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Inceste, clap de fin.

Ouf.

Je termine là  mon inventaire du pire sujet qu'il m'ait été donné de lire.

Hommage, ou plutôt femmage - puisqu'il s'agit de Christiane Rochefort, féministe  combative s'il en fut- femmage , donc,   à la première à l'avoir dénoncé avec la rage et l'ironie mordante qu'on lui connaît.

 Certes, La porte du fond, publié en 1988, prix Médicis,  est un roman, pas un témoignage ou une autobiographie romancée.  Mais l'auteure des Stances à  Sophie et du Repos du guerrier a bien des choses à dire sur la condition féminine.

Surtout quand la femme est une petite fille de  neuf ans, que le prédateur est son père, revenu brusquement dans sa vie après une séparation de 9 ans  pour mieux  la saboter, la souiller, l'empoisonner avec un culot et un cynisme révoltants.

" le malheur ce n'est pas le sexe, le malheur, c'est le Patron " écrit la jeune narratrice. le Patron. le Pouvoir, celui qui assujetit les plus faibles aux caprices et aux vices du plus fort. La formule est brillante, lapidaire. Elle résume tout le scandale de l'inceste,

 L'enfant de la Porte du fond  tient une sorte de journal post traumatique. de compte rendu des faits,  bouleversé par les intermittences de la mémoire et celles de la colère.

Les faits s'y bousculent sans ordre, écrits apres coup, dans la rage d'un récit a posteriori, dans l'exasperation des mots impossibles â dire, mais aussi dans la jubilation vengeresse   d'avoir "perdu toutes les batailles" mais, finalement, d'avoir gagné  la guerre, puisque le monstre désormais n'est plus dans sa vie, n'est même plus vivant. Et qu'elle, l'enfant abusée,  a réussi à écrire, à dire, à fédérer,  à devenir.

C'est une fille vindicative, sarcastique, intelligente, et non une victime sans défense, démunie, qui tient la plume. La situation, les circonstances, les malversations- en un mot le CRIME- elle ne peut pas le nommer, le décrire,  l' analyser. Elle ne peut que tourner autour, le suggérer, aboyer avec l'effroi d'un chien tournant autour d'un serpent. Et c'est cette approximation, cette rage obstinée , cette colère forcenée et sans mots qui dit, mieux qu'un long discours, l'ampleur dévastatrice du  massacre.

 S'il ne fallait lire qu'un texte sur l'inceste,  ce serait celui-là. Pionnier, vengeur, dynamité  d'ironie. 

Texte de la dénonciation du ravage et du démantèlement de l'effroi.
Texte de la résilience et de la résurrection.
Texte du  triomphe de la littérature qui seule délivre celle qui ecrit de l'indicible et donne une cage de mots au monstre qui les lui a enlevés de la bouche.

Pionnière aujourd'hui disparue, Christiane Rochefort, au nom de tous les enfants, filles et garçons, abusés par des prédateurs insolents et sûrs de leur impunité,  nous te disons merci, toi qui plus de quarante ans avant que la parole ne se libère, n'as pas eu peur d'ouvrir La porte du fond...
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Pendant la moitié du livre, on entend ce qui n'est pas expressément dit.
Difficile de trouver les paroles pour dire « ça ».
Une grande pudeur des mots dans un style déstructuré, de nombreuses métaphores, une écriture brillante et intelligente.
Tout ça pour témoigner d'un drame de l'enfance sans jamais larmoyer.
C'est de la belle et forte littérature qui ne peut laisser le lecteur indifférent.
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J'ai beaucoup aimé ce roman et le style de l'auteure qui nous raconte, tout en métaphores et en phrases cinglantes empreintes de vérité, les sept ans pendant lesquels elle subit les attouchements de son père et ses manipulations, l'aveuglement de sa mère, jusqu'aux années qui suivent où elle continuera de porter le poids de ce secret même après la mort de son père.
Un témoignage, un récit poignant sur l'inceste sans presque jamais le nommer, sans fatalisme ni misérabilisme, un portrait de résilience qui se ressent dans l'écriture où on devine une force à travers une sensibilité jamais résignée, un humour cynique.
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Pas une fois le mot "abus" n'est utilisé, de même que "viol" apparaît sur la fin du bouquin et encore pour évoquer la fouille complète de la chambre et des affaires personnelles de l'enfant et pourtant, il s'agit bien d'inceste !
A mots pudiques, à mots couverts, Christiane Rochefort nous dépeint l'insistance perverse du père, l'aveuglement de la mère qui sape en plus avec des remarques blessantes sans même s'apercevoir que son enfant crie à l'aide.
Et l'enfant là-dedans, coupée du monde de l'insouciance et des rires, l'enfant devenue adulte trop tôt. Manipulée psychologiquement qui lutte de toutes ses dérisoires armes. Elle a bien tenté de devenir maigre à vomir, de se taillader les cheveux, de trouver n'importe quelle excuse, mais rien n'y fait.
Ce livre est poignant.
Le style de C Rochefort m'a parfois surprise : ne pas trouver les mots d'une phrase à leur place, les adjectifs avant le verbe, le verbe en bout de phrase, l'oubli des virgules, mais finalement il est très persuasif, incisif et totalement évocateur. On s'habitue.
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Quand j'ai lu ce roman dans les années 80, jeune adulte, j'avais été époustouflé par la force de cette femme qui avait, face au père incestueux et terriblement manipulateur, pervers oh combien, perdu toutes les batailles mais gagné la guerre...
En revenant aujourd'hui, 40 ans plus tard, dans cette maison sinistre, je me rends compte combien ces dits peuvent être fragiles : plus qu'une adulte forte et sortie vainqueur, je lie au contraire une femme qui s'adresse sans doute non à la petite fille qu'elle a été, non aux lecteurs, à la mère, mais bien à ce père dont elle n'aurait su se défaire, comme d'une matière gluante dont jamais on ne peut se laver... Quoi que l'on fasse.
Je trouve ces écrits, comme tout écrits, (ces dits) tellement fragiles : après tout un écrit n'est que ce que l'auteur veut dire, et non ce qui est. Que ce que le lecteur veut bien entendre.
Finalement j'ai relu ce livre "à l'envers" de ce que j'en avais lu des décennies plus tôt, un livre de souffrances et non celui d'une personne apaisée, soignée par une vie adulte heureuse. Non celui d'une adulte la tête haute mais celle d'une enfant toujours aussi seule, toujours dans cette chambre du fond, à toujours face à ses bourreaux, père et mère eux aussi à jamais liés.
Et j'y lis surtout aujourd'hui l'impossibilité aux humains de ne pas encore et encore recommencer à torturer l'Autre, à le faire souffrir, à en faire sa chose saignante.
Si ce récit avait pour but d'un "pour que jamais cela ne recommence", alors la guerre était perdue d'avance. Et elle le sera toujours.
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Pour citer un article de Claire Devarrieux dans le Libé du 11 novembre 2004 :
"En 1988, consacrant à l'inceste son dernier grand roman, la Porte du fond (prix Médicis), Christiane Rochefort appose cet avertissement comme un panneau interdit : «La situation présentée dans ce livre est assez courante pour que d'aucuns croient se reconnaître, ou quelqu'un d'autre. Je les rassure : ce n'est pas eux. Ni personne. S'agissant d'un roman, le "je" est d'ordre littéraire, et les personnages sont imaginaires. Toute ressemblance avec qui que ce soit serait fortuite, et due principalement à ce que dans nos sociétés uniformisées tout le monde se ressemble.» Elle préférera toujours qu'on ne dise pas que la Porte du fond est une autobiographie. Pas de plus bel acte de foi dans le roman : il transcende tout, l'auteur, sa personne, son sexe et son expérience. le «je» romanesque de Christiane Rochefort est toujours un personnage. Une femme disparaît."

J'avais bien gardé en tête que Christiane Rochefort n'avait jamais dit avoir été victime d'inceste elle-même et qu'elle se refusait à l'autofiction qui fit flores dans les décennies suivantes, avec Christine Angot au summum de la fusion confusion (auto)destructrice.

Depuis #MoiAussiAmnésie et #MeTooInceste c'est une déferlante de dévoilements, outing, témoignages.
Des praticiennes comme Muriel Salmona, des chercheuses comme Dorothée Dussy disent enfin l'impensable et osent se décrire comme anciennes victimes : elles deviennent ainsi des modèles pour celles qui n'ont jamais pu parler et le feront enfin pour assainir leur cercle familial toxique.

Horreur, fascination, déni, omerta, silencements... il ne faisait pas bon dénoncer le crime incestueux. C'était celui ou celle qui parlait qui était rendu coupable de détruire la famille, l'interdit était non pas de l'inceste mais de le dire.
Les temps arrivent où la peur change de camp, où la paix sociale est au bout de la prévention et du droit des enfants de mûrir hors prédations.
Lien : https://www.liberation.fr/li..
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Un ton caustique et aiguisé. Christiane Rochefort au meilleur de sa forme pour parler de son expérience sans misérabilisme. Je recommanderai ce livre à tous les jeunes, en particulier ceux qui ont subit des violences sexuelles pour ne plus se sentir seuls.
Elle fait vivre ce sentiment d'interdit, d'isolement et d'incapacité coupable à parler du viol.
Un ouvrage fort avec un style unique.
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Une écriture très particulière pour se cacher derrière des mots, pour dénoncer l'inavouable, pour rester en vie et pour continuer d'y croire.
Un récit ou l'on devine très vite a travers le langage particulièrement recherché sur ce qui se passe dans cette famille.
La perversion d'un père et l'aveuglement et le déni d'une mère fera de l'enfance de Christiane un enfer.
Le père exercera une manipulation psychologique qui lui servira a assouvir sa perversion sans aucune retenue.
L'inceste dans toute son horreur, la résilience et la peur de l'autre coté, un récit poignant qui dénonce ce qui ne devrait jamais arriver et pourtant...
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