"Les grands choses sont dures et froides. Mais les petites sont douces. Il y a toujours une consolation dans les objets minuscules."
Edgar, qui n'avait pas encore le permis, ne se mit au volant qu'après avoir passé la frontière tchécoslovaque. Ils avaient vite compris que le monde totalitaire contrôlé par le grand frère russe était bardé d'interdictions en tous genres, semé d'indicateurs et de policiers, mais que cette tyrannie ne s'exerçait que sur la politique.
La foule n’aime rien tant qu’être vaincue par une force qui la saisit et lui impose sa volonté. Elle adore acclamer ce qu’elle était prête à conspuer, se coucher aux pieds de ceux qu’elle avait cru pouvoir dévorer.
Les cantatrices sont des reines qui n'ont à se soumettre à aucun roi. Elles ne recueillent que des vivats et du désir. Leur voix est un instrument précieux dont la puissance éphémère n'est faite que d'émotion, comme l'amour.
Dans cet enclos de campagne envahi de fleurs sauvages, on avait l'impression que les morts étaient en vacances.
Il faut voir leur existence comme une sorte de parcours mozartien, aussi peu sérieux qu'on peut l'être quand on est convaincu que la vie est une tragédie.
Et qu'il faut la jouer en riant.
Lorsqu'on tente, comme je le fais, d'explorer la vie d'un couple, on tombe inévitablement sur le mystère de l'intimité. Il y a des barrières que l'on ne peut pas forcer. Les aveux en cette matière ne sont guère sincères. Ce que disent les intéressés reflète plus leur être social que leur vérité privée. p.144
Ce qui frappa le plus Edgar dans cette collection, ce fut l'identité des auteurs dont le collectionneur lui montrait les autographes. Leurs noms étaient passés à la postérité sous la forme de rues ou de stations de métro. Edgar qui, on le sait, n'avait pas terminé sa scolarité s'étonnait de découvrir ces grands hommes dans leurs oeuvres. Leur écriture à la plume, leur signature plus ou moins tremblée, les lignes qu'ils avaient tracées sur des pages donnaient d'eux une image vivante et au fond presque pitoyable. Ainsi ces écrivains devenus des mythes avaient commencé par s'asseoir chaque matin devant une feuille de papier, sans penser à la gloire qui les attendait. Ils avaient cherché des idées, raturé des lignes entières, souffert beaucoup sans doute. Cela les rendait familiers et presque fraternels.
Vous connaissez cette phrase de Michel-Ange : « Toutes les statues sont dans le marbre, il suffit de les en faire sortir. »
Ils venaient à cet instant de quitter une vie qu’ils ne vivraient jamais plus : celle pendant laquelle ils ne s’étaient pas connus.