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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un énième roman sur la seconde guerre mondiale et les camps de concentration ?
Vous pensez peut-être que ces sujets ont été déjà largement traités et qu'il faut passer à autre chose ?
À cela, je vous réponds deux choses.
Tout d'abord, je pense qu'il n'y aura jamais trop d'ouvrages pour faire réfléchir le lecteur sur cette période.
Et puis, le point de vue adopté ici est original et intéressant. L'auteur apporte quelque chose de nouveau.
Le narrateur principal est un jeune rabbin, engagé dans l'armée américaine pour soutenir les soldats, pour amener dans la guerre un peu d'humanité et de spiritualité.
Jusqu'à un certain point, il parvient à aider et réconforter les soldats. Jusqu'à ce qu'il découvre à leur libération les camps de concentration et les survivants qui y errent.
Là, notre rabbin rempli de bonnes et pieuses intentions s'effondre intérieurement. L'intensité des horreurs constatées le laisse sans voix, démuni, et va même le pousser à remettre en cause sa foi et sa capacité à redevenir rabbin quand il rentrera chez lui.
J'ai apprécié le fait que Laurent Sagalovitsch ne se lance pas dans de grandes descriptions des camps et de ce qui s'y passait.
C'est un portrait en creux qu'il en dresse : en voyant les traces matérielles et humaines, on comprend ou plutôt on entrevoit ce qui a pu se produire.
Outre le fait que je préfère laisser les récits directs à ceux qui les ont vécus, le point de vue adopté correspond parfaitement à ce que vit le personnage du rabbin : il n'était pas présent dans les camps, mais comprend petit à petit à travers ce qu'il voit après leur libération.
L'hébétude de cet homme de foi est très bien rendue. Il se sent tout petit et inutile auprès des survivants : "J'étais indigne d'eux".
Rien de ce qu'il a vécu jusque-là ne l'a préparé à sa découverte des camps de la mort.
Son aveu d'impuissance et de désarroi est touchant : il ne cherche pas à se cacher derrière sa fonction, il ne fait pas semblant : "Probablement n'étais-je plus moi-même. À cette seconde, je n'avais plus envie de vivre."
Comment continuer à vivre après ce traumatisme, que ce soit pour ceux qui l'ont directement vécu ou pour ceux qui ont découvert l'horreur après coup ?
Voilà l'une des questions centrales du roman.
À travers les lettres que le rabbin reçoit de sa femme, on comprend que le retour au pays ne sera pas facile.
Dans d'autres circonstances, la fin d'une guerre signifie beaucoup de joies et marque le point de départ d'une nouvelle vie. Mais là, le traumatisme est tel qu'on devine l'impossibilité de reprendre sa vie d'avant, sans compter le décalage entre ceux qui ont vu et les autres.
Les premiers seront marqués à jamais dans leur être profond, les seconds, si humains et compréhensifs soient-ils, ne pourront qu'entrevoir la vérité.
Il faudra pourtant que les uns et les autres se retrouvent...
Ce roman soulève des questions intéressantes.
Ce n'est pas Si c'est un homme, et ça ne prétend pas l'être. Ce n'est pas un témoignage direct, mais un outil de réflexion.
Bien sûr, il ne faut jamais oublier le nazisme, cette monstruosité inhumaine qui a tenté d'éradiquer une fraction de l'humanité.
Mais il ne faut pas en rester là, et retenir les leçons du passé pour agir dans le présent, sans quoi, celles-ci sont inutiles.
Les Juifs sont actuellement victimes d'un autre totalitarisme, que beaucoup ne veulent pas voir ou ne veulent pas nommer : l'islamisme radical.
Quand je vois que dans certains collèges de France le principal informe les familles juives qu'il vaudrait mieux inscrire leur enfant dans le privé parce qu'avec le nom qu'il porte sa situation serait difficile, j'ai envie de hurler !
Quand je vois que certaines banlieues se dépeuplent de nos concitoyens juifs parce que le quotidien leur est devenu invivable, j'ai envie de hurler !
Quand je vois qu'une vieille dame comme Mireille Knoll peut être froidement assassinée chez elle par un jeune voisin, simplement parce qu'elle est juive, j'ai envie de hurler !
Les Juifs sont-ils condamnés à revivre éternellement le calvaire vécu pendant la seconde guerre mondiale ? À n'être qu'un "peuple dépêché sur cette terre uniquement pour servir d'exutoire" ?
À nous d'apporter la réponse à cette question. À nous de sortir nos dirigeants de leur aveuglement et de leur clientélisme, et de les pousser à prendre les mesures qui s'imposent.
Oui, il ne faut bien sûr jamais oublier le nazisme et combattre ses résurgences de toutes nos forces. Mais il ne faut pas rester les bras croisés devant la montée d'une idéologie tout aussi dangereuse : l'islamisme radical qui grignote notre société.
Pour ceux que ça intéresse, je vous recommande vivement la lecture de l'excellent livre de Boualem Sansal : le village de l'Allemand. Il y aborde le thème du fanatisme (quel qu'il soit, parce qu'il n'est, hélas, pas unique) et fait un parallèle magistral entre le nazisme et l'islamisme.
Boualem Sansal est un intellectuel courageux qui subit régulièrement des menaces parce que ce qu'il dit dérange ; il mérite d'être lu.
Merci à Babelio et à son opération Masse critique privilégiée et merci aux éditions Buchet-Chastel pour l'envoi de ce roman qui pousse à la réflexion.
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Daniel Shapiro, rabbin dans l'état de Washington, marié à Ethel, est apprécié des fidèles de la synagogue. Mais, il désire s'engager dans l'armée américaine pour soutenir le moral des troupes qui ont la même foi que lui.

Après un stage de formation éclair, il s'engage et va participer au débarquement en Normandie, aux combats qui l'emmène sur les différents champs de bataille jusqu'à l'Autriche.

Il va ainsi se retrouver face à l'horreur, découvrant le camp d'Ohrdruf, puis Buchenwald. Il est derrière son bureau et reçoit les rescapés qui ne veulent que des nouvelles de leurs familles, remplissant des fiches de renseignements. Mais, les rescapés sont nombreux, et il ne peut pas les recevoir tous. Une mini-révolte se déclenche quand il veut « s'arrêter là pour le premier jour ». Il n'est pas là pour cela, il veut prier avec eux.

Quand il commence à réciter des textes religieux, tout le monde s'enfuit. Comment ces survivants peuvent-ils entendre ces mots-là alors que leur Dieu a laissé faire toutes ces horreurs ?

Le doute s'installe dans l'esprit de Daniel également, peut-il, encore avoir la foi, lui-aussi. Il a choisi le rabbinat pour faire plaisir à son père et non par conviction.

Un petit garçon est debout immobile depuis le matin et il attend, alors Daniel décide de l'aider à retrouver sa famille, restée probablement à Buchenwald, alors que lui a été expédié tout seul dans un train pour Ohrdruf. Mais l'enfant ne parle pas…

Ce récit m'a plu car il envisage la Shoah l'extermination massive, les camps de concentration, d'une autre manière : un rabbin qui découvre tout cela de ses propres yeux et ne peut que douter. Il n'apporte rien de plus que ce qu'ont pu écrire Primo Levi, Semprun, Marceline Loridan-Ivens (entre autres) mais il permet d'entretenir le souvenir et de clouer le bec aux négationnistes de tout poil, les nazillons qui pullulent en Europe actuellement.

Le récit est adouci par les lettres que Daniel échange avec sa femme Ethel, leur futur bébé, car ses mots à elle sont pleins de tendresse, comme pour temporiser l'horreur.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Buchet-Chastel qui m'ont permis de découvrir ce livre et son auteur qui est loin d'être un débutant.

Je me suis procurée la version papier pour le faire lire autour de moi, les plus jeunes notamment…


#LeTempsDesOrphelins #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Voilà un roman comme il y en a peu. Et pourtant, me répondrez-vous, que de livres ont été écrits sur la Shoah, les camps et la découverte de toute cette horreur par les alliés. Mais, dans le temps des orphelins, Laurent Sagalovitsch, apporte une vision différente. Il nous conte l'histoire de Daniel, ce jeune rabbin américain, qui fit le choix de s'engager pour libérer l'Europe de la barbarie nazie. Sans arme, il arpente les champs de bataille pour réciter les dernières prières aux soldats mourants ou déjà délivrés de leurs souffrances. le Kaddish défile en boucle, des centaines, des milliers, à ne plus savoir...

Des plages de Normandie, à la libération des camps, il relate toute cette horreur à Ethel, sa jeune femme. jusqu'à ce que son chemin croise ce gamin famélique et mutique, égaré parmi tous ces morts en devenir...

"Cette main, aujourd'hui encore, si je ferme les yeux, je peux la sentir, cette toute petite menotte qui se frottait à la mienne et la suppliait de l'accepter, de s'en saisir et de la réchauffer afin de former une union indestructible, capable de résister à tous les vents contraires."

Peut-on continuer à croire après la Shoah ? Que penser du silence des Dieux (de celui des chrétiens, des juifs, et de tous les autres, si tant est qu'il y en ait...) ? Voilà le thème principal de ce livre. Je vous laisse découvrir ce qu'il adviendra de la foi de Daniel...

En refermant le temps des orphelins, je n'ai pu m'empêcher de penser à Marceline Loridan-Ivens qui dans une interview expliquait qu'elle ne pouvait plus croire en dieu, en sortant des camps. S'affirmer Juive, c'est faire fi de ce silence sans nom de ce Dieu tout puissant et aimant ; Se renier comme Juive, c'est prolonger le dessein d'Hitler en éradiquant, si ce n'est physiquement, la judéité.

Je ne sais si elle a résolu ce dilemme. Cela lui appartient. Mais c'est vers elle, que mes pensées se sont tournées.

Merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel pour la découverte de ce livre et de cet auteur.
Lien : http://page39.eklablog.com/l..
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1944 - Daniel Shapiro, 28 ans, résidant à Bellevue, dans l'Etat de Washington, s'est engagé pour libérer l'Europe du joug nazi. Il est incorporé dans la 3ème armée américaine en tant qu'aumônier du culte israélite. L'armée progresse, traverse le Rhin, atteint l'Autriche, et participe à la libération des camps de concentration. Daniel, après avoir été confronté aux violences du débarquement va, en avril 45, être percuté par d'autres monstruosités, celles qu'il découvre dans les univers concentrationnaires et d'extermination, d'abord révélées par le camp d'Ohrdruf, où il recueille un tout jeune enfant 4, 5 ans au plus , qui semble venir de Buchenwald, près de Weimar, cette ville mythique qui accueillit Goethe, Schiller, Liszt, Nietzsche… C'est justement là qu'on lui demande d'aller. Il emmène le bambin mutique pour tenter de retrouver ses parents. Il va, dans cet endroit horrifique , être heurté de plein fouet par cette réalité barbare , terrible, indicible, celle de la folie inhumaine, de l'holocauste.
Cet homme au service de son Dieu va être percuté au point de remettre en cause sa foi.
Le récit de ce témoin s'enrichit de lettres que lui écrit Ethel sa jeune épouse amoureuse qui vient de mettre au monde Ruthie.
le roman s'appuie sur une riche documentation, une plume lyrique, trop quelque fois, qui malgré des descriptions crues, inhibe l'affreuse réalité. le personnage de l'enfant est certainement inspiré par Thomas Geve, jeune adolescent juif, survivant de Buchenwald. La couverture du livre est empruntée à l'un de ses dessins, les images, disent, quelquefois, plus que les mots.
Ce livre présente un autre intérêt, celui de découvrir certaines pratiques, prières et rites religieux juifs. La fin du récit, doit être imaginée par chaque lecteur, à sa guise, mais façonnée des réalités de l'Histoire, et on peut supposer que Daniel nous livre cet écrit comme une longue réparation, depuis la Palestine, le pays qu'évoque Ruthie dans une de ses lettres.

Merci à Babelio, Merci aux Editions Buchet Chastel pour ce roman poignant .

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Le narrateur est Daniel, un jeune rabbin qui malgré son mariage récent avec Ethel s'est engagé comme aumônier dans l'armée américaine. Il souhaite aider les soldats et tenter d'apporter un peu de sa foi sur les champs de bataille. Débarqué en France, il tente d'aider les soldats, même s'il fait plus souvent qu'il ne l'avait seulement imaginé la prière des morts pour tous ces jeunes gens tombés en Normandie.

Puis au sien de l'armée de libération, son chemin l'emmène jusqu'à l'indicible, du camp d'Ohrdruf à Weimar puis à Buchenwald. Là il découvre la réalité des camps de concentration et ces survivants qui n'en finissent pas de mourir. Avec les autres militaires, il entrevoit, en même temps que son esprit le rejette, l'absolue souffrance, le mal inexprimable.

A son départ pour Buchenwald, il prend avec lui un enfant juif totalement décharné et mutique qu'il tentera d'aider à tout prix. La main de cet enfant dans la sienne lui insufflera cet élan d'humanité qu'il a peur de perdre au milieu de tant d'horreurs inacceptables. Et de se demander : mais où est passé Dieu ! Car comment continuer à croire en un Dieu omnipotent et aimant lorsque l'on est témoin de cette barbarie, comment conserver la foi, voilà bien la grande question posée par Daniel et par l'auteur.

Toute l'horreur des camps est contrebalancée par les lettres d'Ethel, qui espère, attend son mari et lui parle d'un quotidien bien banal. Comme sans doute de nombreux civils aux États-Unis ou ailleurs, elle ne peut à aucun moment imaginer ce que son mari découvre, ce que les soldats de l'armée de libération ont eu à affronter, les regards de ces hommes, ces femmes et ces enfants qui les ont hantés sans doute pendant toute leur vie.

Cela devient presque une habitude, mais Laurent Sagalovitsch écrit l'un après l'autre des romans sur l'holocauste. Ici il interroge sur le silence de Dieu, car comment et pourquoi avoir laissé perpétrer un tel massacre. Comment, s'il existe, laisse-t-il les hommes propager le mal et infliger tant d'horreurs à leur contemporains. Que croire, et comment croire face à l'horreur absolue ?
lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2019/08/31/le-temps-des-orphelins-laurent-sagalovitsch/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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Un roman qui interroge le silence de Dieu pendant la Shoah. Nous suivons les pensées de Daniel, jeune rabbin qui découvre les camps de concentration, nous partageons ses interrogations, ses doutes. Comment garder la foi après la Shoah ?

Le style est travaillé, la narration inclut les lettres que Daniel reçoit de sa femme, véritables respirations dans le texte.

Un texte essentiel, puissant, plein de pudeur. Poignant
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La Seconde Guerre Mondiale est apparemment le sujet de prédilection de l'auteur ; c'est une période de l'histoire qui m'intéresse beaucoup également. Je pense que l'on ne se documente jamais assez sur les terribles erreurs passées, on ne doit pas les oublier afin de ne pas les commettre à nouveau. Ici, c'est à travers un rabbin que l'auteur nous apporte un regard sur l'horrible découverte des camps lors de leur libération. Je n'avais encore jamais lu de ce point de vue ci, c'est maintenant chose faite grâce à Laurent Sagalovitsch.

Je n'ai malheureusement pas ressenti toutes les émotions que j'aurai aimé et que je m'attendais à vivre. Est-ce parce que le roman est trop court pour un véritable attachement aux personnages ? Est-ce parce que l'auteur a souhaité éviter le pathos, et que par conséquent, les sentiments ont été parfois trop survolés ? Je ne saurai pas vraiment le dire, mais je n'ai pas été plongée profondément dans cette histoire, alors même qu'elle avait toutes les chances de me plaire énormément.

Attention, je ne dis pas que ce roman ne m'a pas plu du tout, c'est loin d'être le cas ! La plume sublime de l'auteur m'a séduite et c'est un vrai plaisir de le lire, même si le sujet est difficile.

« Je ne sais plus comment nous avons rejoint les bas-fonds du camp. C'est comme si ma mémoire avait effacé toute image de ce souvenir-là. Je nous vois bien sortir de la maison dont l'imposante cheminée semblait nous narguer de toute sa hauteur sépulcrale, plantée dans l'immensité du ciel comme un poignard funéraire. Je vois le regard effaré du capitaine et ses paupières tremblantes. Je me vois en train de porter à mes lèvres la flasque de whisky. Je me vois fixer le ciel d'un air hébété, comme si j'y cherchais la trace de tous ceux dont le souvenir s'était évaporé. C'est la dernière image qui me reste. La suite a tout simplement disparu. Comme si le Temps m'avait donné congé. Je n'étais plus au monde : il ne m'intéressait plus, j'aspirais seulement à le fuir. L'idée même de Dieu m'était devenue étrangère, presque comique, une farce immonde à laquelle, de près ou de loin, je ne voulais plus participer. »

Un rabbin croise le regard d'un enfant juif de 4-5 ans et alors sa vie s'en retrouve chamboulée. Il s'y accroche pour tenter de se rendre utile, pour retrouver les parents de ce petit être brisé. Mais la désolation, l'insupportable pour la vue et l'odorat dans ces enclos de souffrance le marquera à jamais, jusqu'à remettre en question sa profession de foi. En effet, comment la garder alors que toute humanité semble disparue ?

« Par-dessus tout, j'étais frappé par la parfaite impassibilité de son visage, l'absence de toute trace d'émotion, un vide presque insoutenable dans son regard, ses grands yeux noirs semblaient en trop, comme s'ils ne servaient plus à rien sinon à contempler le spectacle de cette tragédie qui aurait emporté avec elle, dans le roulis de son invincible folie, le dernier espoir, le dernier rayon de soleil, la dernière parole amicale. »

Malheureusement, la fin m'a laissée perplexe et c'est donc un peu sur ma faim que je suis restée.

Vous l'aurez compris, je n'ai pas été emballée complètement mais c'est un roman qui offre un point de vue assez original sur un sujet traité largement dans sa globalité. de plus, l'écriture de l'auteur est clairement un point fort pour lequel je vous recommande ce livre de la rentrée littéraire. À découvrir !

Un grand merci à Babelio pour cette Masse Critique Privilégiée et aux éditions Buchet / Chastel.
Lien : https://ducalmelucette.wordp..
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Le point de vue que nous propose Laurent Sagalovitsch, ici, est original car assez peu traité : la découverte des camps de concentration au travers des yeux de Daniel Saphiro, Rabbin de l'armée Américaine. Tout comme pour Vera Kapla, le narrateur nous entraîne dans les méandres de la psyché humaine face à un événement en dehors de l'entendement.

Daniel, 28 ans, s'engage pour venir en aide aux soldats, laissant derrière lui sa femme enceinte. le récit à la première personne est entrecoupé de lettres de sa moitié, nous révélant un contraste sidérant entre l'enfer des soldats et la quiétude des USA.
Cette dissonance est également sciemment soulignée par les villageois Allemands, voisins des camps, répondant paisiblement à l'appel de l'église pour la messe, endimanchaient. NEIN, ils n'ont rien vu, NEIN NEIN, ils ne savaient pas.

Le rabbin se retrouve face à son peuple, les yeux brisés par cette vision d'horreur, les corps décharnés, la mort, les actes. Des êtes fantomatiques qui ne cherchent qu'à savoir si leurs proches sont encore en vie. Il tente d'être l'oreille dont ils ont besoin, ses prières ne les intéressent plus. Daniel, lui aussi, commence à se poser des question. Comment a t'Il pu laisser faire ça ? La foie le quitte aussi vite que les corps brûlent dans le brasier.

Se donner une quête, c'est se sentir utile. Parmi tout ça, Daniel s'accroche a un petit garçon, son espoir éperdu au coeur de la folie. Un petit garçon esseulé, muet, qui devient sa force pour continuer à avancer. Car la foie le quitte aussi vite que les corps brûlent dans le brasier.

Par les yeux de ce Rabbin, l'auteur n'essaye pas d'interpréter ce qu'on vécu ces prisonniers. Il transmet la sensation, le choc ressentie par les soldats découvrant ces camps de la mort. Il transmet ce que les restes matériels et « humain » laisse penser de l'enfer vécu en ces lieux. Il transcrit la question que tout le monde se pose encore : comment cela a t'il pu arriver ?

Merci à Babelio et aux Editions Buchet Chastel pour la découverte de ce roman.
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L'ouvrage est sorti durant l'été pour débuter cette rentrée littéraire 2019 et force est de constater que ce n'est pas une thématique légère. C'est rarement le cas, vous me direz dans la pléiade de romans qui sortent pour cette occasion, mais tout de même.
Sujet éculé ? Vu et revu ? On a déjà tant écrit sur la Shoah, c'est vrai, mais pourra-t-on un jour dire que tout aura été dit ? Je ne pense pas. Ce roman est donc le bienvenu avec sa vision, ses personnages, son récit.

Roman assez court, il n'en demeure pas moins fort.
Certes le sujet ne peut pas être mièvre, il choque encore et c'est tant mieux.
On croit tout savoir, mais on est vite rattrapé par un détail, une pensée. Et on prend une douche froide là où l'on pensait être presque à l'aise, limite immunisé par justement une connaissance plus ou moins complète de la période historique, le thème particulièrement atroce et globalement bien documenté.

Le choix du protagoniste principal m'a surprise dans le bon sens. C'est la première fois que je retrouve un jeune rabbin dans cette situation. Daniel savait que la guerre lui donnerait des visions d'horreur, mais à ce point ? Qui aurait pu l'imaginer ? Quasiment personne et certainement pas un jeune homme doué de sensibilité et foi, venu apporté un peu de réconfort dans la barbarie des hommes.

J'ai vraiment aimé l'abime qui sépare ce que vit et découvre Daniel avec notamment la première lettre de sa jeune épouse Ethel qui débute le roman. Comment passer de la futilité, du gaspillage (un cake au citron jeté à la poubelle) alors que sur le vieux continent, tout est rationné, que les rescapés des camps sont plus morts que vifs ayant subi des privations inhumaines sans parler de tout le reste….

Après, on peut reprocher à l'auteur des maladresses (certaines comparaisons m'ont semblé déplacées ou pas forcément adéquates) ou des omissions, mais je n'ai pas envie de m'y attarder trop car cette lecture possède plus de qualités que de défauts. Même ces derniers nous ramène vers le côté dérisoire de nos mots pour tenter de raconter l'indicible.
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Daniel Shapiro est un jeune rabbin de vingt-neuf ans. Solidaire avec le peuple juif auquel il appartient, il s'enrôle dans l'armée dans l'espoir de contribuer à la cause et de rétablir la paix et la justice sur le vieux continent. Il laisse derrière lui son épouse, fière et inquiète, qui partage de-ci de-là avec le lecteur des lettres envoyées à Daniel sur le front. Des lettres où elle exprime tout son amour pour lui et se languit de son retour, sans jamais tomber dans la mièvrerie car en dépit de tous les défauts qu'elle se trouve, c'est une jeune femme amusante, un brin effrontée, et courageuse. Elle a su mettre de côté ses envies et ses besoins pour respecter les choix de sa moitié.

Quand nous rejoignons Daniel, la Seconde Guerre Mondiale touche à sa fin. Les alliés marchent inexorablement sur une Allemagne en déroute. En Italie, Rome vient de tomber. En tant qu'aumônier, Daniel reçoit l'ordre de rejoindre le camp d'Ohrdruf au plus vite. Avant même d'arriver sur place, l'odeur putride d'un camp de la mort lui fait redouter le pire mais jamais il n'aurait pu imaginer l'horreur qu'il trouvera sur place. Et tout au long de cette journée harassante – physiquement et émotionnellement – son regard n'aura de cesse de revenir vers cet enfant de quatre-cinq ans aux yeux trop grands et aux membres-allumettes, qui refuse de parler, sans famille, loin de l'insouciance et de l'innocence qui lui sont pourtant dus à un tel âge.

Daniel n'est toutefois pas au bout de ses peines puisqu'il est convoqué dès le lendemain au camp voisin de Buchenwald où il apprend que la situation est pire encore. L'Homme a perdu toute humanité au cours de cette guerre et les drames dont il est témoin le poussent à tout remettre en question. Dont sa foi en son Dieu.

Laurent Sagalovitsch nous livre ici une histoire courte, puisqu'elle ne s'étale que sur deux jours à peine, mais ô combien puissante. À l'heure où l'Extrême Droite refait tristement parler d'elle aux quatre coins du monde, il convient de se rappeler plus que jamais ce vers quoi nous pourrions glisser. Pour refuser de voir l'Histoire se répéter. D'une plume sensible, il nous expose les pensées complexes de Daniel, ses doutes, ses espoirs, sa foi, son envie de fuir la folie du monde. Il le met face à cet impensable dont personne ne sort jamais indemne. Les témoignages fusent autour de lui et il ne sait plus où donner de la tête, noyé dans toute cette misère, cette barbarie et ces souffrances.

Ce roman est très soigné ; les phrases de Daniel – à la longueur parfois alambiquée – pourraient en refroidir certains. Pour ma part, ça m'a fait plaisir de me plonger dans un récit au style aussi abouti. le contexte fait bien sûr froid dans le dos, aujourd'hui comme hier, et comme demain, mais l'auteur parvient à dire les choses sans tomber dans le voyeurisme. Les pensées parfois poétiques de Daniel viennent se heurter d'autant plus fortement à la dure réalité et pour garder pied, il se donnera pour mission de retrouver les parents du petit garçon.

La fin m'a énormément marquée. Elle n'est ni attendue, ni surprenante. Elle tombe comme un couperet, là où on ne l'attendait pas encore. Et même si l'on devine aisément la suite des événements, on en garde un goût d'inachevé, qui tend à refléter toutes ces vies prématurément fauchées dans les camps de concentration.
Lien : https://dragonlyre.wordpress..
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