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Citations sur Ouverture à coeur (11)

Je sais bien : j’étais élégante, je voyageais, je travaillais ; et elle était sans coquetterie, avec des mèches grises et des galoches. Je venais de Paris, je fréquentais des écrivains, je prenais des avions ; elle ne voyait jamais personne, elle était loin de tout, elle ne lisait guère. Mais il me semblait que toute mon aisance citadine n’était plus qu’un puéril encombrement, à laisser au vestiaire, comme on laisse tous les mensonges en présence de la vérité.
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Dans la vie, ce n’est pas comme cela, petite ! Il n’y a pas d’hommes neufs. On prend les trains en marche et les hommes en cours d’existence, avec leurs manies, leurs dettes et leurs dents réparées !
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La présence d'un étranger vous fait vous sentir étranger.
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Et j'ai imaginé le jeune garçon qu'il avait été. Je l'imagine encore - et si bien ! Un jour, il découvre, avec étonnement, qu'un tableau est beau, indépendamment de toute mode, de tout sujet, de toute idéologie. Il le comprend et c'est comme une petite révélation. Mais on lui montre d'autres images. On lui explique. Déjà il est choqué que nul ne lui ait enseigné cela en classe. Déjà il voudrait en parler aux autres. Mais on l'arrête bien vite : dans l'atmosphère d'alors, ce ne serait pas bien vu. Il découvre donc aussi qu'il y a des vérités très précieuses, qui ne sont pas bonnes à dire, et qu'il y a des trésors rares, que l'on doit garder pour soi.
Mais peut-être, dans ce cas, y a-t-il d'autres malentendus et d'autres affirmations suspectes dans les propos que tous répètent autour de lui ? L'esprit critique n'attend qu'un signe. La liberté de jugement est en train de poindre.
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- Attendez...
Et, fouillant ses affaires, il en a sorti une grande photographie en noir et blanc, qu'il m'a tendue, avec un zèle inquiet. Et ce fut le troisième saisissement de cette rencontre ; car la photographie était son oeuvre et elle était bouleversante. Elle représentait un vieil homme assis sur un banc, regardant au loin, avec des enfants jouant dans le ruisseau, à quelques mètres. C''était la vieillesse et l'enfance. C'était la solitude et le jeu. C'était la misère acceptée et familière. Dans le vide de l'avenue, où cette image avait été prise, le photographe avait su établir un fort contraste entre le flou des arbres et le relief de ce visage humain, d'une lassitude sereine. J'ai été surprise et émue ; et je l'ai dit. Je pensais lui faire plaisir, et cela d'autant plus qu'il m'avait montré son chef-d'oeuvre de lui-même. Mais il s'est rétracté aussitôt, marmottant seulement :
- C'est Carl qui m'a payé l'appareil.
Il n'empêche que nous nous étions trompées sur lui aussi. C'était décidément un bon jour pour désapprendre l'arrogance.
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O gloire ! Legrand était comme Natty. C'était la même ferveur et le même dévouement. Carl était donc bien celui que je cherchais, qui n'avait rien pu faire de vraiment mal. Réfléchie par la confiance qu'ils lui portaient tous les deux, l'image de Carl brillait maintenant en moi comme une médaille d'or astiquée et polie, que rien ne macule plus. Je l'avais toujours connue et chérie, cette image. Mais la médaille d'or que l'on sort du sol, après des siècles, est ternie et terreuse ; elle dérobe ses traits ; en revanche, que l'on se mette à la frotter, et son éclat restitué la rend plus belle qu'au premier jour.
Et c'est vrai, il en est ainsi : même ceux que nous aimons le plus, nous les voyons toujours un peu de l'amour des autres. L'affection vouée à Carl et fièrement affirmée par Legrand, le faisait luire plus fort dans le secret de mon coeur.
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Les gosses détraquent leurs jouets en cherchant à voir comment ils fonctionnent : les adultes, eux, ruinent leurs relations avec ceux qui leur sont chers, parce qu'ils n'essaient même pas de se renseigner.
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Monsieur Samuel répétait que, si je pouvais trouver une grande joie dans les choses hors du temps, les paysages, les tableaux, les poèmes, personne ne pourrait jamais me changer, ni m'obliger à penser ce que je ne pensais pas. Il avait peur de cela, le vieux Samuel ! Il avait peur que je me laisse embrigader, comme beaucoup de jeunes.
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Les belles choses, la peinture, les monuments (et Dieu sait qu'il y en a, à Prague !) le vieux Samuel les lui fit découvrir. Mais derrière les belles choses, et avec elles, ce qu'il voulait enseigner à cet enfant était le goût de l'éternel et le sens de la liberté intérieure.
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Il s'est assis devant le grand chevalet ; et, tout naturellement, il m'a montré ce qu'il faisait.
- C'est un petit Van Clutern, a-t-il dit. Les gens à qui il appartient ne se doutaient pas de ce que c'était. On en a très peu. Et ils l'ont laissé se salir, puis recevoir un grand coup. Voyez : ici...
Je n'ai aujourd'hui encore aucune idée de qui est Van Clutern, et j'aurais donc été comme les possesseurs du tableau. Je n'ai pas posé la question, pour ne pas interrompre Carl : enfin, il était à son affaire, et tout entier dans le présent.
Ce petit tableau représentait quelques maisons et un vieux pont, sur une rivière assez large, avec un bateau sombre amarré à la berge...
Pourquoi préciser ici ces détails ? Parce que ce fut de ce tableau et de cette rivière que Carl me parla, avec amour.
Il me montra le coin abîmé : c'était une partie de l'eau de la rivière, une surface bleutée, un peu changeante. Et il eut un geste si étonnant que je m'en souviendrai toujours : avec l'index et le médius, il caressait cette surface peinte, mais sans la toucher. Il la caressait en décrivant de petits cercles tendres, comme une sorte de passe magnétique ; et son geste était à la fois très discret et très sensuel.
- Voyez cette merveille, me dit-il. Voyez ce bleu ! on ne peut plus, aujourd'hui, trouver des couleurs si limpides. Et les reflets ! Voyez : ils sont tantôt bruns et tantôt gris... et discontinues ! Le vieux Van Clutern qui joue, à l'avance, les impressionnistes ! Mais en même temps ils sont longs, parce que l'eau est si tranquille... Tout à l'heure, je me suis apprêté à réparer ce coin, et je ne pouvais pas m'y mettre : je restais fasciné par ce calme ; et l'eau semblait bouger doucement. On entre dans le tableau.
Le tableau,, au début, ne me disait pas grand-chose : mais, à force d'entendre Carl et de regarder cette surface bleutée et nacrée, elle me semblait grandir, et devenir plus réelle qu'un vrai paysage. Il y eut un moment de paix et de plénitude un peu étrange - comme un arrêt du temps.
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