Quand les gens l'invectivaient -- clown sans cirque, reine sans palais --, elle laissait la blessure traverser ses branches comme une brise, et de la musique de ses feuilles bruissantes elle tirait un baume pour apaiser la douleur.
L'idiotie intrinsèque, l'idée du Jihad, a infiltré le Cachemire à partir du Pakistan et de l'Afghanistan. À présent, avec vingt-cinq ans de recul, je dirais qu'à notre avantage nous avons huit ou neuf versions de l'islam "authentique" qui se combattent au Cachemire. Chacune d'elles a sa propre écurie de mollahs et de maulana...
(...) La seule chose qui garde le Cachemire de l'autodestruction à la façon du Pakistan ou de l'Afghanistan, c'est son bon vieux capitalisme petit bourgeois. Si religieux soient-ils, les Cachemiris sont de grands hommes d'affaires. Et tous les hommes d'affaires, d'une manière ou d'une autre, ont intérêt à voir se prolonger le statu quo ou ce que nous appelons "processus de paix" qui, soit dit en passant, offre des opportunités commerciales très différentes de la paix à proprement parler.
Peu à peu, Anjum engloba les tombes de sa famille dans sa maison en constuisant autour d'elles. Chaque pièce contenait une (ou deux) sépulture et un lit (ou deux). Elle fit édifier une cabine de bains séparée et des toilettes avec leur fosse septique. Pour l'eau elle utilisait la pompe à manivelle publique. L'imam Ziauddin, traité avec dureté par son fils et sa bru, devint un hôte permanent de sa demeure (...)
La maison d'hôtes du cimetière offrait l'avantage sur tous les autres quartiers de la ville, y compris les plus huppés, d'être totalement épargné par les coupures de courant. Même l'été. Arjum chapardait en effet son électricité en se branchant sur l'alimentation de la morgue où les cadavres ne pouvaient se passer de réfrigération vingt-quatre heures sur vingt-quatre. (les défunts miséreux de la ville qui se retrouvaient dans cette opulence climatisée n'avaient jamais rien connu de tel de leur vivant).
A l'heure magique où la lumière survit au soleil, des armées de roussettes se décrochent des Banyans dans le vieux cimetière et dérivent comme fumée à travers le ciel. Quand les chauves-souris s'en vont, les corbeaux s'en viennent. Le vacarme de leur retour au nid ne suffit pas à combler le silence creusé par la disparition des moineaux et l'absence des vieux vautours à dos blanc, gardiens des morts depuis plus de cent millions d'années, qui ont été exterminés. Empoisonnés au diclofénac. Le diclofénac ou aspirine des vaches, administré au bétail comme décontractant pour atténuer les douleurs musculaires et augmenter la production de lait, agit -- ou plutôt agissait -- à la façon d'un gaz neurotoxique sur les vautours à dos blanc.
(...) L'extinction des vieux rapaces aimables passa inaperçue au plus grand nombre, qui regardaient ailleurs. Il y avait tant à attendre des lendemains.
À l’heure magique où la lumière survit au soleil , des armées de roussettes se décrochent des Barryans dans le vieux cimetière et dérivent comme fumée à travers le ciel .Quand les chauves- souris s’en vont, les corbeaux s’en viennent .
Le vacarme de leur retour au nid ne suffit pas à combler le silence creusé par la disparition des moineaux et l’absence des vieux vautours à dos blanc , gardiens des murs depuis plus de cent millions d’années , qui ont été exterminés .
Empoisonnés au diclofénac » .
« Dans quel parler tombe la pluie
Sur les villes de la douleur ? .
PABLO NERUDA .page 126 .
Seuls les morts sont libres.
Comment écrire une histoire brisée?
En devenant peu à peu tout le monde.
Non.
En devenant peu à peu tout.
Les quatre Hijra du carrefour étaient penchées aux fenêtres de la Mercedes, coudes appuyés aux rebords, le postérieur pointant dans une pose provocante au milieu de la circulation. Lorsque les feux passèrent au vert, les autres voitures se mirent à klaxonner avec impatience, déclenchant en réponse une bordée d'obscénités inventives.
Ce n'était rien, mais tout de même quelque chose.