A ses yeux, Elsa était une femme cupide, orgueilleuse, très dure en affaires. Mais il lui reconnaissait des qualités. Elle était intelligente, brillante même, et peut-être, à de rares instants, accessible à la sensibilité. Il l’avait deviné à la façon dont elle regardait des tableaux de maîtres, à la façon dont elle réagissait en certaines circonstances. Lorsqu’il évoquait le temps où ils étaient tous deux adolescents ainsi qu’Olivier Dancourt, il se souvenait d’une fille fraîche et charmante, toujours souriante, et il se demandait comment et pourquoi elle avait pu changer à ce point.
A quoi bon chercher à lier davantage connaissance ? Que pouvait lui apporter cette jeune fille inconnue ? Une sympathie passagère, une idylle sans lendemain, une aventure fugace qui le laisserait désenchanté ? Ils n’avaient rien de commun et leurs routes divergeraient bientôt de nouveau, puisqu’ il n’était que pour quelques jours à Rome.
La jeune fille avait anéanti ses projets et il souffrait à l’idée d’avoir été trompé. La ferveur avec laquelle elle avait répondu à son baiser n’était donc que comédie. Cette pensée lui était si intolérable qu’il traduisit à mi-voix ses réflexions intimes :
— Je ne puis croire cela de Bella.
C’est une femme de tête, très compétente, mais très dure. Si elle continue de la sorte, je pense que d’ici à quelques années elle aura toutes les chances de faire un très beau spécimen de vieille fille.
Dans quelques années, les pays n’auront plus de caractère, les villes, plus de cachet. Partout, les voyageurs auront le triste spectacle du modernisme, des buildings de verre et de béton.