Un lieu encore joue un rôle dans une certaine réconciliation du jeune homme avec le monde, et avec lui-même : la péninsule d'Izu, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Tokyo, sous le mont Fuji. Kawabata s'y rendit pour la première fois en 1918, pour tenter de se remettre de l'état de prostration où l'avait laissé la rupture de ses fiançailles avec une gamine, serveuse dans un café, qu'il appelle "Michiko" dans ses livres : celle-là même qui se protégeait derrière une manche relevée de son regard trop structateur. Sur une photo, on la voit à ses côtés : son joli visage est empreint d'une expression de léger effarement due peut-être à la bizzarerie de ce jeune homme en casquette de lycéen, à l'expression butée, dont elle ne comprend pas bien les attentes. De son propre aveu, il ne cessera de penser à elle, pendant des années. A Izu, ne s'inspirant une fois de plus "que dégoût et pitié" (un mot très Kawabatien, ça, le dégoût), il séjourna dans une auberge thermale du village de Yugashima. Il y revint ensuite tous les ans, souvent pour de longs séjours. "Aujourd'hui, écrit-il dans L'adolescent, à l'âge de cinquante ans, je ne connais plus d'endroit qui puisse me procurer une telle joie, un tel élan d'amour."