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sur 467 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avec un premier roman fort remarqué, L'allègement des vernis, Paul Saint Bris nous plonge dans le milieu de la peinture et de ses restaurateurs.
Aurélien, un intellectuel nostalgique est directeur du département des Peintures du Louvre. le musée est pour lui un refuge sacré, un temple de la contemplation qui lui a permis de se mettre à l'abri d'un monde changeant.
Or, voilà que même ici, le changement s'est immiscé. La nouvelle présidente, Daphné, à l'aide d'implacables arguments marketing formulés par des cabinets conseils propose rien moins qu'une restauration de la Joconde « le coeur du musée. Son ultime joyau. Sa raison d'être. » Grâce à l'allègement de ses vernis, en redonnant ses vraies couleurs à La Joconde, la peinture pourrait retrouver son éclat originel et créer un événement planétaire !
Aurélien est plus que réticent devant cette mission périlleuse, mais se pliera à la volonté collégiale de restaurer le chef-d'oeuvre. La décision adoptée, charge lui est donnée de trouver LE restaurateur assez audacieux pour mener à bien le rajeunissement de Monna Lisa, « la bonne main, précautionneuse et nuancée ».
Toujours à l'intérieur du musée, parallèlement à ce que vit Aurélien, un autre personnage Homero recruté pour l'entretien du Louvre, se livre à un ballet homérique entre les statues, avec son autolaveuse, sur les notes de L'Été de Vivaldi…
Dans ce roman aux multiples facettes, très documenté mais accessible à tous, Paul Saint Bris analyse avec finesse et non sans humour notre rapport à la beauté, au passé, et interroge notre relation à l'art, et à la place qu'occupent les oeuvres d'art dans nos existences le plus souvent entièrement tournées vers les nouvelles technologies et nous transformant en simples consommateurs. C'est aussi notre relation au changement dont il est question dans le roman.
En mettant brillamment en scène ses personnages dans ce lieu emblématique qu'est le musée du Louvre, l'auteur nous entraîne dans un roman passionnant et captivant.
Au fil du récit, l'allègement des vernis qui s'applique à La Joconde bénéficie également aux êtres qui la vénèrent...
J'ai trouvé ce personnage d'Aurélien, cet homme perdu dans son époque, certes trop mou, et pas assez ferme pour soutenir ses positions, ô combien attachant avec sa mélancolie, sa nostalgie, ses déboires amoureux et ses lamentations sur le désintérêt actuel de ses contemporains pour les oeuvres d'art.
En créant le personnage d'Homero, Paul Saint Bris a fait preuve de beaucoup de fantaisie et m'a emmenée dans le délire poétique et la passion de cet homme de manière absolument réjouissante et poétique. Son approche de Monna Lisa est fascinante !
La restitution de certaines oeuvres d'art aux Italiens est également évoquée, un thème on ne peut plus d'actualité puisque sept oeuvres à la provenance litigieuse sont sur le point d'être récupérées par l'Italie, mais pas La Joconde de Léonard de Vinci acquise, elle, par François 1er.
Cette visite littéraire du plus vaste musée au monde est passionnante tout comme sont enrichissantes et intéressantes les techniques utilisées par les restaurateurs, ce métier finalement peu connu.
J'ai pris un grand plaisir au fur et à mesure, à retrouver sur la toile les oeuvres citées.
Une fin un peu abrupte est mon seul bémol.
Si j'ai pu apprécier la richesse de L'allègement des vernis de Paul Saint Bris, lauréat du Prix Orange du Livre 2023, c'est grâce à Nicolas Zwirn, Lecteurs.com et les éditions Philippe Rey. Qu'ils soient ici vivement remerciés.

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Au fil du temps, ses vernis se sont oxydés et ses contrastes étouffés : c'est comme si une taie opacifiante s'interposait entre La Joconde et l'oeil qui la contemple. Alors, faut-il restaurer le tableau, comme le suggère le cabinet de consultants engagé par la nouvelle présidente du Louvre ? Ce serait « un événement planétaire » que de sortir la grande star du musée de sa « marée verdâtre », une occasion unique de faire « exploser les compteurs » de la billetterie, ainsi qu'en rêve sa dirigeante, pour la première fois non issue du sérail des experts et conservateurs, mais forgée au credo de la performance, du marketing et de la communication par une carrière dans de grandes entreprises privées. C'est aussi un sujet épineux, qui suscite la bronca des puristes et risque de rallumer la mèche des revendications de propriété italiennes. Et si l'intervention, hautement délicate malgré les avancées technologiques, défigurait définitivement l'oeuvre d'art la plus célèbre au monde ?


Aurélien, le directeur des peintures du musée, déjà très déstabilisé par ses déboires conjugaux, mais aussi par ses contemporains, bien plus occupés du reflet narcissique de leurs selfies que de la compréhension des grands thèmes peints – qui se soucie encore de saint Jean-Baptiste, voire de Jésus et de Marie, a fortiori des mythes et des figures antiques ? –, se retrouve malgré lui embarqué dans cette entreprise affolante. Trouvera-t-il l'expert idoine pour cette restauration d'exception ? L'opération sera-t-elle la réussite retentissante que l'on attend de lui, ou tournera-t-elle au désastre qu'il appréhende avec effroi ?


Nous voilà plongés avec curiosité dans une intrigue menée avec humour et impertinence par-delà les frontières du rocambolesque, à partager les doutes et questionnements d'un personnage fort habilement campé. le dénouement sera une apothéose absolue pour ce roman aussi plaisant qu'instructif, qui, entre l'histoire de la Joconde et celle, souvent étonnante, des pratiques et techniques de restauration, ouvre le débat sur notre relation à l'art, aux oeuvres et aux musées, à l'image enfin dans une époque où le bombardement généralisé des pixels détournent les hommes « des choses vraies, les obligeant à voir à travers un écran pour qu'ils n'aient plus jamais à lever la tête, courbant leurs nuques, figeant leurs regards dans la même direction pour l'éternité. »


Ce premier roman, dont l'humour et la fantaisie satiriques servent à merveille le propos, est une vraie réussite. Entre la conservation et la restauration des oeuvres d'art, en passant par les enjeux médiatiques et financiers d'un grand musée, c'est finalement à une réflexion d'ampleur sur les évolutions récentes de la société tout entière que nous convie malicieusement Paul Saint Bris.

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« Elle est l'art, sa figure incarnée. Ils la miment, la copient, l'adulent ou la détestent. Ils n'en détournent jamais le regard. »

Vous êtes peut-être déjà allés au Louvre et avez fait queue pour voir La Joconde ?
Comme beaucoup, j'ai suivi la file des visiteurs, piétinant pendant de longues minutes au milieu de l'agitation, des bousculades, des incivilités, du bruit, des appareils photos et des téléphones portables jusqu'à me retrouver à plusieurs mètres du tableau.
Là, j'ai pu prendre une photo et contempler le chef d'oeuvre de Léonard de Vinci quelques instants jusqu'à ce que des gardiens et la foule pressante me poussent vers la sortie.

Le Louvre est, dit-on, le plus beau musée du monde. Il est somptueux, je le reconnais, mais quelle déception ! Comment savourer ce moment où le regard souriant de Mona Lisa se pose sur vous ? le visiteur n'a qu'un désir, celui d'échapper à cette foule bourdonnante et de trouver une salle moins fréquentée et plus tranquille.
Heureusement, Le Louvre abrite une quantité incroyable de chefs d'oeuvre disséminés de part et d'autre du musée. Il est alors possible de s'arrêter quelques minutes, s'asseoir, prendre le temps de s'attarder sur une oeuvre.

Imaginez donc mon plaisir pendant ces cinq jours de lecture : Paul Saint Bris m'a guidée dans les coulisses de ce musée immense. Je me suis approchée de la jeune Florentine jusqu'à presque la toucher pour étudier les détails de sa composition. J'ai observé à loisir, dans le calme et le silence, son doux visage, son sourire énigmatique, la délicatesse des couleurs et des dégradés de son teint, les traces du temps sur ses traits.

*
Dans ce roman, le temps joue en rôle majeur. Afin de redynamiser Le Louvre et attirer davantage de visiteurs, il est décidé de restaurer la star du musée, la Joconde.

En effet, le tableau a été recouvert de plusieurs couches de vernis qui, avec le temps, se sont oxydés, déposant un filtre de couleur jaune verdâtre et l'opacifiant progressivement. Pour lui redonner son éclat et sa luminosité, raviver ses couleurs d'origine, révéler les détails que la pénombre cache, il faut dissoudre les vernis sans toucher aux glacis en dessous.

Les avis sont, comme vous pouvez l'imaginez, partagés.
« Qu'est-ce qui vous en empêche ? La difficulté technique ? Je ne crois pas que ce soit un problème aujourd'hui. Sans doute craignez-vous que toucher au symbole de l'art occidental entraîne des répercussions planétaires ? Pourtant, c'est exactement ce que vous devriez faire. »

Evidemment, le lecteur se positionne dans ce débat. Je me suis demandée de quel côté je me placerais, mais la réponse est évidente. Je l'aime telle qu'elle est, avec ses craquelures, avec la patine du temps, avec ce voile qui la rend si fascinante et mystérieuse.

*
Aurélien, le directeur du département des Peintures du Louvre, choisit Gaetano Casini, un restaurateur florentin expérimenté, talentueux, capable de supporter la pression. Mais l'allègement des vernis comporte des risques, celui d'altérer de façon irréversible le chef d'oeuvre du maître de la Renaissance.

« Pour les oeuvres comme pour les êtres, remonter le temps était une quête vaine et forcément décevante, Aurélien en était convaincu. Sa mission à lui était de conserver, de prendre soin des oeuvres, de les chérir, de faire peser sur elles le moins d'aléas possible. »

Commence alors une intrigue captivante et inattendue où le lecteur côtoie une galerie de personnages attachants de part leurs rêves, leurs peurs, leurs failles et leurs erreurs. Ils sont particulièrement bien dépeints, leur caractère finement analysé : Aurélien, qui doit mener à bien la restauration du tableau malgré lui, est un homme plutôt discret et sensible, nostalgique, attaché au passé ; le restaurateur Gaetano est tout son contraire, un artiste haut en couleur, fantasque et imprévisible ; Homero, un technicien de surface qui a une façon très originale de faire le ménage au milieu des antiquités du musée ; et la nouvelle directrice du Louvre, entreprenante et audacieuse.

Avec un style très agréable, instructif, vif, rythmé par des chapitres courts, Paul Saint Bris fait le récit de destins qui se croisent, se frôlent, s'entrelacent et se décroisent dans une atmosphère qui se charge d'une tension croissante au fur et à mesure que Mona Lisa se dévoile.

*
Cette histoire est l'occasion de réfléchir à des thèmes relatifs à l'art et l'histoire de la peinture : l'esthétique, l'intemporalité et le sens d'une oeuvre, mais aussi la place de l'artiste et du restaurateur. Face à la Joconde, Gaetano va mettre en regard le génie du maître italien et son art, son habileté, sa sensibilité, en allégeant l'oeuvre de plusieurs couches de vernis tout en gardant son charme et son authenticité.

Paul Saint Bris développe également le thème de l'ascendant du marketing et de l'image dans les musées. L'art s'est transformé en véritable industrie : les musées ont en effet pour ambition de rendre accessible l'art à tous, ce qui est louable, mais la démocratisation culturelle s'est accompagné également d'une politique mercantile visant à attirer toujours plus de visiteurs et à faire du chiffre d'affaire.

*
Prix Orange du livre 2023 qui récompense les nouveaux talents de la littérature, « L'allègement du vernis » est plus qu'une restauration de la Joconde, c'est aussi un roman qui porte un regard acéré et satirique sur notre monde contemporain.
Un très bon premier roman à découvrir.
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Le Louvre ne fait plus recettes, il faut susciter l'intérêt du public...
C'est pourquoi, la nouvelle directrice, très au fait du marketing, a décidé de donner un petit coup de jeune à Monna Lisa en allégeant ses vernis. Spécialistes et restaurateurs sont donc convoqués pour examiner la Joconde et décider de la marche à suivre.
Mais procéder à pareille manipulation n'est, bien sûr, pas sans risques…
Un conservateur lunaire, un homme d'entretien poétique et un restaurateur adepte de la méditation sont les héros de cette joyeuse comédie, ironique et touchante, pas aussi légère qu'elle en a l'air. La plume est fluide, l'histoire toujours instructive et prenante. Et j'ai pris beaucoup de plaisir à aller découvrir les nombreuses oeuvres citées.
Une belle surprise 😉
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Ce livre s'attaque à un serpent de mer. Faut-il restaurer les oeuvres d'art, lesquelles et sous quelles conditions.

Daphné, la nouvelle responsable du Louvre souhaite augmenter la fréquentation du musée. Elle fait appel à un cabinet de conseil privé qui préconise la restauration de la Joconde. Face à son enthousiasme, Aurélien le conservateur du département reste sans voix. Cet homme consensuel cherche à tout prix à éviter les vagues mais ne sait pas vraiment se battre pour défendre son point de vue. Il devient malgré lui chargé du dossier alors que les événements s'emballent et que son épouse décide de le quitter.

Il est évident que l'auteur s'est beaucoup documenté avant d'écrire ce roman. Sur le musée, son fonctionnement, les oeuvres d'art et en particulier La Joconde, la restauration des oeuvres. Bien qu'instructif ce trop-plein rejaillit régulièrement, retardant un dénouement inattendu, et si j'ose dire surréaliste. La présence d'Homero et sa façon sensuelle d'aimer l'art m'a semblé artificielle, en particulier à la fin. Par contre, je me suis prise de sympathie pour Aurélien, un homme naïf qui ne comprend pas le monde qui l'entoure et qui vit à contre-courant.

Un premier roman, qui nous fait réfléchir sur notre rapport à l'art et à l'image, à découvrir.
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Tout ce que j'apprécie : un roman à la fois inspirant (documenté) et divertissant (avec une vraie histoire). La prouesse est d'autant plus admirable que Paul Saint-Bris s‘est attaqué à la plus grande icône de la culture pop : la Joconde (« (…) c'est ce qui fascinait les gens, qu'une inconnue comme elle ait traversé le temps, damant le pion aux reines et aux vamps »).
Au fil des siècles, la muse de Vinci a perdu de sa superbe, son teint s'est terni. Ne faut-il pas alléger ses vernis et lui redonner ses couleurs originelles ? Mais la direction du Louvre en a maintes fois reporté l'entreprise : trop risquée, on ne touche pas au sacré.
La pandémie a fait chuter la fréquentation du plus grand musée du monde. À l'heure de la culture snack et de la frénésie Tik-Tok, il y a urgence à capter la gen Z. Il faut quelque chose de spectaculaire, que chacun s'empressera de poster sur Instagram… comme une Monna Lisa dont le visage a été refait.
L'épopée de la restauration du chef d'oeuvre pose une question ô combien contemporaine : pourquoi rajeunir à tout prix ? Elle n'est pas la seule. Avec Aurélien, le responsable du département peintures dans la force d'un âge déclinant (p76), on s'interroge : pourquoi ne respecte-t-on plus le temps long ? Faut-il se méfier de la culture de masse ? le bon goût est-il aussi subjectif qu'on l'imagine ? Ne sommes-nous pas, d'emblée, rebelles à la nouveauté (premières réactions à Buren et Pei) ?
« L'allègement des vernis » est un premier roman virtuose qui nous emmène dans les coulisses d'un musée, lieu de pouvoir où se percutent les acteurs irréconciliables de la politique, du marketing (savoureuses p37-41) et du savoir.
Bilan : 🌹🌹🌹
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Aurélien, directeur des peintures du musée du Louvre, fait partie de ces conservateurs d'art à l'ancienne. Il voit arriver avec effroi, une nouvelle présidente, la pétillante Daphné, avide de buzz et de rentabilité.

« Avant moi, c'était l'âge de pierre ! » déclare-t-elle.

« Il fallait que Béyoncé ondule, sexy en diable, sous la « Victoire de Samothrace », que des breakdancers en jeans nippons effectuent d'époustouflantes figures au pied de la « Vénus de Milo » pour contenir l'inéluctable désertion ».

Épaulée par un cabinet conseil, Daphné décide de s'attaquer au coeur du musée, La Joconde, qui s'est « dégradée par les outrages du temps. Les vernis oxydés et jaunis ont déréglé ses contrastes opacifiant le portrait qui année après année s'enfonce un peu plus dans la pénombre. […] Mona Lisa baigne dans une marée verdâtre ». Une restauration est nécessaire.

Aurélien subit avec impuissance ce cauchemar qui suscite de vives polémiques, en plus de celle des italiens qui veulent récupérer leur bien national et trouvent scandaleux qu'on le détériore :

« Une autre polémique s'ajouta aux revendications nationalistes transalpines. Un groupe d'universitaires américains rédigea une critique dans le « Huffington Post » pour demander l'arrêt de la restauration. À leurs yeux, alléger les vernis dissimulait l'intention raciste d'éclaircir la peau du modèle pour le rendre conforme à un idéal occidental caucasien. La marque du temps avait eu ce bénéfice de rapprocher la couleur de Monna Lisa à celle de la moyenne de l'humanité et, toujours selon l'article, il fallait y voir là la raison de son immense succès ». (p.235)

Pour Paul Saint Bris, la restauration de la Joconde est un prétexte pour parler de notre rapport au beau et au changement, pour questionner la façon dont nous vivons (je cite de mémoire des propos de l'auteur entendus lors d'une interview).

Les forces du changement (Daphné) et le poids de l'immobilisme (Aurélien) s'affrontent. Entre les deux se trouve une figure solaire, Homero, technicien d'entretien, dénué de tout vernis culturel, qui vit l'art, qui performe, avec son autolaveuse, entre les statues antiques, de périlleuses et envoutantes chorégraphies. C'est le charismatique Gaetano, maitre incontesté de la restauration, qui parachève le tableau.

Paul Saint Bris dédie L'allègement des vernis :

« Aux inquiets, aux confiants, à ceux qui embrassent dans une même étreinte le passé et l'avenir ».

Le début m'a irritée. J'ai failli abandonner ma lecture, écrasée par la salve des anglicismes, néologismes, hashtags. Tout me déplaisait : les clichés, les stéréotypes, le mélange personnages fictifs et réels, la pléthore d'allusions ou références artistiques qui m'échappaient.

Une vraie bouillabaisse que ce roman ! Des explications érudites sur l'art et la restauration cohabitent avec la « dolce vita », phrases en italien, érotisme, ainsi qu'avec l'état des lieux des rumeurs, anecdotes ou simplement connaissances liées à La Joconde, sans oublier les problèmes de couple d'Aurélien.

Parfois, il pousse un peu trop loin la satire.

« Il trouvait d'ailleurs que « restaurer » était un mot un peu dégueulasse, utilitaire et froid comme un vocable de fonctionnaire de police ; des gens qui disent « uriner » pour « pisser » ou « régurgiter » pour « vomir ». Un mot juste bon à décrire l'asservissement d'un besoin physiologique. Et puis il avait l'angoisse du scalpel. L'entendre racler la surface des oeuvres lui donnait la chair de poule ». (p.58)

« L'attelle posée, ils avaient fini au McDo pour la plus grande joie de la petite et il s'était fait expliquer les subtilités du menu avec l'intérêt d'un Lévi-Strauss chez les Papous ». (p.125)

En parallèle, les personnages sont assimilés à des tableaux anciens.

- Daphné ressemble de façon troublante au « Portrait d'une jeune femme de Lübeck tenant un oeillet », peint vers 1525, par Jacob van Utrecht.
- Giuseppina, une des deux amantes assistantes de Gaetano, sort de la piscine et apparaît à Aurélien, « dans la fraîche nudité d'une déesse anadyomène, une déesse qui tenait davantage des onctueuses naïades de Rubens que de la Vénus gracile de Botticelli ».

Mais, force est de constater que Paul Saint Bris est un virtuose dans le genre. Son style est élégant, distrayant et agréable. Non seulement on découvre les tenants et aboutissants de la Joconde, mais en plus, on est entrainé avec brio dans un thriller qui culmine par un twist final.

Peut-être même que l'auteur détient certains secrets… en tant que membre de la famille Saint Bris qui a racheté, en 1854, le Château du Clos Lucé - où Léonard de Vinci a passé les trois dernières années de sa vie (1516 à 1519), en compagnie de sa Joconde -, devenu musée en 1954, dont son père François Bris est l'actuel président. Et, il est le neveu de Gonzague Saint Bris.

De plus, le Château du Clos Lucé – Parc Léonard Da Vinci a fait l'objet de multiples restaurations et bénéficie aujourd'hui d'une moderne couverture numérique.

J'ai rencontré Paul Saint Bris, prix du premier roman 2024 des Amis des Médiathèques, vendredi 29 mars à la librairie le Pavé dans la Mare, je l'ai trouvé fort sympathique.

J'ai dévoré L'allègement des vernis en quelques heures. Je remercie l'auteur de m'avoir fait, le temps d'un roman, côtoyé le gotha artistique parisien.

Pour un premier roman, c'est un coup de maitre.
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Comment restaurer sans détériorer, tout en slalomant entre les imbroglios liés au milieu de l'Art.

Poétique et plein d'humour. Même si ces deux idées ne vont pas spontanément de pair, ce serait tout de même ce que j'aimerais assembler pour donner le ton du roman. Les personnages du livre ont les travers de notre époque alors même que ce sont eux qui décident de ce qui serait bien ou mal pour une aussi grande et ancienne oeuvre qu'est le portrait de Mona Lisa peint par Léonard de Vinci en 1503. C'est cette atmosphère que j'ai trouvé réussie dans l'histoire.
La sensibilité de l'écriture de Paul Saint Bris créée cette atmosphère feutrée qui sied d'ailleurs à l'Art en général, et pas qu'à la peinture. Il nous transporte dans le monde des secrets, voire des mystères entourant la restauration. Il rappelle la lourde responsabilité qu'a le restaurateur de ne trahir ni l'oeuvre, ni son maître.
Par cette lecture on jette un coup d'oeil plutôt perçant sur le monde de l'art, de sa marchandisation et de sa presque industrialisation. L'exploitation de la frénésie des images est ici très justement mise en avant.

Aurélien, le personnage principal, est un peu cliché de par sa peur de la modernité, son côté passéiste, en réel décalage avec l'époque. A l'inverse sa nouvelle directrice est franchement de type pêchue et disruptive. Sur l'avis d'un cabinet conseil cette dernière décide de faire restaurer La Joconde et demande à Aurélien de s'en charger.
Dans la galerie des personnages c'est Homéro que j'ai trouvé le plus attractif. Il est l'homme de ménage qui entre en scène à la fermeture du musée avec son armada de balais en tous genres avec cette magnificence propre aux gens qui savent, que même à leur petite échelle, ils ont un rôle essentiel dans la vie des oeuvres d'art.
Par les différents angles de vue de ces personnages, on entre ainsi dans les coulisses du Louvre. On voit comment se mettent en place les modifications internes liées aux changements de présidence du lieu. Puis on accompagne même Aurélien en Toscane où il rencontre l'intense Gaetano, grand séducteur, artiste précautionneux, au travail profondément raffiné.
Toutes ces découvertes m'ont énormément intéressées. Absolument rien à jeter.

Mon sentiment c'est qu'il manquait une chose, quelque chose de l'ordre du liant, un liant entre les évènements afin qu'on ne soit pas tenté de déposer le livre et de le reprendre un peu plus tard seulement.
Tout est à sa place, bien ordonné, les personnages et leur environnement de vie parfaitement distribué : tout est harmonieux. Il n'y a cependant aucune surprise. Un lecteur un peu aguerri peut deviner très tôt à la lecture du roman comment l'histoire peut évoluer.

L'écriture de Paul Saint Bris est certes technique, mais également amusante et poétique. L'auteur sait construire une intrigue dans un style agréable, malin et astucieux à plein d'endroits et c'est ce qui fait qu'on y retourne.

Citations :
« Il fallait désencombrer le musée du lourd poids du savoir, l'ouvrir à tous les sens, à tous les vents du monde, à toutes les âmes ».
« Un bruissement parcourut l'assemblée. Bertrand savait s'y prendre pour captiver son auditoire.
…Pour sa défense, Villot dis que le résultat d'une restauration ne doit pas être jugée par le public, mais par les experts. Il se trompe ! C'est le public qui juge, lui seul.
… En pratique, la restauration doit rétablir l'unité potentielle de l'oeuvre, c'est-à-dire qu'elle doit permettre sa compréhension malgré ses mutilations, ses lacunes et ses accidents. Mais elle doit aussi être réversible : dans le cas d'un tableau, une couche de vernis doit séparer la couche picturale des repeints postérieurs. »
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Parlez-moi d'Art et de Marketing dans une même phrase et vous avez toute mon attention. Faites-en un livre et je m'en lèche les babines de gourmandise à l'avance. Glissez-y une fine observation du temps qui passe et bouleverse les habitudes, une pointe de nostalgie donc mais pas trop, un brin d'humour exempt de toute méchanceté, emmenez-moi dans les coulisses du plus beau musée du monde, dévoilez-moi l'envers du décor et... c'est bon, vous m'avez conquise. Un premier roman dites-vous ? Et bien chapeau ! Rien à dire, c'est remarquable.

Enfin, on va tâcher d'en dire un peu plus tout de même. Présenter Aurélien peut-être ? La cinquantaine entretenue, un appartement cossu dans le 6ème arrondissement, et surtout un amour du beau qui l'a conduit au métier qu'il exerce avec passion. Aurélien est directeur du département des Peintures du Louvre, un écrin qui le préserve aussi de la laideur qui a peu à peu envahi le monde, en tout cas trouve-t-il. Il s'accommode d'un certain conservatisme que vient pourtant bousculer la nouvelle présidente du musée, Daphné aussi ambitieuse qu'énergique et surtout adepte de l'innovation marketing. Buzz, réseaux, coups médiatiques, pourquoi se priverait-on de moyens utiles pour augmenter le trafic et remplir les caisses du musée ? Aidée de cabinets conseil (toute ressemblance avec certain ayant fait la une de l'actu ces derniers mois n'est sans doute pas fortuite) elle explore toutes les pistes. Alors, lorsque au détour d'une présentation PowerPoint il est envisagé de faire restaurer la Joconde et de monter autour du chantier une opération de communication aux petits oignons, la dame jubile. Jusqu'à présent personne n'a osé, les risques sont grands mais peu importe. Aurélien, plus que réticent, est tout de même chargé de trouver le restaurateur qui voudra et pourra se charger du travail ce qui n'est pas une mince affaire au milieu de l'agitation et du bruit médiatique que suscite le projet. Pendant ce temps, Mona Lisa garde son fameux sourire...

A travers cette histoire rondement menée, l'auteur s'amuse à nous faire découvrir les enjeux d'un musée côté financier mais également logistique avec une kyrielle de personnages aussi utiles à l'intrigue que sympathiques à rencontrer, voire nimbés d'une poésie salvatrice. Il explore l'univers de la restauration de tableaux souvent méconnu puisque les interventions doivent s'effacer devant l'oeuvre initiale, et il le fait avec une pédagogie qui se fond joliment dans la narration et vient nourrir le roman sans déborder. Mais surtout il met le lecteur face à l'importance de l'image qui a envahi nos vies, à celle de la vitesse qui chasse les images les unes après les autres et confine à l'absurde. Il interroge notre appréhension du beau, notre sensibilité à l'art et fait d'Aurélien une sorte de résistant malgré lui. L'ensemble est parfaitement équilibré, très bien observé et composé, s'appuyant sur une trame narrative pleine de surprises. du très bon et beaucoup de plaisir de lecture.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Aurélien, le directeur du département des peintures au Louvre, se voit confier par la nouvelle présidente une mission qui le contrarie.
Mettre en route la restauration de la Joconde.
Événement national, voire plus, avec les enjeux que ça implique.
Une immersion totale au coeur du Louvre.
Plutôt riche cette découverte des coulisses.
En plus des lieux, on côtoie le personnel, de la présidente à l'homme de ménage.
Aurélien, attachant, sobre, traditionnel, est le point fort de ce roman.
Il nous entraîne dans son métier, dans ses doutes, dans le dilemme final.
L'écriture est précise, soignée, élégante.
Alléger les vernis ! Quel programme, quelle responsabilité, surtout lorsqu'il s'agit de l'illustre Joconde.
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