Trois textes, dans ce recueil, pour affirmer que l'amour dure « même au sein de la carcasse de cette bête dépecée que semble être l'humanité ». Une petite centaine de pages au papier doux comme de la peau. Trois gravures superbes (signées Vincent Ottiger), laissant apparaître, dans leurs plis, cette chair d'encre que façonne
Jacques Roman
Un étranger resté attardé sur la piste, c'est un « ouvrier de la dernière solitude », placé dans l'ombre, qui décrit, décrit, décrit l'amour, ce « tourment d'en pouvoir », cette beauté terrible à déniaiser. Sous sa plume, un homme, poète funambule, épingle et murmure des photographies et des lettres d'amour adressées à un nom de craie, Falaise, comme si les mots seuls suffisaient à tracer et faire revivre les contours de l'être absent (« L'objet de l'amour ne saurait nous appartenir mais son éternité en nous demeure »). Elle est loin, la joie d'écrire, les mots doivent ici se faire chair d'encre et de papier, chair à mordre, vers à dévorer : à défaut de pouvoir embras(s)er l'inaccessible, le corps lointain, l'écrire, le cerner, remâcher des incantations, écorcher le réel pour rebroder du verbe, mutiler le chaos pour y faire percer le sens. Folie d'amour, rage d'encre : « « l'amour est la seule légende que l'homme puisse écrire pour triompher de sa mesure ». Et notre narrateur-lecteur de déchiffrer la montée de cette folie, de ces gestes, de ces lambeaux de texte, pour en rendre la pleine violence, la beauté brutale et déchirante, le désir insensé et fulgurant, pour en accompagner les secrets, les ombres découpées au couteau, le silence épais et mouvant, la mort à la blondeur éblouissante. On quitte le texte le souffle court, l'âme saisie de terreur et d'admiration – le beau n'est-il pas « le commencement du terrible, qu'à peine à ce degré nous pouvons supporter» (
Rilke, Elégies à Duino) ?
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