Citations sur Hector (11)
Le marcottage s'emploie dans les jardins. Une plante produit des tiges aériennes avec de petites marques de vie, de petits bourgeons qui s'étendent dans diverses directions : quand on en prend une et qu'on la met en rapport avec du terreau, alors elle reprend, elle forme des racines et bientôt une nouvelle plante surgit, plus ou moins importante, mais que l'on peut bientôt séparer de la plante mère.
C'est en gros ce qui arrive dans les grandes œuvres comme l'Iliade d'Homère. D'elle-même, elle lance ses tiges aériennes, qui s'en vont chercher une possibilité de vie et de contact ailleurs. Elles peuvent les rencontrer d'elles-mêmes, elles peuvent y être aidées, si quelqu'un prend soin de diriger ces tiges aériennes vers le bon terreau. Et alors, voilà le miracle de la vie qui renaît, sous une forme entièrement nouvelle et indépendante.
Quiconque cite les combats de l'Iliade, ou décrit ses héros, ou se penche sur leurs caractères sans s'occuper des dieux se trouve fausser tout dès le départ, en coupant arbitrairement entre deux mondes qui se pénètrent sans cesse, et où celui d'en haut a la haute main sur l'autre.
Ce sont les dieux qui inspirent la fougue ou le désarroi ; ce sont eux qui décident du succès ou de l'échec, eux qui conseillent ouvertement les hommes ou leur inspirent leurs décisions.
Encore faut-il distinguer. Car il y a diverses formes d'interventions, et, au reste, des dieux également divers. Et notre Hector aura affaire à toutes et à tous.
Cette absence d'analyse psychologique n'est pas pour nous surprendre : elle est, on l'a vu, une habitude chez Homère. Quand Achille permet à Patrocle de rejoindre le combat, c'est aussi un retournement important et il n'est pas non plus expliqué ni analysé : "Mais laissons le passé être le passé. Aussi bien, je le vois, n'est-il guère possible de garder dans le cœur un courroux obstiné..." L'acte, toujours, l'emporte sur la description des sentiments.
Peut-être ce caractère est-il d'autant plus intéressant pour nous que la littérature de notre temps, saturée d'analyse psychologique, tend à revenir à ce mode d'expression. L'acte doit suffire à suggérer l'explication. Et, s'il reste une marge d'incertitude, c'est tant mieux.
L'Iliade est donc à la fois poème de la force, comme le disait Simone Weil, et poème de la pitié, comme j'ai tenté de le montrer. L'un et l'autre vont ensemble.
C'est sans doute là un cas rare dans la littérature. Et l'on ne peut qu'être frappé par le contraste avec nos attitudes modernes. L'écrivain est aujourd'hui, trop souvent, tout l'un ou tout l'autre – pessimiste ou optimiste, pour ou contre, en un mot : engagé. L'idéologie pèse sur les uns, la sentimentalité sur les autres. On a parfois envie de leur appliquer la formule où Homère enferme tant de pitié pour ceux qui ne savent pas : nèpioi, "pauvres aveugles".
La guerre a donc une double face, chez Homère. Elle est belle ; et elle est horrible. Surtout, elle est les deux ensemble. Car on parle quelquefois de "l'ambiguïté" de la guerre homérique : le mot me choque dans la mesure où il suggère un flottement, une complication quelque peu subtile, en fait, les deux traits se complètent, aussi francs l'un que l'autre, en une association naturelle, dont nous n'avons plus le pouvoir de sentir l'évidence.
Souvenez-vous Quintius, que vous commandez à des Grecs, qui ont civilisé tous les peuples, en leur enseignant la douceur et l'humanité et à qui Rome doit les lumières qu'elle possède "Cicéron"
Personne n'est assez fou pour préférer la guerre à la paix ; dans la paix, les fils ensevelissent leurs pères ; dans la guerre les pères ensevelissent leurs fils "Hérodote"
Achille ne s'oppose pas seulement à Hector au combat : il est son contraire, la violence contre la douceur, la rage contre le respect des règles. Et Homère, quel que soit l'éclat qu'il prête à Achille, ne laisse à aucun moment douter des valeurs qu'il entend louer. La fin du poème le prouvera : toute cette fin sera une condamnation de la vengeance d'Achille et un plaidoyer pour l'apaisement.
Le jeune prince paré de tant de vertus est à la fois le plus humain, le plus aimé et le plus maltraité. Comment ne pas pleurer avec les Troyens ?
L'Iliade se construit comme une tragédie, autour de sentiments humains
Il a toutes les qualités que peut avoir un homme, et par là il sème l'admiration, mais il n'est pas un surhomme, et par là il inspire la pitié et la sympathie.