A l'instar du scientifique observant les microbes et les virus avec son microscope,
Yasmina Réza ne cesse d'explorer et de sonder en profondeur les"coeurs et les âmes".
Elle décrit avec précision et un humour grinçant, les fêlures, les faiblesses, les failles, les mesquineries, les comportements ridicules.
Cette fois, son champ d'exploration est une famille juive qui a oublié son appartenance à sa communauté.
Elle scrute, observe, sonde, une fratrie de trois personnages :
Jean, le narrateur, le plus équilibré, en admiration devant son frère ainé,
Serge, le flambeur, beau parleur, égoïste et insupportable, Anna, la soeur, leur petite princesse " Nana", mariée à Ramos, gauchiste espagnol issu d'un milieu ouvrier catholique, bouc émissaire des deux frères.
Cette famille, comme toutes les familles, se fâche, se déchire, se dénigre, s'éloigne et, comme toujours, se réconcilie.
C'est L'histoire du temps qui passe, des tranches de vies ordinaires qui, mises bout à bout, par petites touches, nous font entrer dans la psychologie et la singularité de chaque personnage :
Jean à la piscine avec son vieux maillot de bain en tissu, accompagnant Lucas , le fils de son ex-petite amie,
leur mère sur son lit médical dont les derniers mots avant de mourir ont été" LCI"
les souvenirs d'enfance où tous les possibles s'ouvraient,
la relation avec le père qui les battait, les «torgnoles fondaient sans sommation»,
les visites de Jean à Maurice, son vieux cousin malade,
les phobies de
Serge, ses maitresses et ses pannes sexuelles,
et aussi Joséphine, la fille de
Serge, jeune pousse en mal d'identité cherchant à retrouver ses racines et les traces de leur famille, les entrainant dans la visite du camp d'Auschwitz, devenu un véritable parc d'attraction pour touristes, malgré la mort qui rode,
les comportements de chacun : Nana veut tout voir et cherche à comprendre , Jean observe,
Serge est en retrait. Pèlerinage complètement raté,
nostalgie et sentiment d'une vie gâchée, inutile.
Yasmina Reza trouve les mots justes pour décrire nos démons, nos sombres penchants, finalement la solitude des personnages, «l'empire des nerfs» qui nous gouverne.
Elle perçoit avec finesse et malice le ridicule, le risible, l'ironie et l'ambiguïté des situations de nos vies ordinaires, dans une certaine «recherche du temps perdu».