AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,04

sur 467 notes
Prix Orange du livre 2023.

Paul Saint Bris, auteur que je découvre avec L'allègement des vernis, a écrit un roman impressionnant, récompensé par le Prix Orange du Livre 2023, où il fait preuve d'une écriture magnifique pour emmener son lecteur au plus près de l'oeuvre picturale la plus célèbre du monde : La Joconde.
En refermant L'allègement des vernis, je me pose cette question qui m'est venue pendant ma lecture : pourquoi un tel roman n'a-t-il pas davantage obtenu d'écho ? D'autres, bien moins riches, bien moins passionnants, confisquent les feux de la rampe. Publié par les éditions Philippe Rey, ce beau livre ne sort pas des catalogues des géants bien connus et ceci explique sans doute cela.
Déjà, le titre énigmatique mérite une explication car la technique dite de l'allègement des vernis concerne la restauration des tableaux, manoeuvre ô combien délicate ! D'ailleurs, le prologue rappelle le travail de Robert Picault qui, en 1773, sauva une peinture sur bois de Raphaël, peinture qui datait de 1510.
Rapidement, je suis entraîné sur les pas du personnage principal, Aurélien, directeur du département des Peintures au musée du Louvre. Avec lui, je rencontre Daphné Léon-Delville, tout nouvellement nommée Présidente du même musée. C'est justement elle qui veut augmenter la fréquentation, attirer toujours plus de visiteurs alors que les lieux sont au bord de la saturation, surtout pour admirer La Joconde, l'oeuvre mythique de Léonard de Vinci.
Pour cela, la patronne a fait appel à un cabinet spécialisé qui préconise l'allègement des vernis pour rafraîchir La Joconde… le laïus tendance de ces spécialistes n'est qu'une cascade d'acronymes et d'anglicismes ; c'est une véritable horreur dont le discours vise à imposer de nouvelles techniques de gestion à l'aide d'un langage préfabriqué. Dire que ces cabinets se font payer très cher avec l'argent des contribuables et que leurs services sont réclamés à tous les niveaux alors qu'élus et responsables devraient faire ce travail !
Bon. Revenons à Aurélien, véritablement torturé mentalement devant ce qui se prépare mais qui fait tout son possible pour trouver la meilleure solution, allant même en Toscane trouver un certain Gaetano, bien encadré par ses muses : Giuseppina et Lucrezia…
Heureusement, voici Homéro, un homme de ménage qui apporte une note insolite dans le récit et qui aura une influence importante jusqu'au bout alors que l'auteur me gratifie de détails intéressants sur la vie du musée, les luttes d'influence devenant vite politiques. Paul Saint Bris rappelle, au passage, les polémiques déclenchées par des projets comme les colonnes de Buren, la pyramide de Pei, le Centre Pompidou et bien d'autres qui ont fini par être acceptés.
Tout le récit est bien documenté, sans tomber dans le didactique. Paul Saint Bris a su me maintenir en haleine, m'inquiéter, me rassurer aussi, rappelant l'histoire d'un tableau que l'Italie nous réclame. Il parle de Lisa del Giocondo, née Gherardini, nommée Monna Lisa, candide bourgeoise de la classe moyenne de Florence, modèle d'un tableau commencé en 1503. L'auteur fournit une belle analyse de l'oeuvre signée Léonard de Vinci qui, invité par François 1er, transbahuta son tableau jusqu'à Amboise, en 1516, au Clos Lucé où il mourut en 1519,
L'allègement des vernis est un roman toujours saupoudré d'un humour délicat, feutré mais bien senti. Cela n'empêche pas l'auteur de livrer, au passage, une analyse méthodique impitoyable de la progression dans le cerveau et sur tout le corps du choc provoqué par un événement inattendu.
Un tel roman est difficile à mener à son terme tellement il bouleverse un ordre établi mais Paul Saint Bris, toujours avec délicatesse, sait ménager les surprises les plus inattendues que je vous conseille de découvrir à la fin d'une lecture aussi étonnante qu'instructive ; c'est un monde dont tout le monde entend parler mais dont nous ne connaissons que le superficiel. L'allègement des vernis a un grand mérite : décaper, gratter la surface pour permettre à chaque lecteur de très intéressantes découvertes et je remercie Nicolas Zwirn et Lecteurs.com pour cette inoubliable lecture.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          14717
Avec un premier roman fort remarqué, L'allègement des vernis, Paul Saint Bris nous plonge dans le milieu de la peinture et de ses restaurateurs.
Aurélien, un intellectuel nostalgique est directeur du département des Peintures du Louvre. le musée est pour lui un refuge sacré, un temple de la contemplation qui lui a permis de se mettre à l'abri d'un monde changeant.
Or, voilà que même ici, le changement s'est immiscé. La nouvelle présidente, Daphné, à l'aide d'implacables arguments marketing formulés par des cabinets conseils propose rien moins qu'une restauration de la Joconde « le coeur du musée. Son ultime joyau. Sa raison d'être. » Grâce à l'allègement de ses vernis, en redonnant ses vraies couleurs à La Joconde, la peinture pourrait retrouver son éclat originel et créer un événement planétaire !
Aurélien est plus que réticent devant cette mission périlleuse, mais se pliera à la volonté collégiale de restaurer le chef-d'oeuvre. La décision adoptée, charge lui est donnée de trouver LE restaurateur assez audacieux pour mener à bien le rajeunissement de Monna Lisa, « la bonne main, précautionneuse et nuancée ».
Toujours à l'intérieur du musée, parallèlement à ce que vit Aurélien, un autre personnage Homero recruté pour l'entretien du Louvre, se livre à un ballet homérique entre les statues, avec son autolaveuse, sur les notes de L'Été de Vivaldi…
Dans ce roman aux multiples facettes, très documenté mais accessible à tous, Paul Saint Bris analyse avec finesse et non sans humour notre rapport à la beauté, au passé, et interroge notre relation à l'art, et à la place qu'occupent les oeuvres d'art dans nos existences le plus souvent entièrement tournées vers les nouvelles technologies et nous transformant en simples consommateurs. C'est aussi notre relation au changement dont il est question dans le roman.
En mettant brillamment en scène ses personnages dans ce lieu emblématique qu'est le musée du Louvre, l'auteur nous entraîne dans un roman passionnant et captivant.
Au fil du récit, l'allègement des vernis qui s'applique à La Joconde bénéficie également aux êtres qui la vénèrent...
J'ai trouvé ce personnage d'Aurélien, cet homme perdu dans son époque, certes trop mou, et pas assez ferme pour soutenir ses positions, ô combien attachant avec sa mélancolie, sa nostalgie, ses déboires amoureux et ses lamentations sur le désintérêt actuel de ses contemporains pour les oeuvres d'art.
En créant le personnage d'Homero, Paul Saint Bris a fait preuve de beaucoup de fantaisie et m'a emmenée dans le délire poétique et la passion de cet homme de manière absolument réjouissante et poétique. Son approche de Monna Lisa est fascinante !
La restitution de certaines oeuvres d'art aux Italiens est également évoquée, un thème on ne peut plus d'actualité puisque sept oeuvres à la provenance litigieuse sont sur le point d'être récupérées par l'Italie, mais pas La Joconde de Léonard de Vinci acquise, elle, par François 1er.
Cette visite littéraire du plus vaste musée au monde est passionnante tout comme sont enrichissantes et intéressantes les techniques utilisées par les restaurateurs, ce métier finalement peu connu.
J'ai pris un grand plaisir au fur et à mesure, à retrouver sur la toile les oeuvres citées.
Une fin un peu abrupte est mon seul bémol.
Si j'ai pu apprécier la richesse de L'allègement des vernis de Paul Saint Bris, lauréat du Prix Orange du Livre 2023, c'est grâce à Nicolas Zwirn, Lecteurs.com et les éditions Philippe Rey. Qu'ils soient ici vivement remerciés.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1153
Au fil du temps, ses vernis se sont oxydés et ses contrastes étouffés : c'est comme si une taie opacifiante s'interposait entre La Joconde et l'oeil qui la contemple. Alors, faut-il restaurer le tableau, comme le suggère le cabinet de consultants engagé par la nouvelle présidente du Louvre ? Ce serait « un événement planétaire » que de sortir la grande star du musée de sa « marée verdâtre », une occasion unique de faire « exploser les compteurs » de la billetterie, ainsi qu'en rêve sa dirigeante, pour la première fois non issue du sérail des experts et conservateurs, mais forgée au credo de la performance, du marketing et de la communication par une carrière dans de grandes entreprises privées. C'est aussi un sujet épineux, qui suscite la bronca des puristes et risque de rallumer la mèche des revendications de propriété italiennes. Et si l'intervention, hautement délicate malgré les avancées technologiques, défigurait définitivement l'oeuvre d'art la plus célèbre au monde ?


Aurélien, le directeur des peintures du musée, déjà très déstabilisé par ses déboires conjugaux, mais aussi par ses contemporains, bien plus occupés du reflet narcissique de leurs selfies que de la compréhension des grands thèmes peints – qui se soucie encore de saint Jean-Baptiste, voire de Jésus et de Marie, a fortiori des mythes et des figures antiques ? –, se retrouve malgré lui embarqué dans cette entreprise affolante. Trouvera-t-il l'expert idoine pour cette restauration d'exception ? L'opération sera-t-elle la réussite retentissante que l'on attend de lui, ou tournera-t-elle au désastre qu'il appréhende avec effroi ?


Nous voilà plongés avec curiosité dans une intrigue menée avec humour et impertinence par-delà les frontières du rocambolesque, à partager les doutes et questionnements d'un personnage fort habilement campé. le dénouement sera une apothéose absolue pour ce roman aussi plaisant qu'instructif, qui, entre l'histoire de la Joconde et celle, souvent étonnante, des pratiques et techniques de restauration, ouvre le débat sur notre relation à l'art, aux oeuvres et aux musées, à l'image enfin dans une époque où le bombardement généralisé des pixels détournent les hommes « des choses vraies, les obligeant à voir à travers un écran pour qu'ils n'aient plus jamais à lever la tête, courbant leurs nuques, figeant leurs regards dans la même direction pour l'éternité. »


Ce premier roman, dont l'humour et la fantaisie satiriques servent à merveille le propos, est une vraie réussite. Entre la conservation et la restauration des oeuvres d'art, en passant par les enjeux médiatiques et financiers d'un grand musée, c'est finalement à une réflexion d'ampleur sur les évolutions récentes de la société tout entière que nous convie malicieusement Paul Saint Bris.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          9810
Directeur du département des Peintures du Louvre, Aurélien doit assumer la mission délicate de la restauration d'un tableau mythique, attraction majeure du musée : La Joconde. Cette décision audacieuse, c'est celle de Daphné, la nouvelle présidente à la tête du musée, une sacrée personnalité à laquelle on se doit d'obéir.
« Avec un talent et une intuition hors pair, elle avait considérablement amélioré la visibilité de l'établissement dans les médias et sur les réseaux sociaux. le pouls de Daphné battait au rythme du monde et même un peu en avance sur celui-ci, tant elle savait précéder les désirs de ses contemporains. »
Elle va jusqu'à recruter un cabinet conseil pour trouver des solutions et booster la fréquentation du musée. Parmi des propositions plus ou moins extravagantes, la plus audacieuse est cette restauration de la Joconde. Les outrages du temps ont dégradé la peinture, « les vernis oxydés et jaunis ont déréglé ses contrastes, opacifiant le portrait qui, année après année, s'enfonce un peu plus dans la pénombre. »
Aurélien, que l'idée de restaurer les couleurs de la Joconde en allégeant les nombreuses couches de vernis, répugne, est chargé de trouver l'expert en restauration capable d'une telle prouesse.
Cette quête pleine de folies et de rebondissements, nous fait découvrir les méandres du musée et les étapes d'une restauration à haut risque. L'enjeu d'une restauration qui s'attaque au symbole de l'art occidental, dépasse l'univers de l'art pour atteindre les sommets politiques.
On s'amuse et on souffre avec Aurélien de l'aventure de cette chirurgie esthétique sur une star de la renaissance italienne.
De nombreux personnages s'agitent et se croisent dans l'entourage de la belle Mona Lisa. Homero est l'un d'eux, sans doute le plus étrange, car il est le seul à avoir une approche sensuelle avec les oeuvres d'art. Ainsi, jugé sur son autolaveuse rouge, il imagine une chorégraphie poétique autour des statues antiques.
« le délire de cet homme sur sa machine, d'un spectacle touchant mais un peu cocasse, était devenu un ballet sublime. L'autolaveuse tournoyait, emportée par les mouvements sinueux des cordes. le technicien répondait par sa gestuelle à toutes les impulsions données par le rythme, alternant douceur et intensité, moments de fausses accalmies et vivacité fiévreuse. »

Ils sont nombreux à subir la fascination de Mona Lisa, et c'est cette étrange séduction qui va influer sur leur destin.
Par le biais de la restauration téméraire d'un chef-d'oeuvre et de ses répercussions médiatiques, c'est une satire de notre époque à laquelle nous convie Paul Saint-Bris.
Si les passages sur les difficultés qu'Aurélien rencontre dans son couple qui bat de l'aile ne m'ont pas passionnées, j'ai pris beaucoup de plaisir à suivre les péripéties surprenantes de l'allègement des vernis de la Joconde.
J'ai également apprécié l'histoire de la restauration de tableau et de ses experts comme ce Robert Picault, qui déclare être l'inventeur de « l'enlevage » des peintures. Il devient fournisseur royal, mieux payé que le premier peintre du roi.
J'ai pris un grand plaisir à la lecture de ce premier roman. Une belle découverte.





Commenter  J’apprécie          903
Enorme coup de coeur !!!!

J'ai savouré ce roman comme on admire une oeuvre d'art, d'abord globalement, un ensemble harmonieux, un puzzle avec chaque pièce indépendante quoiqu'indispensable parce que formant un tout, une sorte de carte mentale ayant pour objet, la très célèbre Monna Lisa, et pour problématique, sa restauration, et tout ceux qui y sont étroitement liés : personnages historiques, protagonistes, public, éléments contestataires, et employés du Louvre.

Si le personnage principal, Aurélien et conservateur d'un département du musée, fait figure d'individu plutôt taciturne qui traverse cette aventure comme un fantôme, sans avoir réellement de prise sur les décisions, se laissant porter par les événements, il regorge de culture artistique et ses pensées nous emmènent dans le monde de l'art et nous invitent à côtoyer des spécialistes qui seront ensuite mis en évidence dans les chapitres qui leur seront consacrés. Il est difficile de parler des personnages sans divulgâcher. Je peux tout de même affirmer que chaque intervenant possède un tempérament coloré qui déterminera une action originale voire comique, je ferai particulièrement un clin d'oeil à Homéro, personnage intéressant que je laisse chaque futur lecteur découvrir.

Et puis l'on apprend beaucoup sur la restauration des oeuvres, sur les vernis, sur les supports, sur les techniques, sur la Joconde elle-même, tableau célébrissime et méconnu à la fois. Moi qui ai toujours eu beaucoup d'admiration pour les personnes capables de décrypter un tableau, de relever dans ses détails, des notions de peinture inconnues du public, de faire parler la couleur et émerger le message délivré par l'oeuvre, je me suis de suite installée dans ce livre, m'en déloger fut chose difficile. Si je l'ai lu en numérique, je crois que je vais me procurer la version papier pour avoir le plaisir de le feuilleter et de le posséder.

Comme pour tout roman, je me suis demandée comment cette histoire allait se terminer, j'ai été surprise, perplexe, amusée, apaisée, la fin commence bien avant les dernières pages par un événement qui amènent lentement la dernière page, magnifique et reposante dernière page.

Voilà, je n'en écris pas plus sous peine de trop dévoiler. Ce roman, je l'ai bu jusqu'à la lie. C'est un roman qui invite à continuer à lire sur les oeuvres d'art, sur Le Louvre, sur la Joconde et son créateur.

Un très beau premier roman, une réussite qui j'espère, encouragera l'auteur à nous régaler d'autres écrits.
Commenter  J’apprécie          712
Au Louvre, une petite révolution est en marche ! L'oeuvre la plus illustre donne des signes de patine qui compromettent une appréciation de la délicatesse et du choix des couleurs par le génie que fut de vici. Alors pourquoi ne pas tenter une restauration de la toile mythique ? Les débats préalables font rage dans l'équipe, risque de dénaturer l'oeuvre, diminution de la fréquentation du musée pendant l'indisponibilité du tableau, complexité de la tâche. Malgré tout, la décision est prise, d'autant que les moyens informatiques permettent de simuler le travail et confortent le bien fondé d'une telle entreprise. Reste à trouver l'oiseau rare capable de s'y atteler et acceptant de prendre cette responsabilité. C'est un personnage particulier, italien, renommé qui sera choisi. Son excentricité va de pair avec ses compétences.

Les données techniques et historiques sont insérées avec adresse dans le cours du récit, le roman est ainsi une mine d'or pour comprendre les enjeux d'une profession de l'ombre, qui ne se fait connaître que si par malheur une restauration est ratée, provoquant scandale et opprobre.

C'est aussi une réflexion sur le temps qui passe, la succession des générations :

« Avant reste pourtant votre présent, mais vous pressentez qu'il appartient déjà au passé, car vous-même avez subtilement glissé. Et si vous parlez d'avant, vous parlez aussi de maintenant comme si ce n'était plus de votre temps qu'il s'agissait, comme si maintenant était étranger, allogène, comme si maintenant n'était pas un bien commun à tous les vivants mais un privilège réservé à d'autres que vous ne comprenez plus »

L ‘auteur y aborde aussi le thème de la beauté, de sa définition, de sa perte dans la vie courante, sacrifiée sur l'autel de la rentabilité et de l'éphémère d'une société de consommation.

Le roman ne manque pas d'humour : on pense au ballet de l'auto laveuse circulant entre les sculptures ! Épisode qui convoque aussi les arts de la musique et de la danse.

Porté par une très belle écriture, raffinée et érudite, tout en restant accessible, ce premier roman est remarquable.

352 pages Philippe Rey 12 janvier 2023
Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          680
Elle est la femme la plus célèbre du monde. Elle est une icône intemporelle, adulée par les foules. Non il ne s'agit ni de Marilyn Monroe, ni de la reine Elisabeth II, encore moins de Taylor Swift.
Je veux ce soir vous parler de Lisa Gherardini, épouse d'un certain Francesco del Giocondo, marchand d'étoffes à Florence. On la connaît davantage sous le nom de Monna Lisa, surnommée aussi La Joconde. En vérité, je vais vous avouer un secret, mais que cela reste entre nous, hein ! La Joconde, je ne la trouve pas belle.
Certes, par bien des aspects le tableau recèle des qualités incroyables qu'on ne voit peut-être plu depuis qu'elle est entrée dans l'imaginaire universel. Je m'en suis approché pour la première fois un certain 29 juillet 2020. Ce fut la seule fois d'ailleurs et elle ne m'a pas laissé un souvenir impérissable.
Pourtant son sourire énigmatique, la bonté de son regard, sa simplicité heureuse et rassurante, ses yeux noisette, auraient pu me plaire. Seul le paysage cryptique en arrière-plan apporte une légère touche de dramaturgie qui corrige la mollesse pouponne de son visage et renforce à mes yeux sa présence au monde. Et encore...
La seule chose dont je peux me réjouir à son endroit, c'est qu'elle a damé le pion aux plus grandes...
Vous ne serez donc pas étonné si je vous dis que le récit dont je vais vous parler se passe essentiellement au Louvre et que le personnage principal en est La Joconde. Disons que l'histoire tourne autour d'elle, l'histoire et tout le reste, à commencer par les autres personnages qui entrent en scène. La célèbre dame florentine va exercer sur eux à leur insu peut-être et à petites touches un étrange magnétisme envoûtant...
Tout est parti de l'idée de la nouvelle présidente du Louvre, Daphné. À peine arrivée dans sa fonction, elle veut révolutionner l'image du plus célèbre musée du monde. Elle veut du chiffre, elle veut que ça bouge... Tous les moyens semblent bons pour augmenter la fréquentation du musée qui stagne, marque un pallier depuis quelques années... Il est vrai que son parcours iconoclaste lui offre une manière décomplexée de mettre l'art sous les projecteurs. Un cabinet-conseil commandité pour la circonstance va sortir du chapeau l'idée géniale : restaurer La Joconde qui est la star du musée, la sortir de sa « marée verdâtre », l'outrage du temps ayant oxydé sa lumière et ses contrastes. Voilà ! Je vais peut-être enfin la voir sous un autre jour...
C'est alors que j'ai fait connaissance avec Aurélien, directeur du département des Peintures du Louvre, homme discret, taciturne, ancré dans la tradition, c'est-à-dire tout l'opposé de ce qui y anime la pétillante et énergique Daphné. Aurélien n'a pas le choix : il doit conduire la mission de rechercher un restaurateur capable de relever le délicat défi de l'allègement des vernis, technique qui permettrait à l'ultime chef d'oeuvre de retrouver la splendeur tant convoitée.
Je suis entré dans ce roman palpitant avec jubilation, porté par une écriture belle, fluide, gracieuse, érudite sans jamais peser... L'intrigue est menée tambour battant, convoquant l'humour, la facétie, la légèreté et l'audace dans une narration magnifiquement tenue jusqu'au dénouement. Dans ce premier roman de Paul Saint Bris je suis allé à la rencontre d'une galerie de personnages inoubliables, saisis avec parfois de l'intensité, de l'émotion...
Ainsi, parmi d'autres, je n'oublierai jamais l'image de ce technicien de surface, - c'est comme ça qu'on dit maintenant, Homéro, affecté la nuit à la salle des Caryatides, dressé tel un torero sur son autolaveuse, dessinant des arabesques entre les vénus et les apollons, célébrant la grâce dans une chorégraphie aussi burlesque que touchante autour de Diane de Versailles, approchant au plus près la beauté divine de la belle chasseresse, frôlant le galbe de sa cuisse, caressant un sein délicat, dans des gestes sensuels, éperdus jusqu'au ravissement et l'incandescence...
Fermant les yeux un instant et imaginant cette scène candide d'une force érotique incroyable, j'en aurais presque oublié le propos majeur du roman, une satire cruelle et impertinente de notre époque, de notre rapport à l'art, à l'image, de notre rapport au monde tout simplement... C'est juste brillant. Je vous recommande ce premier roman qui j'espère vous fera craquer comme moi...

[Sélection Prix CEZAM 2024]
Commenter  J’apprécie          6546
Un titre qui m'intriguait, une interview de l'auteur qui m'avait intéressée, et enfin un cadeau reçu grâce au site lecteurs.com, j'entre dans le monde du Louvre et de la peinture. Sur la pointe des pieds tout d'abord, avec beaucoup de bonheur ensuite.

Aurélien est directeur du département des peintures au Louvre. Il est aussi toujours conservateur, de métier bien sûr, mais aussi de caractère, opposé au changement, un peu falot, un peu trop consensuel peut-être. Alors quand une présentation d'un cabinet de consultants bien connu déclare que pour relancer la fréquentation du musée, il faut restaurer la Joconde, il prend peur et traine les pieds, mais n'osera pas s'y opposer franchement. le restaurateur est trouvé, italien de surcroit, le tableau est décroché, désencadré et le travail commence, surveillé par une armée d'experts.

J'ai apprécié cette lecture, parce que d'abord elle m'a appris plein de choses sur la peinture et l'art de restaurer les tableaux. J'ai aussi aimé découvrir l'envers du décor de ce grand musée et savouré l'humour sous-jacent avec lequel sont décrits son fonctionnement, la recherche de nouveaux publics, les relations entre les différents responsables, les politiques, les experts, les médias et j'en passe. Et je n'oublie pas les réunions et la présentation des consultants. On s'y croirait.

La restauration commence, sous haute surveillance. Tout se passe à merveille même si le restaurateur semble réagir curieusement. Et, j'ai tourné les pages fébrilement, certaine que tout ne pouvait pas bien se passer, avide de connaitre la fin. Je me demandais comment l'auteur allait finir par s'en sortir, quel allait être le sort du tableau.
Et il a réussi à me surprendre. J'ai trouvé moins réussies les toutes dernières pages, trouvant que cette fin n'était pas en accord avec la personnalité d'Aurélien. Mais cela n'a pas entamé mon enthousiasme pour tout ce qui a précédé. Je n'aurais pas cru être autant accrochée par le suspense que réussit à créer l'auteur sur cette histoire de restauration. Il faut dire que l'enjeu est de taille, La Joconde, tableau universel.

Une écriture superbe, un humour très présent, des personnages intéressants, de par leurs spécificités et leurs différences, entre la présidente du musée, à la pointe de la communication et des techniques de marketing, Aurélien qui parait bien faible en face, le restaurateur si solaire, sans oublier Homero, l'homme de ménage esthète surprenant, une analyse pertinente de notre société, et des dérives du marketing et de l'hyper-communication, un hommage à la peinture, tout cela nous donne un premier roman que je trouve très prometteur.

Encore merci à Lecteurs.com et aux éditions Philippe Rey pour cet envoi.
Commenter  J’apprécie          6532
Monna Lisa vous regarde, elle vous fixe de façon énigmatique, même quand vous lui tournez le dos, vous sentez qu'elle est toujours là, son léger sourire aux lèvres.
Malheureusement pour elle, comme nous le confie Vincent Delieuvin, conservateur en chef du musée du Louvre, « La Joconde est condamnée à ne plus jamais être observée comme elle devrait être observée, c'est-à-dire dans un tête-à-tête ».
Lisa Gherardini est le sujet central de L'allègement des vernis. Le Louvre a besoin d'une opération marketing d'envergure pour refaire parler de lui et faire revenir une foule moins nombreuse post covid.
Une agence marketing propose alors un remède choc, un sujet maintes fois abordé puis repoussé, la restauration de la Joconde, en supprimant les couches de vernis successives qui l'assombrissent.
Au milieu de la tourmente, le transparent Aurélien, directeur du département des Peintures, entre deux âges, le cul toujours entre deux chaises, laisse les autres et les événements décider du cours de sa vie, prompt à s'effacer, soulagé de laisser les autres prendre la lumière des flashs.
Avec beaucoup d'intelligence, une plume acérée, Paul Saint Bris nous emmène dans le monde de l'art et des musées à travers une incursion passionnante dans les couloirs du Louvre, les changements induits par l'évolution de notre société noyée sous un flot ininterrompu d'images. Comment convaincre les nouvelles générations de continuer à acheter leurs billets dans un musée tout ce qu'il y a de plus classique, à l'heure des réalités virtuelles ?
La finesse de l'analyse interroge le lecteur sur les enjeux de notre époque entre respect des oeuvres et marketing, le passage du temps sur les oeuvres et les êtres.
Faut-il alléger les vernis qui nous emprisonnent dans un autre temps, les technologies nous éloignent-elles ou peuvent-elles nous rapprocher des artistes ? Qu'est-ce qu'un artiste au demeurant, en quoi se distingue-t-il d'un artisan ?
J'ai apprécié découvrir toutes les connaissances que l'auteur nous transmet avec une apparente facilité sur l'histoire de l'art, la restauration des tableaux, les enjeux de l'organisation d'une exposition, les liens avec le monde politique pour ceux qui dirigent un établissement public aussi prestigieux que Le Louvre.
J'émettrai cependant deux réserves concernant le début et la fin du roman. Si les sujets évoqués ci-dessus sont très maîtrisés, j'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'histoire, le personnage fade d'Aurélien ne le rendant pas très attachant ni intéressant. La fin est également très peu crédible, un peu bâclée, ce que j'ai regretté.
Un premier roman intéressant et prometteur, suivez mon regard …
Commenter  J’apprécie          6464
« Elle est l'art, sa figure incarnée. Ils la miment, la copient, l'adulent ou la détestent. Ils n'en détournent jamais le regard. »

Vous êtes peut-être déjà allés au Louvre et avez fait queue pour voir La Joconde ?
Comme beaucoup, j'ai suivi la file des visiteurs, piétinant pendant de longues minutes au milieu de l'agitation, des bousculades, des incivilités, du bruit, des appareils photos et des téléphones portables jusqu'à me retrouver à plusieurs mètres du tableau.
Là, j'ai pu prendre une photo et contempler le chef d'oeuvre de Léonard de Vinci quelques instants jusqu'à ce que des gardiens et la foule pressante me poussent vers la sortie.

Le Louvre est, dit-on, le plus beau musée du monde. Il est somptueux, je le reconnais, mais quelle déception ! Comment savourer ce moment où le regard souriant de Mona Lisa se pose sur vous ? le visiteur n'a qu'un désir, celui d'échapper à cette foule bourdonnante et de trouver une salle moins fréquentée et plus tranquille.
Heureusement, Le Louvre abrite une quantité incroyable de chefs d'oeuvre disséminés de part et d'autre du musée. Il est alors possible de s'arrêter quelques minutes, s'asseoir, prendre le temps de s'attarder sur une oeuvre.

Imaginez donc mon plaisir pendant ces cinq jours de lecture : Paul Saint Bris m'a guidée dans les coulisses de ce musée immense. Je me suis approchée de la jeune Florentine jusqu'à presque la toucher pour étudier les détails de sa composition. J'ai observé à loisir, dans le calme et le silence, son doux visage, son sourire énigmatique, la délicatesse des couleurs et des dégradés de son teint, les traces du temps sur ses traits.

*
Dans ce roman, le temps joue en rôle majeur. Afin de redynamiser Le Louvre et attirer davantage de visiteurs, il est décidé de restaurer la star du musée, la Joconde.

En effet, le tableau a été recouvert de plusieurs couches de vernis qui, avec le temps, se sont oxydés, déposant un filtre de couleur jaune verdâtre et l'opacifiant progressivement. Pour lui redonner son éclat et sa luminosité, raviver ses couleurs d'origine, révéler les détails que la pénombre cache, il faut dissoudre les vernis sans toucher aux glacis en dessous.

Les avis sont, comme vous pouvez l'imaginez, partagés.
« Qu'est-ce qui vous en empêche ? La difficulté technique ? Je ne crois pas que ce soit un problème aujourd'hui. Sans doute craignez-vous que toucher au symbole de l'art occidental entraîne des répercussions planétaires ? Pourtant, c'est exactement ce que vous devriez faire. »

Evidemment, le lecteur se positionne dans ce débat. Je me suis demandée de quel côté je me placerais, mais la réponse est évidente. Je l'aime telle qu'elle est, avec ses craquelures, avec la patine du temps, avec ce voile qui la rend si fascinante et mystérieuse.

*
Aurélien, le directeur du département des Peintures du Louvre, choisit Gaetano Casini, un restaurateur florentin expérimenté, talentueux, capable de supporter la pression. Mais l'allègement des vernis comporte des risques, celui d'altérer de façon irréversible le chef d'oeuvre du maître de la Renaissance.

« Pour les oeuvres comme pour les êtres, remonter le temps était une quête vaine et forcément décevante, Aurélien en était convaincu. Sa mission à lui était de conserver, de prendre soin des oeuvres, de les chérir, de faire peser sur elles le moins d'aléas possible. »

Commence alors une intrigue captivante et inattendue où le lecteur côtoie une galerie de personnages attachants de part leurs rêves, leurs peurs, leurs failles et leurs erreurs. Ils sont particulièrement bien dépeints, leur caractère finement analysé : Aurélien, qui doit mener à bien la restauration du tableau malgré lui, est un homme plutôt discret et sensible, nostalgique, attaché au passé ; le restaurateur Gaetano est tout son contraire, un artiste haut en couleur, fantasque et imprévisible ; Homero, un technicien de surface qui a une façon très originale de faire le ménage au milieu des antiquités du musée ; et la nouvelle directrice du Louvre, entreprenante et audacieuse.

Avec un style très agréable, instructif, vif, rythmé par des chapitres courts, Paul Saint Bris fait le récit de destins qui se croisent, se frôlent, s'entrelacent et se décroisent dans une atmosphère qui se charge d'une tension croissante au fur et à mesure que Mona Lisa se dévoile.

*
Cette histoire est l'occasion de réfléchir à des thèmes relatifs à l'art et l'histoire de la peinture : l'esthétique, l'intemporalité et le sens d'une oeuvre, mais aussi la place de l'artiste et du restaurateur. Face à la Joconde, Gaetano va mettre en regard le génie du maître italien et son art, son habileté, sa sensibilité, en allégeant l'oeuvre de plusieurs couches de vernis tout en gardant son charme et son authenticité.

Paul Saint Bris développe également le thème de l'ascendant du marketing et de l'image dans les musées. L'art s'est transformé en véritable industrie : les musées ont en effet pour ambition de rendre accessible l'art à tous, ce qui est louable, mais la démocratisation culturelle s'est accompagné également d'une politique mercantile visant à attirer toujours plus de visiteurs et à faire du chiffre d'affaire.

*
Prix Orange du livre 2023 qui récompense les nouveaux talents de la littérature, « L'allègement du vernis » est plus qu'une restauration de la Joconde, c'est aussi un roman qui porte un regard acéré et satirique sur notre monde contemporain.
Un très bon premier roman à découvrir.
Commenter  J’apprécie          6346



Lecteurs (1046) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1085 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..