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Citations sur Main d'oeuvre : Poèmes 1913-1949 (51)

LES REGARDS QUI CHANGENT

Vers quatre heures je serai là
Il passera certainement quelqu'un
Alors j'ouvrirai la porte

La porte s'ouvre comme un œil
Et je regarde à l'intérieur
J'ai trop peur pour entrer
Et je ne sais que dire

Les marches à monter
Jusqu'au palier obscur
Et là peut-être la chambre
Peut-être rien
Peut-être un mur

C'est qu'arrive le crépuscule
Je serai là et je t'attends
J'attends que passe une voiture
Qui emportera mon tourment

Et puis vers la prochaine gare
Je te suis nous irons plus loin
Enfin de la maison d'en face
On me regarde en souriant
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LES YEUX INCONNUS

En attendant
Sur la chaise où je suis assis
La nuit
Le ciel descend
Tous ceux à qui je pense
Je voudrais être aux premiers jours
De mon enfance
Et revenir
M'en aller de l'autre côté
Pour repartir
La pluie tombe
La vitre pleure
On reste seul
Les heures meurent
Le vent violent emporte tout
Les yeux se parlent
Sans se connaître
Et c'est quelqu'un qu'on n'aura jamais vu
Qu'une seule fois dans sa vie
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ESPACE

L'ÉTOILE échappée
L’astre est dans la lampe

La main
tient la nuit
par un fil

Le ciel
s’est couché
contre les épines
Des gouttes de sang claquent sur le mur
Et le vent du soir
sort d’une poitrine


Sources du vent (1929)
p. 224
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POEME

La neige tombe
Et le ciel gris
Sur ma tête où le toit est pris
La nuit
Où ira l'ombre qui me suit
A qui est-elle
Une étoile ou une hirondelle
Au coin de la fenêtre
La lune
Et une femme brune
C'est là
Quelqu'un passe et ne me voit pas
Je regarde tourner la grille
Et le feu presque éteint qui brille
Pour moi seul
Mais là où je m'en vais il fait un froid mortel
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COMME ON CHANGE

Qu'on nous raconte cette histoire
Qu'on nous dise ce qu'il est devenu
Que personne autre que lui ne parle plus
Il rit
La rue est noire
La nuit vient doucement
Et l'esprit s'abandonne
A d'autres mouvements
Dans le fond à genoux sur le tas de pierres
Et les mains liées
Tous ceux qui pardonnent
Au cœur bourrelé
Ils sont encore tous là derrière
Les regards étoilés
Tous les noms confondus
Les rires étouffés
Les numéros perdus
Enfin le vent brutal les a tous dispersés
Et seul il s'en allait dans l'ombre sans écho
Il regardait le ciel le mur la terre et l'eau
L'histoire le remords
Tout était oublié
Ce n'était plus du tout le même
Au coin quand il s'est retourné
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BRUITS DU SOIR

Les griffes des buissons
La cheminée qui hurle
La gueule ouverte au loin où le ciel vient bâiller
Le rayon plat du soir sur les dents
Les rochers
Quand le vent déforme le paysage
L’air est gris
Dans la direction des bras nus qui se tendent
Le temps sera bientôt repris
Les formes dures du couvent
Le mur jeté plus bas
La distance des arbres
Au creux du pont levé
Dans le chemin plus droit
Les ans marqués au mur
Les cris qu’on éparpille
Tout ce qui s’est passé là-bas
À cet âge moins mûr
Et c’est moi
Contre le parapet
Et le fer de la grille
Sous la poudre du temps
Le blanc de la poussière
Ou l’interlocuteur pressé dans la lumière
L’heure qui tinte au loin
Celui que l’on appelle
Quand l’écho seul répond
C’est une vois nouvelle
Une autre forme de mon nom
Une silhouette moins sûre
Les rides qui datent mon front
Et les traits d’une autre figure
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CE SOUVENIR

Je t'ai vu
Je t'ai vu au fond devant le mur
J'ai vu le trou de ton ombre sur le mur
Il y avait encore du sable
Et tes pieds nus
La trace de tes pieds qui ne s'arrêtait plus
Comment t'aurais-je reconnu
Le ciel tenait tout le fond tout l'espace
Un peu de terre en bas qui brillait au soleil
Encore un peu de place
Et la mer
L'astre est sorti de l'eau
Un navire passait volant bas
Un oiseau
La ligne à l'horizon d'où venait le courant
Les vagues mouraient en riant
Tout continue
On ne sait pas où finira le temps
Ni la nuit
Tout est effacé par le vent
On chante autrement
On parle avec un autre accent
Je reconnais des yeux qui sont restés vivants
Et la pendule qui sonnait dans la chambre
Une heure en retard
Le matin vert qui vient quand on n'a pas dormi
Il y a un gai ruisseau d'eau claire et d'autres cris Devant la porte une silhouette qui disparaît
Un visage dans la lumière
Et au milieu de tout ce qui vit et se réveille
La même et seule voix qui persiste
dans mon oreille


(extrait de "Grande nature", 1925) - pp. 30-31
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FERRAILLE/1937

REFLUX


Quand le sourire éclatant des façades déchire le
décor fragile du matin ; quand l'horizon est encore
plein du sommeil qui s'attarde, les rêves murmurant
dans les ruisseaux des haies ; quand la nuit rassemble
ses haillons pendus aux basses branches, je sors,
je me prépare, je suis plus pâle et plus tremblant
que cette page où aucun mot du sort n'était encore
inscrit. Toute la distance de vous à moi — de la vie
qui tressaille à la surface de ma main au sourire
mortel de l'amour sur sa fin — chancelle, déchirée.
La distance parcourue d'une seule traite sans arrêt,
dans les jours sans clarté et les nuits sans sommeil.
Et, ce soir, je voudrais, d'un effort surhumain,
secouer toute cette épaisseur de rouille — cette
rouille affamée qui déforme mon cœur et me ronge
les mains. Pourquoi rester si longtemps enseveli
sous les décombres des jours et de la nuit, la pous-
sière des ombres. Et pourquoi tant d'amour et
pourquoi tant de haine. Un sang léger bouillonne à
grandes vagues dans des vases de prix. Il court dans
les fleuves du corps, donnant à la santé toutes les
illusions de la victoire. Mais le voyageur exténué,
ébloui, hypnotisé par les lueurs fascinantes des
phares, dort debout, il ne résiste plus aux passes
magnétiques de la mort….

p.342-343
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TARD DANS LA VIE

Je suis dur

Je suis tendre

Et j'ai perdu mon temps

A rêver sans dormir

A dormir en marchant

Partout où j'ai passé

J'ai trouvé mon absence

Je ne suis nulle part

Excepté le néant

Mais je porte caché au plus haut des entrailles

A la place où la foudre a frappé trop souvent

Un cœur où chaque mot a laissé son entaille

Et d'où ma vie s'égoutte au moindre mouvement.



Pierre Reverdy, La liberté des mers
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SOUFFLE D’OUEST
  
  
  
  
Les paroles distribuées au vent
Les perles du collier
et la main sous le gant
Au soir l’étoile tremble
Un œil s’ouvre en passant
Je ne connais personne
La nuit vient en courant
Et tout ce qui m’égale fuit dans le même sens

Derrière c’est la peur qui pousse
Tout le monde est pressé
La voiture qui roule
L’eau blanche qui s’étend
La vague des visages
Les mains
Rien
Aucune ombre ne calme cet élan

Les remous près du sol s’éteignent
Dans l’axe la matière vive et tout le temps
Le tour de la maison
du monde
Jusqu’à l’appui fermé plus tard à l’horizon
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