L'enfant qui est dans la lune
Cet enfant, toujours dans la lune,
s'y trouve bien, s'y trouve heureux
Pourquoi le déranger ? La lune
est un endroit d'où l'on voit mieux .
LA DEMOISELLE ET LA BICHE
Vous avez fait un vilain rêve,
mademoiselle Noémie.
Vous étiez biche dans les bois.
Des chasseurs vous chassaient sans trêve,
votre cœur était aux abois.
Mais le matin enfin se lève
et vous retrouvez vos amis.
Car vous n'êtes pas la biche au bois
mademoiselle Noémie,
et vous reprenez vos esprits.
Mais dans la forêt du sommeil
erre une biche triste et douce
qui se sent seule lorsque s'éveille
mademoiselle Noémie.
La biche a eu toute la nuit
une meute folle a ses trousses
mais elle avait une amie
qui partageait sa longue course.
La voilà seule dans les bois.
Où donc s'en est allée l'amie
qui lui a tenu compagnie ?
La biche pleure. Elle a froid
et se demande où est partie
mademoiselle Noémie.
L'oiseau futé (extrait)
A quoi bon me fracasser,
dit l'oiseau sachant chanter
au chasseur sachant chasser
qui voulait le fricasser.
L'enfant qui battait la campagne
Vous me copierez deux cents fois le verbe:
Je n'écoute pas. Je bats la campagne.
Je bats la campagne, tu bats la campagne,
Il bat la campagne à coups de bâton.
La campagne ? Pourquoi la battre ?
Elle ne m'a jamais rien fait.
C'est ma seule amie, la campagne,
Je baye aux corneilles, je cours la campagne.
Il ne faut jamais battre la campagne :
on pourrait casser un nid et ses oeufs.
On pourrait briser un iris, une herbe,
On pourrait fêler le cristal de l'eau.
Je n'écouterai pas la leçon.
Je ne battrai pas la campagne.
Le poulpe
Le poulpe avait usé ses bottes
en tricotant l'eau comme un dératé
" Cordonnier, refais-moi mes bottes,
je t'apprendrai le karaté."
Avec des si …
Si les poissons savaient marcher
Ils aimeraient bien aller le jeudi au marché.
Si les canards savaient parler
Ils aimeraient bien aller le dimanche au café.
Et si les escargots savaient téléphoner
Ils resteraient toujours au chaud dans leur coquille.
Le singe
Le singe descend de l'homme.
C'est un homme sans cravate,
sans chaussures, sans varices,
sans polices, sans malice,
sorte d'homme à quatre pattes
qui n'a pas mangé la pomme.
Il faudrait parvenir à ne pas écrire "des livres d'enfants" ou des livres "de grandes personnes". Il faudrait arriver seulement, de quatre à cent quatre ans, à écrire pour être un délivre-enfants.
L'affable La Fontaine
Récite ta fa
Récite ta fable.
Pour devenir grand
Il faut qu’on apprend
assis à sa table
sa récitation,
l’ineffable fable,
riche en citations,
de l’affable la
fontaine de fables.
L’heureux nard et le corbeau
Rat Deville et rats Deschamps
le méchant loup Pélagneau
la Chevreuse et le Roseau
L’Assis Gal et la fournie
la quenouille qui veut se faire
aussi rose que le bœuf
les animaux malades de la tête.
Retisse et récite
récite ta fa
ta fable d’enfant.
Quand tu seras grand
il sera bien temps
d’apprendre qu’on n’a
souvent aucun besoin d’un plus petit
que soif
pour boire à la fontaine.
LES MANIÈRES DU SOLEIL
Le soleil luit pour tout le monde
mais un peu plus ou un peu moins.
Il en est que son chaud inonde
D'autres ne le voient que de loin.
Il luit plus pour le cormoran
que pour a taupe ou le cafard.
Il luit bien plus à Perpignan
qu'à Lille ou à Hénin-Liétard.
Le soleil luit pour tout le monde
mais plutôt plus ou plutôt moins.