Puisque ma mère avait tiré un trait sur moi, j'allais m'employer à effacer ce trait, en me rayant moi-même de la carte, mais d'une autre façon. J'allais me perdre, rétrécir, me réduire dans l'espace jusqu'à devenir invincible.
C'est alors que le silence m'a rattrapée, me retenant dans sa toile.
Mon idée des hommes et de l'amour ressemblait à un désert sans mirage. Je ne me faisais aucune illusion sur le bonheur. Je paniquais à l'idée de m'attacher, je n'y voyait qu'un piège fatal, une source de malheur.
Je prenais conscience qu'entre la gentillesse et la lâcheté se glissait une feuille pas plus épaisse qu'un papier à cigarette.
Je m'assis sur la fauteuil en face du lit. Si je n'avais pas pu la voir vivante, j'allais ne rien rater de sa mort. Cela, au moins, il ne pourrait pas me le voler.
Je mettais le monde en quarantaine, tout en atténuant cette perspective radicale par l'acquisition d'un poste de télévision qui me servirait de filtre avec l'extérieur. Cela me semblait plus enviable qu'un homme car, au moins, on pouvait couper le son.
Peut-être avais-je compris, malgré l'amour que j'avais pour elle, que je devais rester sur mes gardes, qu'elle était toxique, détraquée, dangereuse pour moi.