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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un rabbin américain s'engage et part libérer l'Europe des nazis...un classique, non pas vraiment il assista a la libération des camps de concentration et nous livre sa stupéfaction, son dégoût avec une honnêteté foudroyante . A travers son récit et sa rencontre avec un petit orphelin de 5 ans , on reçoit telle une énorme giffle la descente aux enfers que vit cet homme de foi. Un échange de lettre avec son épouse nous donne une idée des connaissances de ceux restes au pays. Ce livre est une énorme giffle , on n'en ressort pas indemne. Seule chose a déplorer, c'est trop court! Il finit de façon abrupte et on reste un peu dur sa faim . Il nous reste de nombreuses questions, que devient il ? Décidé t il vraiment de cesser d'être rabbin après tout ça, sur ce que devient l'enfant ?
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Daniel est un jeune rabbin américain qui s'est engagé comme aumônier pour soutenir les troupes armées. En 1945, il est un des premiers à entrer dans les camps d'Ohrdruf et de Buchenwald, pour libérer les personnes qui y sont emprisonnées. Cette rencontre avec l'horreur remet en cause toutes ses croyances. Sa foi est mise à mal. Comment Dieu peut-il laisser commettre de telles atrocités ?


Il existe des livres qui bouleversent tant, qu'on ne sait pas comment en parler. le temps des orphelins en fait partie. Dans ce livre, ce ne sont pas les camps qui sont décrits, mais les sentiments de ceux qui les découvrent. Cette plongée dans l'horreur absolue les change à tout jamais. Que personne n'ait rien vu dépasse leur entendement.


Le récit de Daniel est entrecoupé par des lettres de sa femme. Ethel est en Amérique, elle ne sait pas ce que vit son mari. Même si elle s'inquiète, la légèreté de ses propos tranche avec les atrocités que découvre Daniel. Cela renforce la puissance émotionnelle des paroles de ce dernier. Je me suis demandé quel ressenti il avait eu au sujet de ces courriers. Est-ce que cela lui a fait du bien ou est ce qu'il a été encore plus choqué que le monde continue à tourner comme avant ?


Daniel croise un enfant, seul et qui ne s'exprime pas. le jeune rabbin décide de tout faire pour retrouver ses parents. Cette mission qu'il s'est donnée est ce qui le garde dans le monde des vivants. Cet espoir de réunir une famille est ce qui l'empêche de sombrer. Pour le lecteur également, ce petit représente la lumière dans ce récit si dur.


Comme je le disais, j'ai été bouleversée par la puissance de ce livre qui décrit le choc ressenti par ceux qui ont libéré les camps et leur désarroi si fort que leur foi en « l'Eternel » et en l'humanité a été remise en question. le temps des orphelins laissera une forte empreinte en moi.


Je remercie sincèrement Babelio et les Éditions Buchet-Chastel pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une masse critique.


Lien : https://valmyvoyoulit.com/
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Un livre sur la Seconde Guerre mondiale... Une autre histoire, un autre regard... À priori, on pourrait se dire qu'elle ressemblera à toutes les autres. Mais à cela, je dirai mon soulagement de lire encore des textes y faisant référence. Il ne faut pas oublier. Laisser cette plaie béante et nauséabonde est d'une nécessité humanitaire. Personne ne doit oublier ce qu'il s'est passé. Ni la haine, ni le déshonneur, ni les morts... Ni l'espoir en des lendemains plus sereins.


L'expérience de lecture est particulière. J'ai lu le livre en vacances, entouré des chants des grillons et du bruit du vent, loin de l ville et de ses bruits. Une parenthèse apaisée qui m'a offert un instant de lecture concentré. J'ai pris mon temps, le style de Laurent Sagalovitch s'y prête d'ailleurs. J'ai voyage avec Daniel, jeune rabbin venu avec l'armée américaine et qui prête une oreille attentive aux soldats, aux mourants, aux victimes. Je n'ai pas quitté Daniel ni ses questionnements sur cette guerre, la question même de la légitimité de sa présence : peut-il accueillir tout ce que l'humanité a créé de pire ? D'un camp de concentration à un autre, d'un enfer à un autre, d'une victime à une autre, d'une réalité au cauchemar qu'elle révèle. Et au fur et à mesure prendre la mesure de ce qui s'est passé.

J'ai apprécié cette descente aux enfers. Il ne s'agit pas d'un témoignage direct. Mais la fiction est tristement réelle. Laurent Sagalovitch écrit avec mesure, le rythme est agréable à suivre. le texte est entrecoupé des courriers que le rabbin reçoit de son épouse. le contraste entre ses propos et ce que vit Daniel est cru : les préoccupations quotidiennes paraissent bien futiles face à la réalité de la guerre. J'ai beaucoup apprécié la description des personnages, ce qu'ils dégagent et la puissance parfois de ce qui est tu. Cela intensifie leur aura, leur individualité. Je dois dire que j'ai été vraiment happée par cette histoire. J'apprécie les récits relatifs à cette période et surtout les différents points de vue. Cela me pèse de voir l'être humain capable d'autant d'inhumanité. Et pourtant, aujourd'hui encore, les faits divers et autres informations de par le monde nous montrent des visages encore bien cruels. Mais il reste de l'espoir.

Le personage du rabbin Daniel est très complexe. C'est très agréable d'accompagner l'histoire d'un personnage aussi complexe et qui se questionne. Sa pensée évolue au fur et à mesure des découvertes et des rencontres. Les doutes font parti de son expérience et ils ont la place.

Je reste sur ma fin. Sans pouvoir vraiment l'expliquer, les dernières pages ont du mal à m'évoquer la fin du livre. J'ai eu l'impression d'être mise sous pression et de terminer la dernière ligne pleine de tension et d'une sourde colère. J'ai eu besoin de temps pour digérer cette lecture, comme toutes les lectures mettant en scène des enfants qui ont souffert. C'est compliqué de se dire que des enfants de l'âge de mon fils voire plus jeune, ont vécu l'enfer, ne s'en sont pas sortis, ou alors marqué à vie...


En bref :

pour ne jamais oublier. Une lecture originale pour voir et découvrir la guerre et les horreurs du 3e Reich dans les yeux d'un Rabbin. Original et marquant. Une écriture captivante.
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Certains diront encore un livre sur l'époque de la Shoah et des camps de concentration. Or tout a été écrit, raconté, filmé, ressassé...
Effectivement, si l'on apprend rien sur cette période sombre de l'Histoire, ce qui est intéressant dans ce livre, c'est le point de vue adopté par l'auteur.
Ce que j'ai apprécié dans ce livre, c'est la vision des camps et leur découverte via le témoignage d'un aumônier américain, David Shapiro, qui a souhaité s'engager afin de participer à la libération et se rendre utile auprès de sa communauté juive.

D'abord affecté au débarquement en Normandie, il traverse la France d'Ouest en Est et atteint très rapidement l'Allemagne.
Lorsqu'il reçoit le télégramme le missionnant à rejoindre un camp en lisière d'Ohrdruf, il n'imagine pas un instant l'horreur qui l'attend. Il pensait avoir connu le pire, s'être endurci face aux atrocités. Il récitait sans cesse le kaddish, prenait le temps, avec délicatesse, de s'agenouiller près des dépouilles, de dégager la croix de David autour de leur cou et de la nettoyer du sang qui avait parfois séché.

Face à cette vision de l'horreur, c'est le silence et le mutisme qui l'emportent.
Que ce soit ceux qui découvrent les camps et l'indicible que les prisonniers.
Tous sont sans voix, taciturnes, muets, impénétrables.

A Orhdruf, David Shapiro se donne un objectif, retrouver les parents d'un enfant qui ne dit pas un mot, regarde dans le vide.
L'enfant s'est renfermé sur lui-même, ne communique pas et refuse même de se nourrir.
D'autres prisonniers, il apprend que ses parents ont été déportés à Buchenwald.
David Shapiro fera tout retrouver les parents de l'enfant dont il ignore absolument tout.

Arrivé à Buchenwald, l'horreur est à son comble.
Le silence est toujours présent, il se répand même.
Les nuits sont longues, l'atrocité ne permettant de trouver le sommeil.
Et lorsqu'il parvient à fermer les yeux, les cauchemars envahissent ses pensées.
Impossible de faire le vide.
A plusieurs reprises, il remet en cause sa foi tant ce qu'il découvre, ce qu'il apprend, ce qu'il voit est insurmontable.

Face à cette barbarie, à ces charniers, il apprend qu'il est devenu le papa d'une petite Ruthie. Car l'auteur a glissé ça et là, au milieu des chapitres, quelques lettres de sa femme. Dans l'une d'elles, elle lui apprend l'heureux événement.
La vie triomphe face à la mort.

Quant à la fin du livre, c'est une fin ouverte qui laisse libre court à notre imagination.
Fin heureuse, dramatique, ou les deux ?
Tous les scénarios sont possibles...
Le style est plaisant et la plume sensible de l'auteur atténue les atrocités.

Je remercie Babelio et les éditions Buchet Chastel pour l'envoi de ce roman.
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Et Dieu dans tout ça ?

Daniel est un jeune Rabin engagé dans les troupes qui vont libérer l'Europe. C'est en Allemagne, aux portes des camps de concentrations que Daniel découvre l'innommable, l'inimaginable, et la cruelle réalité : des cadavres, des moribonds, des orphelins…

Comment peut-on vivre sa foi lorsque l'on est confronté de plein fouet à la folie des hommes, d'autant quand elle est menée contre les siens ?
Et Dieu dans tout ça ? Où est-il ? Que fait-il ? Comment a-t-il pu permettre cela, lui qui dit-on est le tout puissant ? Comment peut-il avoir été sourd et aveugle devant l'anéantissement des siens ?

Telles sont les questions que nous pose Laurent Sagalovitsch dans ce roman bouleversant puissant et lumineux à certains égards- aussi.

La lumière nous apparait sous la forme d'un petit garçon qui surgit d'un camp et qui s'accroche à Daniel se démenant corps et âme pour lui retrouver ses parents.

Ce roman est relativement court mais d'une certaine intensité de par son contenu, les questions qu'il soulève ; il rend légitime la fragilité de la foi, et sa remise en question.
Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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La guerre requiert des sacrifices, et ce n'est pas Ethel qui souffre de l'absence de son mari qui vous dira le contraire ni même ce dernier qui a décidé, alors que rien ne l'y obligeait, de participer à l'effort de guerre.

1945. Après une formation militaire, Daniel, jeune rabbin venu d'Amérique, est donc envoyé en Europe où il découvrira l'impensable, l'innommable, cette réalité historique qu'il reste, plus de soixante-dix ans après, difficile de décrire sans ressentir une vague d'émotions et de dégoût. D'Ohrdruf à Buchenwald, l'épreuve est difficile et la progression en ces lieux maudits intenable : il y a d'abord cette odeur qui prend aux tripes des kilomètres au loin, les morts qui s'empilent, les visages et corps décharnés des vivants qui semblent pourtant partis à tout jamais, la maladie, les fours crématoires…

Malgré l'envie de renoncer et de partir loin de toute cette horreur difficile à endurer, Daniel résiste et fait de son mieux pour apporter un peu de réconfort aux survivants. Mais à la place de ses prières, là où il passe, c'est l'envie de retrouver les êtres perdus qui prédomine… À mesure qu'il récolte les témoignages, Daniel délaisse sa fonction de rabbin pour se recentrer sur l'homme en lui, un homme plein de compassion qui tente, tant bien que mal, de trouver sa place parmi cette cohue désoeuvrée. Car si les prisonniers ont retrouvé leur liberté de corps, celle de l'esprit semble bien profondément entravée…

Comment des hommes ont pu se laisser aller à tant de cruauté ? C'est en parcourant les murs hantés du sang de son peuple, même si la folie de Hitler a touché bien d'autres personnes, que Daniel se pose la question. Surgit également du fond de ses entrailles, cette autre interrogation, celle qui fait vaciller sa vie et ses certitudes : comment continuer à porter en soi l'amour d'un Dieu qui a laissé couler tout ce sang ? Daniel, qui a embrassé la profession de rabbin, plus pour faire plaisir à son père que par conviction, questionne donc cette foi dans laquelle il n'arrive plus à trouver le réconfort et les réponses qui lui permettraient d'avancer.

Daniel trouvera néanmoins la force de ne pas s'effondrer grâce à un petit garçon esseulé qu'il va prendre sous son aile. Incarnation de l'innocence bafouée, mais aussi symbole d'espoir et d'un possible avenir, cet enfant, qui préfère les regards aux paroles, sera la bouée de sauvetage du rabbin qui fera alors de son mieux pour retrouver ses parents. Espoir fou et vain ou non, peu importe, puisqu'on retiendra le symbolisme plus que le résultat derrière la quête du rabbin.

La plongée de ce dernier dans la folie humaine et les conséquences infâmes d'une idéologie nazie à vomir est entrecoupée des lettres de sa femme, Ethel. Elle y parle de cet immense amour qu'elle lui porte, du manque de l'autre, d'espoir, d'envie de fonder une famille, de ce quotidien qui, loin du front, reprend ses droits… Ces lettres pleines de tendresse et de positivité, qui apportent un peu d'air frais à une atmosphère mortifère, témoignent néanmoins du fossé qui se creuse entre ceux qui ont subi des atrocités ou qui connaissent leur existence, et les autres. Ethel est un personnage que l'on côtoie peu, mais qui m'a touchée par sa bravoure et son abnégation, cette dernière ayant, par amour et respect pour son mari, consenti à un grand sacrifice.

L'auteur immerge complètement les lecteurs dans l'enfer des camps de concentration, mais il arrive à le faire sans que l'on se sente étranglé par l'émotion. On se sent, bien sûr, incrédule puis en colère et dégoûté devant les épreuves inhumaines subies par des personnes dont le seul tort fut d'exister, mais on arrive à passer outre cette douleur pour avancer aux côtés de Daniel sans jamais détourner les yeux. Un point essentiel si l'on se rappelle toutes ces âmes qui ont péri dans l'indifférence ou, du moins, dans un déni bien pratique pour les consciences… À cet égard, j'ai trouvé la fin particulièrement sobre, mais puissante.

En conclusion, grâce à une plume puissante, vibrante de réalisme et non dénuée de cette délicatesse qui permet de mettre des mots derrière des drames sans jamais franchir la ligne de l'indécence et du sensationnalisme, l'auteur nous fait revivre un épisode noir de l'histoire mondiale que tout un chacun se doit de se rappeler pour que, plus jamais, une telle ignominie ne se reproduise. Fort, puissant et douloureux, plus qu'un livre, un devoir de mémoire !
Lien : https://lightandsmell.wordpr..
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Une lecture très marquante après celle de la guerre d'Alan (roman graphique) sur le thème également de la seconde guerre mondiale. En effet alors que dans ce dernier, le narrateur, Alan, a traversé la période et l'Allemagne, sans ressentir et voir toutes les affres de la guerre, le Temps des Orphelins nous fait plonger dans les extrémités de l'horreur et de l'inhumanité de cette seconde guerre mondiale.

Laurent Sagalovitsch, dans son roman, va nous faire vivre, par l'intermédiaire du jeune Rabbin Daniel (Rabbi) venu d'Amérique et de son chauffeur Fontana, la quête effrénée et désespérée des disparus.
A leur arrivée dans le camp d'Ohrdruf, ils vont découvrir l'horreur des camps et les côtés les plus sombres de l'espèce humaine. Mais c'est sans savoir ce qui les attend à Buchenwald!!! Quelque chose de "pire, bien pire"...
Ils vont également croiser un petit enfant, dont la vie a "du ressembler ces derniers mois à un cauchemar éveillé", petit garçon qui ne parle pas, est seul, ne les quitte pas et semble attendre qq chose.
Alors, peut être pour garder une lueur d'espoir, pour croire en un lendemain encore porteur de vie possible, pour croire toujours aux miracles, en Dieu, ils vont l'emmener avec eux à Buchenwald, espérant retrouver ses parents.
De toutes ces découvertes Daniel va en arriver à se demander "s'il n'existe pas un mal qui ronge le coeur des hommes et peut les amener à se conduire comme des êtres dépourvus d'humanité, monstres dont la conduite ne pourrait jamais être rachetée ni dans ce monde ni dans le suivant."
Sa foi sera ébranlée, questionnée : " que pouvait-il y avoir de si détestable chez nous autres juifs pour être haïs de la sorte?"

Livre fort et éprouvant que je recommande
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Trois forces se rencontrent dans ce récit : un héritage, un regard et un style
Lorsqu'aujourd'hui on revient (le verbe « visiter » m'a toujours paru insupportable) sur ce qu'il est convenu d'appeler « un lieu de mémoire », les sites conservés des camps de déportation et d'extermination, on ne voit rien parce qu'il n'y a plus rien, et que ce qui fait semblant d'être encore sonne tellement faux et fabriqué qu'on préfère ne pas voir. Et pourtant on est saisi par un grand froid qu'entretient et intensifie, quelle que soit la saison, le vent qui souffle sur ces grands espaces vides comme une porte sur le monde infini des morts.
En restituant le parcours du rabbin Daniel accompagnant les troupes américaines venues libérer le camp de Buchenwald, Laurent Sagalovitch donne vie et sens à ce vide. Il fait surgir à chaque pas la souffrance, l'humiliation, la décomposition des êtres en même temps que la décomposition des corps ; pas de description à proprement parlé, mais une évocation intense qui détricote l'humain. Car c'est bien là le coeur du projet nazi : déconstruire l'humanité ; éradiquer l'humain, en supprimer la catégorie au profit d'une nouvelle catégorie de surhomme, débarrassée de toutes les contingences de la morale, de la religion, de la raison, de l'éthique. Supprimer l'humain en chaque homme en en faisant ou une victime ou un bourreau.
Edmund Burke écrit au XVIIIème siècle : « La seule chose qui permet au mal de triompher est l'inaction des hommes de bien ». Une phrase qui résonne à travers les siècles. On refuse le mal. On ne veut pas le voir. On ne veut pas y croire. Et quand il explose au grand jour, on est paralysé, pétrifié comme ce rabbin immergé dans le petit camp de Buchenwald, perdant tous ses repères et Dieu Lui-même, découvrant pas à pas l'horreur et les abîmes de détresse dans lesquels ont sombré ces être torturés depuis des jours, des semaines, des mois, des années pour certains . Or cette paralysie, c'est bien la nôtre à tous. Il y a des héritages que l'on ne peut pas refuser. C'est le cas pour l'héritage de l'Histoire. Comment pouvons-nous assumer qu'une telle horreur se soit produite ? Comment pouvons-nous continuer à vivre, à palabrer, à revendiquer, à nous disputer, à nous entre-tuer après ça ? Avons-nous posé les bonnes questions ? Avons-nous ciblé les responsabilités profondes qui ont permis que cela se produise ? Bien sûr nous avons châtié de grandes figures abominables ; nous avons fait de beaux discours et nous faisons acte de mémoire à diverses occasions. Mais la question lancinante que pose implicitement mais inévitablement le récit de Laurent Sagalovitch est toute autre, et bien plus dérangeante : Avons-nous pris notre part de responsabilité ?

Et ce qui projette cette interrogation cruciale sur le rabbin d'abord, sur le capitaine Reuben, sur l'aide de camp Fontana, sur tous les soldats et le personnel médical, sur les habitants de Weimar, et plus encore sur le lecteur lui-même, c'est le regard de cet enfant trouvé au camp voisin d'Ohrdruf et que le narrateur prend sous son aile. Un regard emblématique qui donne vie et puissance à tous les enfants de tous les camps ; un regard qui transperce sans juger ni se plaindre, sans pleurer ni gémir, un regard qui malgré tout, malgré le désarroi, la souffrance et l'incompréhension espère… Avons-nous la force de ne pas trahir cette espérance ?

le tout dans un style à la fois sobre et somptueux, sans complaisance ni apitoiement, un style qui fait de la phrase une force qui emporte aux confins d'un monde devenu lointain mais dont elle impose la présence, auquel elle donne une immanence cruelle et impossible à esquiver. Toutes les stratégies de résistance qu'en tant que lecteur averti nous savons mettre en place deviennent caduques : la réalité est là et la question s'impose page après page.
Un récit magistral et nécessaire qui appelle une réponse, ni sur les ondes, ni sur les réseaux sociaux, ni dans la presse, mais dans la vie quotidienne de chacun d'entre nous, jour après jour, du lever du soleil à la tombée du soir, par notre effort de ne jamais renoncer notre humanité ni celle de notre voisin.

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J'avais ce livre dans ma PAL depuis longtemps et le défi ABC 2022/2023 m'a enfin permit de le lire. Et que cette lecture a été forte et dure!
Daniel Shapiro est un rabbin qui vit aux Etats-Unis et dont le père a quitté la Pologne à l'époque pour fuir les pogroms contre les Juifs. Il est devenu rabbin plus pour suivre les volontés de son père que par conviction et a une vie douce et heureuse avec sa femme Ethel, jusqu'à ce qu'il se décide à s'engager dans l'armée américaine afin d'aller aider ses frères contre la barbarie nazie.
On le retrouve au moment où les troupes de la 3ème armée découvre Weimar et le camps de Buchenwald et là, le/la lecteur/trice découvre tout l'indicible que l'auteur arrive malgré tout à nous raconter.
Daniel Shapiro pénètre dans le ventre de l'enfer en entrant dans le camp de Buchenwald. Dans un premier temps, il n'y a que l'odeur, puis la fumée, puis les gens... Ces descriptions sont dures à lire car je crois qu'on ne peut s'imaginer la réalité de ce que fut la découverte de ces camps et les horreurs qui y ont été commises, même si les survivants en témoignent.
Tout le talent de l'auteur ici est de nous présenter les choses au travers des yeux de son rabbin qui s'interroge alors sur le sens de la vie et surtout sur le sens de sa Foi. Qui plus est, il se retrouve à prendre en charge un enfant et de lui promettre de retrouver ses parents car l'enfant est trouvé dans une annexe du camp de Buchenwald.
Ce livre questionne, décrit et dérange sur un moment de l'Histoire humaine que l'on aurait clairement voulu ne jamais connaitre.
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Un roman bouleversant qui vous touche en plein coeur !

Daniel, un jeune rabbin américain de 28 ans, s'est engagé comme aumônier auprès des Forces armées. Nous sommes en avril 1945 et rien ne l'a préparé à la barbarie à laquelle il va être confronté. Il se retrouve en Allemagne et est appelé de toute urgence à Ohrdruf où se trouve un camp de concentration rattaché à Buchenwald. Là, il va croiser le regard d'un enfant de 4-5 ans environ, mutique, à qui il va faire la promesse de retrouver ses parents. Cet enfant, sur lequel il va veiller, lui donnera la force de tenir face à l'horreur et l'innommable.

Je remercie les Éditions Buchet Chastel ainsi que Babelio qui m'ont proposé ce livre. Tout comme l'auteur et son personnage, je ne cesse de me poser des questions sur le pourquoi et le comment on peut en arriver à cette barbarie. Mais également si on a la foi, sur le silence de Dieu. Comment peut-Il laisser se perpétrer de telles horreurs ? Et pourquoi cette haine des Juifs, toujours vivante malheureusement, ce désir de les anéantir ?

« le Temps des orphelins » est un roman qui nous plonge dans la barbarie des camps de concentration. Avec Daniel, nous allons participer à la libération des camps d'Ohrdruf et de Buchenwald. La seule chose qu'il peut faire, c'est écouter les témoignages des survivants et tenter de les aider à retrouver leurs familles en notant leurs coordonnées. Les sauveteurs sont également confrontés à leur impuissance. Impossible de nourrir les détenus correctement : ils sont tellement affaiblis qu'une nourriture trop riche ou importante les tue. Impossible de les libérer des camps immédiatement, ils provoqueraient des épidémies comme celle du typhus.

L'histoire du peuple Juif n'est qu'une longue suite de destruction, déportation, exil... J'ai été frappée par la manière dont certains psaumes datant du roi David correspondent de manière troublante avec ce que vivaient les Juifs dans les camps :

« Éternel, pourquoi Te tiens-Tu éloigné,

Pourquoi Te caches-Tu quand la détresse est là ?

Sans honte, le méchant exploite les pauvres ;

les voilà pris grâce à ses machinations.

[…] Ses méthodes sont toujours efficaces ;

les jugements de Dieu ne l'affectent pas.

D'un souffle, il balaie ses adversaires.

[…] en cachette, il assassine l'innocent.. »

Comment ne pas être bouleversés par les questions du capitaine Reuben : « Pourquoi ne vient-Il pas nous aider, Rabbi ? Ne voit-Il pas que Son peuple est en train de crever, de disparaître, d'être exterminé jusqu'au dernier ? Qu'attend-Il pour les sauver, vous pouvez me le dire ? Qu'il n'en reste plus un, plus un seul ? N'avait-Il pas promis à Moïse de nous protéger et de nous aimer sur mille générations ? Ne sommes-nous pas Son peuple élu, celui avec lequel Il est censé avoir passé une alliance censée ne jamais finir ? » Et comme Daniel, nous n'avons pas d'autre explication que la liberté que nous laisse Dieu d'agir comme nous le voulons. Laurent Sagalovitsch nous atteint en plein coeur avec cette interrogation de Daniel : « Que pouvait-il y avoir de si détestable chez nous autres Juifs pour être haïs de la sorte, au point qu'on veuille exterminer jusqu'au dernier de nos enfants ? » L'auteur alterne les chapitres qui concernent Daniel avec les lettres que lui envoie son épouse Ethel. le contraste est frappant et apporte une note de douceur à l'ouvrage tout en montrant le gouffre qui sépare Ethel et tous ceux qui continuent à vivre une vie "normale" de ceux qui savent.

« le temps des orphelins » est un livre d'une grande humanité qui ne cesse d'interroger le silence de Dieu. Il nous parle du pire et du meilleur de l'être humain. Il n'apporte pas de réponse et nous ne pouvons que continuer à nous demander comment il est possible à l'homme de se transformer en monstre et à espérer — hélas, je n'y crois pas trop — que plus jamais nous ne vivrons ou accepterons une telle barbarie et que l'antisémitisme n'existera plus.
Lien : http://au-pays-de-goewin.ove..
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