On plonge immédiatement dans une dualité insupportable, suffocante. Choisir entre soigner, sauver des vies, et protéger sa propre santé, mentale et physique.
Réminiscences insupportables des manifestations des soignants, qui ont fini gazés, tirés par les cheveux, malmenés violemment tels de dangereux criminels. L'appel au secours de tous ces aide-soignants, ces infirmiers, ces médecins, ces urgentistes au bord du gouffre, dépassés, surchargés, en burn-outs inévitables, en détresse, a été balayé d'un revers de matraque lacrymogène comme un vulgaire caprice.
Lorsque l'on pense hôpital, on pense à tout ce qui concerne la santé, les soins, les médicaments, les examens, les traitements, les diagnostics… Mais l'on en oublie un aspect crucial, indispensable, vital même pour le bon maintien d'un service hospitalier. La propreté. le nettoyage systématisé de chaque chambre, de chaque couloir, de chaque recoin, de chaque poignée de porte, de chaque interrupteur… Des heures et des heures à assainir un espace empli de microbes, de virus, de toux, d'urine, de fèces, de vomi, de glaires, de sang et de larmes.
Encore du temps qui s'égrène alors que tant de futurs patients attendent, serrés dans les salles d'attente, parfois réfugiés dans les couloirs parsemés de malades sans chambre, sans intimité, et tout ce microcosme se doit d'interagir avec calme et intelligence, comme si tous ces gens, patients et soignants ne naviguaient pas dans une souffrance permanente.
La manière dont
Julie Rossello Rochet décrit, énumère, liste tous ces gestes du quotidien, tous ces résultats d'analyses, tous ces chiffres, ces statistiques, ces relevés, ces numéros de chambre ; c'est révéler le travail automatisé, robotisé qu'est devenu le métier pourtant si beau de soignant. le manque cruel, odieux et indécent de personnel, empêche le lien minimum que l'on devrait réserver à chaque patient. Tout, absolument tout doit s'effectuer le plus vite possible. Mais « le plus vite possible » ne peut pas s'accorder avec « le meilleur possible ».
Un livre nécessaire, troublant et poignant dans toute son humilité et sa vulnérabilité.