (21 ans).
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Roman en trois parties. La première nous permet d'apprendre à connaître Isor au travers des pensées alternées du père et de la mère. Isor est difficilement définissable. Handicapée ? Autiste ? Associable ? Asperger ? Blocage psychologique face à la société actuelle ?
La mère est plutôt conciliante, le père pas trop tolérant.
Ils ont tenté ce qu'il pouvait : psys, etc. pour finir par abdiquer et ne pas la scolariser.
La deuxième partie est pleine de tendresse avec ce solitaire vieillard voisin qui contre son gré va s'attacher à Isor. La troisième partie pour tenter de comprendre.
Une jolie prose sur la différence et la tolérance. Bien que j'ai été gênée tout le long dans le fait qu'elle ne soit ni en institution ni à l'école. Mais bon c'est une fiction ! Premier roman audacieux au pari réussi.
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Premier roman de notre jeune autrice, que j'ai même préféré écouter par Audible : le choix de quatre orateurs fait d'autant mieux ressortir les quatre narrateurs que sont le père, la mère, le voisin et Isor bien-sûr, qui se partagent cette histoire. Roman qui tourne autour de ces enfants différents, renfermés, mutiques. Ce long parcours des parents face aux médecins qui inventent des pronostics au gré de leur spécialité. Ce quadruple point de vue avec ce voisin qui prend Isor sous sa protection, est une bonne idée. Qui est Isor ? Qui va enfin pouvoir leur expliquer ? Jusqu'au jour où elle décide de fuguer : les réponses, c'est elle qui va en donner quelques unes.
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