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4,04

sur 467 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Prix Orange du livre 2023.

Paul Saint Bris, auteur que je découvre avec L'allègement des vernis, a écrit un roman impressionnant, récompensé par le Prix Orange du Livre 2023, où il fait preuve d'une écriture magnifique pour emmener son lecteur au plus près de l'oeuvre picturale la plus célèbre du monde : La Joconde.
En refermant L'allègement des vernis, je me pose cette question qui m'est venue pendant ma lecture : pourquoi un tel roman n'a-t-il pas davantage obtenu d'écho ? D'autres, bien moins riches, bien moins passionnants, confisquent les feux de la rampe. Publié par les éditions Philippe Rey, ce beau livre ne sort pas des catalogues des géants bien connus et ceci explique sans doute cela.
Déjà, le titre énigmatique mérite une explication car la technique dite de l'allègement des vernis concerne la restauration des tableaux, manoeuvre ô combien délicate ! D'ailleurs, le prologue rappelle le travail de Robert Picault qui, en 1773, sauva une peinture sur bois de Raphaël, peinture qui datait de 1510.
Rapidement, je suis entraîné sur les pas du personnage principal, Aurélien, directeur du département des Peintures au musée du Louvre. Avec lui, je rencontre Daphné Léon-Delville, tout nouvellement nommée Présidente du même musée. C'est justement elle qui veut augmenter la fréquentation, attirer toujours plus de visiteurs alors que les lieux sont au bord de la saturation, surtout pour admirer La Joconde, l'oeuvre mythique de Léonard de Vinci.
Pour cela, la patronne a fait appel à un cabinet spécialisé qui préconise l'allègement des vernis pour rafraîchir La Joconde… le laïus tendance de ces spécialistes n'est qu'une cascade d'acronymes et d'anglicismes ; c'est une véritable horreur dont le discours vise à imposer de nouvelles techniques de gestion à l'aide d'un langage préfabriqué. Dire que ces cabinets se font payer très cher avec l'argent des contribuables et que leurs services sont réclamés à tous les niveaux alors qu'élus et responsables devraient faire ce travail !
Bon. Revenons à Aurélien, véritablement torturé mentalement devant ce qui se prépare mais qui fait tout son possible pour trouver la meilleure solution, allant même en Toscane trouver un certain Gaetano, bien encadré par ses muses : Giuseppina et Lucrezia…
Heureusement, voici Homéro, un homme de ménage qui apporte une note insolite dans le récit et qui aura une influence importante jusqu'au bout alors que l'auteur me gratifie de détails intéressants sur la vie du musée, les luttes d'influence devenant vite politiques. Paul Saint Bris rappelle, au passage, les polémiques déclenchées par des projets comme les colonnes de Buren, la pyramide de Pei, le Centre Pompidou et bien d'autres qui ont fini par être acceptés.
Tout le récit est bien documenté, sans tomber dans le didactique. Paul Saint Bris a su me maintenir en haleine, m'inquiéter, me rassurer aussi, rappelant l'histoire d'un tableau que l'Italie nous réclame. Il parle de Lisa del Giocondo, née Gherardini, nommée Monna Lisa, candide bourgeoise de la classe moyenne de Florence, modèle d'un tableau commencé en 1503. L'auteur fournit une belle analyse de l'oeuvre signée Léonard de Vinci qui, invité par François 1er, transbahuta son tableau jusqu'à Amboise, en 1516, au Clos Lucé où il mourut en 1519,
L'allègement des vernis est un roman toujours saupoudré d'un humour délicat, feutré mais bien senti. Cela n'empêche pas l'auteur de livrer, au passage, une analyse méthodique impitoyable de la progression dans le cerveau et sur tout le corps du choc provoqué par un événement inattendu.
Un tel roman est difficile à mener à son terme tellement il bouleverse un ordre établi mais Paul Saint Bris, toujours avec délicatesse, sait ménager les surprises les plus inattendues que je vous conseille de découvrir à la fin d'une lecture aussi étonnante qu'instructive ; c'est un monde dont tout le monde entend parler mais dont nous ne connaissons que le superficiel. L'allègement des vernis a un grand mérite : décaper, gratter la surface pour permettre à chaque lecteur de très intéressantes découvertes et je remercie Nicolas Zwirn et Lecteurs.com pour cette inoubliable lecture.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Directeur du département des Peintures du Louvre, Aurélien doit assumer la mission délicate de la restauration d'un tableau mythique, attraction majeure du musée : La Joconde. Cette décision audacieuse, c'est celle de Daphné, la nouvelle présidente à la tête du musée, une sacrée personnalité à laquelle on se doit d'obéir.
« Avec un talent et une intuition hors pair, elle avait considérablement amélioré la visibilité de l'établissement dans les médias et sur les réseaux sociaux. le pouls de Daphné battait au rythme du monde et même un peu en avance sur celui-ci, tant elle savait précéder les désirs de ses contemporains. »
Elle va jusqu'à recruter un cabinet conseil pour trouver des solutions et booster la fréquentation du musée. Parmi des propositions plus ou moins extravagantes, la plus audacieuse est cette restauration de la Joconde. Les outrages du temps ont dégradé la peinture, « les vernis oxydés et jaunis ont déréglé ses contrastes, opacifiant le portrait qui, année après année, s'enfonce un peu plus dans la pénombre. »
Aurélien, que l'idée de restaurer les couleurs de la Joconde en allégeant les nombreuses couches de vernis, répugne, est chargé de trouver l'expert en restauration capable d'une telle prouesse.
Cette quête pleine de folies et de rebondissements, nous fait découvrir les méandres du musée et les étapes d'une restauration à haut risque. L'enjeu d'une restauration qui s'attaque au symbole de l'art occidental, dépasse l'univers de l'art pour atteindre les sommets politiques.
On s'amuse et on souffre avec Aurélien de l'aventure de cette chirurgie esthétique sur une star de la renaissance italienne.
De nombreux personnages s'agitent et se croisent dans l'entourage de la belle Mona Lisa. Homero est l'un d'eux, sans doute le plus étrange, car il est le seul à avoir une approche sensuelle avec les oeuvres d'art. Ainsi, jugé sur son autolaveuse rouge, il imagine une chorégraphie poétique autour des statues antiques.
« le délire de cet homme sur sa machine, d'un spectacle touchant mais un peu cocasse, était devenu un ballet sublime. L'autolaveuse tournoyait, emportée par les mouvements sinueux des cordes. le technicien répondait par sa gestuelle à toutes les impulsions données par le rythme, alternant douceur et intensité, moments de fausses accalmies et vivacité fiévreuse. »

Ils sont nombreux à subir la fascination de Mona Lisa, et c'est cette étrange séduction qui va influer sur leur destin.
Par le biais de la restauration téméraire d'un chef-d'oeuvre et de ses répercussions médiatiques, c'est une satire de notre époque à laquelle nous convie Paul Saint-Bris.
Si les passages sur les difficultés qu'Aurélien rencontre dans son couple qui bat de l'aile ne m'ont pas passionnées, j'ai pris beaucoup de plaisir à suivre les péripéties surprenantes de l'allègement des vernis de la Joconde.
J'ai également apprécié l'histoire de la restauration de tableau et de ses experts comme ce Robert Picault, qui déclare être l'inventeur de « l'enlevage » des peintures. Il devient fournisseur royal, mieux payé que le premier peintre du roi.
J'ai pris un grand plaisir à la lecture de ce premier roman. Une belle découverte.





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Enorme coup de coeur !!!!

J'ai savouré ce roman comme on admire une oeuvre d'art, d'abord globalement, un ensemble harmonieux, un puzzle avec chaque pièce indépendante quoiqu'indispensable parce que formant un tout, une sorte de carte mentale ayant pour objet, la très célèbre Monna Lisa, et pour problématique, sa restauration, et tout ceux qui y sont étroitement liés : personnages historiques, protagonistes, public, éléments contestataires, et employés du Louvre.

Si le personnage principal, Aurélien et conservateur d'un département du musée, fait figure d'individu plutôt taciturne qui traverse cette aventure comme un fantôme, sans avoir réellement de prise sur les décisions, se laissant porter par les événements, il regorge de culture artistique et ses pensées nous emmènent dans le monde de l'art et nous invitent à côtoyer des spécialistes qui seront ensuite mis en évidence dans les chapitres qui leur seront consacrés. Il est difficile de parler des personnages sans divulgâcher. Je peux tout de même affirmer que chaque intervenant possède un tempérament coloré qui déterminera une action originale voire comique, je ferai particulièrement un clin d'oeil à Homéro, personnage intéressant que je laisse chaque futur lecteur découvrir.

Et puis l'on apprend beaucoup sur la restauration des oeuvres, sur les vernis, sur les supports, sur les techniques, sur la Joconde elle-même, tableau célébrissime et méconnu à la fois. Moi qui ai toujours eu beaucoup d'admiration pour les personnes capables de décrypter un tableau, de relever dans ses détails, des notions de peinture inconnues du public, de faire parler la couleur et émerger le message délivré par l'oeuvre, je me suis de suite installée dans ce livre, m'en déloger fut chose difficile. Si je l'ai lu en numérique, je crois que je vais me procurer la version papier pour avoir le plaisir de le feuilleter et de le posséder.

Comme pour tout roman, je me suis demandée comment cette histoire allait se terminer, j'ai été surprise, perplexe, amusée, apaisée, la fin commence bien avant les dernières pages par un événement qui amènent lentement la dernière page, magnifique et reposante dernière page.

Voilà, je n'en écris pas plus sous peine de trop dévoiler. Ce roman, je l'ai bu jusqu'à la lie. C'est un roman qui invite à continuer à lire sur les oeuvres d'art, sur Le Louvre, sur la Joconde et son créateur.

Un très beau premier roman, une réussite qui j'espère, encouragera l'auteur à nous régaler d'autres écrits.
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Au Louvre, une petite révolution est en marche ! L'oeuvre la plus illustre donne des signes de patine qui compromettent une appréciation de la délicatesse et du choix des couleurs par le génie que fut de vici. Alors pourquoi ne pas tenter une restauration de la toile mythique ? Les débats préalables font rage dans l'équipe, risque de dénaturer l'oeuvre, diminution de la fréquentation du musée pendant l'indisponibilité du tableau, complexité de la tâche. Malgré tout, la décision est prise, d'autant que les moyens informatiques permettent de simuler le travail et confortent le bien fondé d'une telle entreprise. Reste à trouver l'oiseau rare capable de s'y atteler et acceptant de prendre cette responsabilité. C'est un personnage particulier, italien, renommé qui sera choisi. Son excentricité va de pair avec ses compétences.

Les données techniques et historiques sont insérées avec adresse dans le cours du récit, le roman est ainsi une mine d'or pour comprendre les enjeux d'une profession de l'ombre, qui ne se fait connaître que si par malheur une restauration est ratée, provoquant scandale et opprobre.

C'est aussi une réflexion sur le temps qui passe, la succession des générations :

« Avant reste pourtant votre présent, mais vous pressentez qu'il appartient déjà au passé, car vous-même avez subtilement glissé. Et si vous parlez d'avant, vous parlez aussi de maintenant comme si ce n'était plus de votre temps qu'il s'agissait, comme si maintenant était étranger, allogène, comme si maintenant n'était pas un bien commun à tous les vivants mais un privilège réservé à d'autres que vous ne comprenez plus »

L ‘auteur y aborde aussi le thème de la beauté, de sa définition, de sa perte dans la vie courante, sacrifiée sur l'autel de la rentabilité et de l'éphémère d'une société de consommation.

Le roman ne manque pas d'humour : on pense au ballet de l'auto laveuse circulant entre les sculptures ! Épisode qui convoque aussi les arts de la musique et de la danse.

Porté par une très belle écriture, raffinée et érudite, tout en restant accessible, ce premier roman est remarquable.

352 pages Philippe Rey 12 janvier 2023
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Elle est la femme la plus célèbre du monde. Elle est une icône intemporelle, adulée par les foules. Non il ne s'agit ni de Marilyn Monroe, ni de la reine Elisabeth II, encore moins de Taylor Swift.
Je veux ce soir vous parler de Lisa Gherardini, épouse d'un certain Francesco del Giocondo, marchand d'étoffes à Florence. On la connaît davantage sous le nom de Monna Lisa, surnommée aussi La Joconde. En vérité, je vais vous avouer un secret, mais que cela reste entre nous, hein ! La Joconde, je ne la trouve pas belle.
Certes, par bien des aspects le tableau recèle des qualités incroyables qu'on ne voit peut-être plu depuis qu'elle est entrée dans l'imaginaire universel. Je m'en suis approché pour la première fois un certain 29 juillet 2020. Ce fut la seule fois d'ailleurs et elle ne m'a pas laissé un souvenir impérissable.
Pourtant son sourire énigmatique, la bonté de son regard, sa simplicité heureuse et rassurante, ses yeux noisette, auraient pu me plaire. Seul le paysage cryptique en arrière-plan apporte une légère touche de dramaturgie qui corrige la mollesse pouponne de son visage et renforce à mes yeux sa présence au monde. Et encore...
La seule chose dont je peux me réjouir à son endroit, c'est qu'elle a damé le pion aux plus grandes...
Vous ne serez donc pas étonné si je vous dis que le récit dont je vais vous parler se passe essentiellement au Louvre et que le personnage principal en est La Joconde. Disons que l'histoire tourne autour d'elle, l'histoire et tout le reste, à commencer par les autres personnages qui entrent en scène. La célèbre dame florentine va exercer sur eux à leur insu peut-être et à petites touches un étrange magnétisme envoûtant...
Tout est parti de l'idée de la nouvelle présidente du Louvre, Daphné. À peine arrivée dans sa fonction, elle veut révolutionner l'image du plus célèbre musée du monde. Elle veut du chiffre, elle veut que ça bouge... Tous les moyens semblent bons pour augmenter la fréquentation du musée qui stagne, marque un pallier depuis quelques années... Il est vrai que son parcours iconoclaste lui offre une manière décomplexée de mettre l'art sous les projecteurs. Un cabinet-conseil commandité pour la circonstance va sortir du chapeau l'idée géniale : restaurer La Joconde qui est la star du musée, la sortir de sa « marée verdâtre », l'outrage du temps ayant oxydé sa lumière et ses contrastes. Voilà ! Je vais peut-être enfin la voir sous un autre jour...
C'est alors que j'ai fait connaissance avec Aurélien, directeur du département des Peintures du Louvre, homme discret, taciturne, ancré dans la tradition, c'est-à-dire tout l'opposé de ce qui y anime la pétillante et énergique Daphné. Aurélien n'a pas le choix : il doit conduire la mission de rechercher un restaurateur capable de relever le délicat défi de l'allègement des vernis, technique qui permettrait à l'ultime chef d'oeuvre de retrouver la splendeur tant convoitée.
Je suis entré dans ce roman palpitant avec jubilation, porté par une écriture belle, fluide, gracieuse, érudite sans jamais peser... L'intrigue est menée tambour battant, convoquant l'humour, la facétie, la légèreté et l'audace dans une narration magnifiquement tenue jusqu'au dénouement. Dans ce premier roman de Paul Saint Bris je suis allé à la rencontre d'une galerie de personnages inoubliables, saisis avec parfois de l'intensité, de l'émotion...
Ainsi, parmi d'autres, je n'oublierai jamais l'image de ce technicien de surface, - c'est comme ça qu'on dit maintenant, Homéro, affecté la nuit à la salle des Caryatides, dressé tel un torero sur son autolaveuse, dessinant des arabesques entre les vénus et les apollons, célébrant la grâce dans une chorégraphie aussi burlesque que touchante autour de Diane de Versailles, approchant au plus près la beauté divine de la belle chasseresse, frôlant le galbe de sa cuisse, caressant un sein délicat, dans des gestes sensuels, éperdus jusqu'au ravissement et l'incandescence...
Fermant les yeux un instant et imaginant cette scène candide d'une force érotique incroyable, j'en aurais presque oublié le propos majeur du roman, une satire cruelle et impertinente de notre époque, de notre rapport à l'art, à l'image, de notre rapport au monde tout simplement... C'est juste brillant. Je vous recommande ce premier roman qui j'espère vous fera craquer comme moi...

[Sélection Prix CEZAM 2024]
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Un titre qui m'intriguait, une interview de l'auteur qui m'avait intéressée, et enfin un cadeau reçu grâce au site lecteurs.com, j'entre dans le monde du Louvre et de la peinture. Sur la pointe des pieds tout d'abord, avec beaucoup de bonheur ensuite.

Aurélien est directeur du département des peintures au Louvre. Il est aussi toujours conservateur, de métier bien sûr, mais aussi de caractère, opposé au changement, un peu falot, un peu trop consensuel peut-être. Alors quand une présentation d'un cabinet de consultants bien connu déclare que pour relancer la fréquentation du musée, il faut restaurer la Joconde, il prend peur et traine les pieds, mais n'osera pas s'y opposer franchement. le restaurateur est trouvé, italien de surcroit, le tableau est décroché, désencadré et le travail commence, surveillé par une armée d'experts.

J'ai apprécié cette lecture, parce que d'abord elle m'a appris plein de choses sur la peinture et l'art de restaurer les tableaux. J'ai aussi aimé découvrir l'envers du décor de ce grand musée et savouré l'humour sous-jacent avec lequel sont décrits son fonctionnement, la recherche de nouveaux publics, les relations entre les différents responsables, les politiques, les experts, les médias et j'en passe. Et je n'oublie pas les réunions et la présentation des consultants. On s'y croirait.

La restauration commence, sous haute surveillance. Tout se passe à merveille même si le restaurateur semble réagir curieusement. Et, j'ai tourné les pages fébrilement, certaine que tout ne pouvait pas bien se passer, avide de connaitre la fin. Je me demandais comment l'auteur allait finir par s'en sortir, quel allait être le sort du tableau.
Et il a réussi à me surprendre. J'ai trouvé moins réussies les toutes dernières pages, trouvant que cette fin n'était pas en accord avec la personnalité d'Aurélien. Mais cela n'a pas entamé mon enthousiasme pour tout ce qui a précédé. Je n'aurais pas cru être autant accrochée par le suspense que réussit à créer l'auteur sur cette histoire de restauration. Il faut dire que l'enjeu est de taille, La Joconde, tableau universel.

Une écriture superbe, un humour très présent, des personnages intéressants, de par leurs spécificités et leurs différences, entre la présidente du musée, à la pointe de la communication et des techniques de marketing, Aurélien qui parait bien faible en face, le restaurateur si solaire, sans oublier Homero, l'homme de ménage esthète surprenant, une analyse pertinente de notre société, et des dérives du marketing et de l'hyper-communication, un hommage à la peinture, tout cela nous donne un premier roman que je trouve très prometteur.

Encore merci à Lecteurs.com et aux éditions Philippe Rey pour cet envoi.
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Joli titre pour ce premier roman ! On peut, je crois, lui donner un double sens et l'appliquer non seulement à un procédé de restauration des oeuvres, mais aussi à l'évolution de certains des personnages. L'Allègement des vernis commence par un superbe prologue qui pose d'emblée une des questions qui habitent la totalité du roman : quel est le statut du restaurateur de tableaux ? technicien-artisan ou artiste ? Qui peut prétendre trancher ? Vous avez bien sûr reconnu, malgré la petite portion qui apparaît, le tableau illustrant la couverture. Il s'agit du portrait de Monna Lisa Gheradini (Paul Saint Bris a choisi l'orthographe italienne), autrement dit La Joconde. En trois parties d'inégales longueurs, l'auteur nous propose de suivre une formidable aventure : la restauration du tableau sans doute le plus célèbre du monde ! Il va en profiter pour nous faire réfléchir, avec le sourire, sur le statut des oeuvres d'art, le rôle des musées, celui de la beauté, de la permanence, etc. À vrai dire, le statut particulier de cette oeuvre d'art tellement admirée et encensée est-il justifié ? D'autres questions moins attendues feront aussi l'objet de développements. Vous, diriez-vous que la Joconde est de droite ?
***
Paul de Saint Bris connait bien le milieu artistique, ce qui lui permet de nous proposer un roman « à clés ». J'avoue que je n'ai pas reconnu beaucoup des personnages qui traversent plus ou moins rapidement cette histoire, mais pour au moins l'une d'entre eux, c'est transparent et hilarant sans être vraiment méchant… J'ai mis l'extrait en citation. On va évoluer dans un monde d'egos surdimensionnés, de jeunes loups utilisant une « novlangue » dont notre actuel président s'est fait le chantre implicite, qu'Adrien, le conservateur du département de peintures, réprouve et dont il se moque, mais que, en même temps 😊, il envie. J'ai adoré certains morceaux de bravoure, comme, entre beaucoup d'autres, la présentation destinée à convaincre de la nécessité de la restauration ou les diverses interventions et les agissements de Daphné devant laquelle Aurélien se fait tout petit… sans oublier le cabinet McKinsey... L'humour est parfois discret, parfois très présent, affuté par un regard déjà critique et pas si léger sur les différents milieux sociaux, les âges, les codes vestimentaires ou picturaux, le clivage droite/gauche, etc.
****
Adrien, le personnage principal, se révèle sympathique, mais timoré, compétent mais peu sûr de lui, sensible mais trop souvent passif. Son couple lui donne bien du souci. Il pense avoir présenté à Claire une image améliorée de lui-même, et il juge que c'est de cette image qu'elle est tombée amoureuse, une fausse représentation, en somme. Certains personnages sont moins bien définis. Hélène et Daphné sont des archétypes et Homéro, pour sa part, joue le rôle du néophyte sincère et sans arrière-pensées. Je ne dirai rien du restaurateur choisi : le personnage est trop savoureux pour en dévoiler les charmes. L'histoire m'a conquise et j'ai beaucoup aimé l'écriture de Paul Saint Bris à la fois précise, savante sans être pédante ni trop complexe, et très, très inventive. J'ai craqué pour, en vrac et sans guillemets, la direction s'en poncepilatait, les temps prépubertaires, la respiration vadorienne, un charme douanesque ou encore un ciel magrittien !
Vivement le prochain !
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Le Louvre comme vous ne l'avez jamais vu

Dans un premier roman époustouflant, Paul Saint Bris nous entraîne au Louvre où la Joconde retrouve des couleurs, ou les agents de nettoyage assurent le spectacle et où l'amour se cache derrière les cariatides. Érudit, surprenant, emballant!

Commençons par une scène marquante de ce formidable roman. Homéro, agent d'entretien du Louvre, met un casque audio et prend les commandes de sa laveuse. Emporté par la musique, il effectue une sorte de ballet avec son engin autour des statues, risquant même de les heurter et de les dégrader. Pour Hélène, en charge de la statuaire, une telle attitude devrait conduire à un licenciement sur le champ. Mais au contraire, elle va être fascinée par cette danse jusqu'à tomber dans les bras de l'homme à l'autolaveuse.
À l'image de cette manière novatrice de nettoyer le musée le plus célèbre de France, Paul Saint Bris va nous faire découvrir Le Louvre sous un oeil neuf. le musée et son personnel, à commencer par sa nouvelle directrice.
Daphné Léon-Delville a été nommée pour ses résultats en tant que responsable des relations extérieures. Pour la première fois, ce n'est pas à un conservateur qu'échoit cette fonction mais à une dircom. Une décision assortie d'un mandat aussi clair que difficile à tenir: augmenter les ressources du musée en augmentant la fréquentation jusque-là limitée à 9 millions de visiteurs.
Pour cela, elle va avoir recours à une société de conseil spécialisée. La présentation des résultats de leur étude devant le personnel va étonner, voire choquer les conservateurs. Car sa proposition-phare est une restauration de l'iconique Joconde dont il faudra «alléger les vernis». Pour Aurélien, conservateur du département des peintures, il est urgent d'attendre afin de ne pas provoquer un tollé. Mais face à Daphné, il préfère capituler, tout comme devant la première commission d'experts qui, malgré le refus courroucé de ses deux prédécesseurs, finit par approuver le projet. Face à la ministre de la Culture, il ira même jusqu'à soutenir sa patronne.
Le sort en est jeté.
Il lui faut maintenant trouver le meilleur restaurateur pour mener à bien cette tâche délicate. Pour cela, Aurélien part en Toscane où il va dénicher Gaetano, la perle rare, nous offrant par la même occasion une plongée éclairante dans ce milieu très fermé et les différentes techniques mises en oeuvre au fil du temps. L'occasion aussi de lever le voile sur le prologue du roman et sur Robert Picault, le restaurateur qui au XVIIIe siècle a révolutionné la restauration.
Cette seconde partie va nous mener jusqu'à la fin de cette restauration, une étape sous tension permanente qui va réserver son lot de surprises. Mais n'en disons rien, pas davantage que sur l'épilogue très réussi.
Soulignons en revanche combien ce roman construit comme un thriller sonde notre rapport à l'art et plus largement aux images en cette époque des réseaux, sans oublier de revenir sur les rocambolesques épisodes qui ont accompagné Monna Lisa au fil des siècles. Gageons que le défunt Gonzague Saint Bris serait fier de son neveu qui signe là une entrée en fanfare en littérature !



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Une friandise. C'est ainsi que je qualifie cette lecture. Pour un premier roman (déjà remarqué je crois) c'est une réussite .
C'est dans l'antre du Louvre que l'on rencontre le monde de la Culture, les conservateurs , le petit personnel ( Homéro , homme d'entretien qui valse avec son auto-laveuse entre les statues de marbre vaut le détour) en fait une petite ville qui s'aime (très peu) qui se déteste(beaucoup).
C'est dans cet univers feutré qu'une « agence de conseil de la culture » genre McKinsey suggère pour attirer plus de visiteurs dans le célèbre musée un évènement capital, par exemple restaurer « La Joconde » soit l'alléger de ses vernis vieillissants qui lui donnent une couleur verdâtre.
Aurélien , conservateur va prendre en charge( à reculons) avec des pincettes la mise en oeuvre de cet événement qui se veut planétaire et lucratif.
C'est un ancien professeur d'Aurélien et restaurateur , Gaetano, un flamboyant florentin qui sera chargé de la tâche plus que délicate .
L'occasion pour l'auteur de nous faire partager quelques moments délicieux : les discussions sans fin des « sachants », les pour, les contre, les media, les sueurs froides des responsables, l'intervention de la ministre de la culture(l'oeil vif, des vêtements très colorés, fine politique vous voyez?) Bref, un suspense s'installe…
Passionné de peinture ou non, on ne peut que se réjouir d'apprendre les dessous , les secrets des oeuvres d'art. Passionnant. La fin plutôt prévisible certes ne gâche pas la subtilité de l'écriture, la critique voilée ou plutôt des constatations pas toujours amènes sur le monde de l'Art actuel et des cabinets de conseil. Un bonheur de lecture.
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Paul Saint Bris nous immerge dans le Musée du Louvre, rappelle la mission des conservateurs : «  prendre soins des oeuvres ». Mais Aurélien, «  gardien de mémoire » est confronté à un dilemme : restaurer ou non Mona Lisa, projet ajourné par le précédent président-directeur. Selon lui, l'idée s'avère dangereuse. N'est-ce -pas sacrilège de vouloir alléger les vernis ? On suit les initiatives de Daphné, directrice des relations extérieures dynamique qui veut booster la fréquentation du lieu. Sa demande d'audit va-t-elle déboucher sur des mesures innovantes ?
L'auteur soulève le questionnement des responsables : deux écoles s'opposent quant à la restauration d'oeuvres d'art. Chacune avec ses propres arguments. Suspense pour le lecteur. Que veulent-ils faire subir « à Monna Lisa » ? « une régénération » ?
Lors d'une réunion pour statuer enfin sur le sort de la Joconde, patrimoine inestimable, deux clans vont s'affronter, déclenchant les hostilités. Des passionnés aussi bruyants que ceux de l'Assemblée Nationale ! Dans cette cacophonie, Aurélien, le conservateur, propose un vote à main levée ! Les jeux sont faits.

On suit le parcours d'Aurélien, ses conquêtes amoureuses de jeunesse, sa rencontre avec Claire, son épouse (famille recomposée), l'influence de la mère sur les goûts du fils. Paul Saint Bris se fait portraitiste hors pair et livre une impressionnante galerie de protagonistes avec moult détails sur leur physique, leur tenue vestimentaire.
Ainsi il pointe le fossé de génération entre le conservateur et Zoé ( la fille de Claire), qui le trouve ringard. L'un parle de ses cahiers d'images, Zoé de Tik Tok, de Tumblr...

Le chapitre qui met en valeur la beauté, le besoin de passer un moment en tête-à-tête avec un tableau, n'est pas sans faire penser au roman de David Foenkinos : Vers la beauté.

L'auteur rend compte de divers métiers : de ceux chargés de restauration ,déclinant un vocabulaire de professionnel, toutefois accessible, concernant les techniques.
Il évoque aussi les métiers subalternes, relatifs à l'entretien, cependant de première ligne. C'est alors qu'entre en scène Homéro qui déploie un ballet sublime, une chorégraphie inventive avec son autolaveuse. Les enregistrements visionnés fascinent et affolent , donnent des frissons, quand les oeuvres sont frôlées, pour ceux garants du patrimoine comme Hélène. Ces passages cocasses apportent du piment! de plus ils dévoilent la naissance d'une idylle. Liaison dangereuse !

Dans ce récit foisonnant, le narrateur rappelle les réactions qui ont fait polémiques lors de l'installation des colonnes de Burren ou de la pyramide de Pei.
Beaucoup de digressions où sont abordés l'amour, la beauté, le temps qui passe, le wokisme, « la cancel culture »… le narrateur soulève également la question de la restitution des oeuvres, comme,par exemple, les marbres du Parthénon. Et pourquoi pas "la dame florentine"?
Il pointe la folie qui s'empare désormais des touristes à partager sur les réseaux sociaux leurs selfies lors de leurs visites. Au lieu de savourer un tête-à-tête avec la pièce contemplée. Il décline avec finesse une satire des dérives de l'époque.

Si la pléthore de mots anglais ( nudge, cringe, male gaze...) peut insupporter, le récit plein de suspense emporte le lecteur, avide de connaître la destinée de la Joconde. D'autant plus que la quête du restaurateur idoine conduit Aurélien , « Aureliano », à Florence, capitale toscane, épicentre des arts ( madones célèbres).

L'auteur, qui de toute évidence connaît le milieu/l'univers artistique a réussi avec brio à nous faire consulter sur le net les maints tableaux cités. Il nous a, par ailleurs, donné envie de venir musarder et admirer les tableaux et statues du Louvre, après nous avoir fait déambuler dans les différentes parties (pavillon Mollien, aile Denon, hall Napoléon..). Mais ne rêvons pas, il y a peu de chance de croiser Homéro et son autolaveuse dans une de ses chorégraphies étourdissantes !
Paul Saint Bris signe un premier roman érudit, époustouflant, doté d'humour, qui nous immerge dans les coulisses du Louvre et offre en guise de dénuement un twist des plus surprenants. L'Italie en filigrane : «  Vers une promesse de joie ».



Pour info : Jacques Perry- Salkow a partagé cette anagramme pour le Magazine littéraire : « L'allégement des vernis /L'alignement des lèvres » et on sourit !

Par ailleurs, le sort de la Joconde, entre les mains de l'écrivain, convoque celui que Serge Joncour lui avait réservé dans un sketch de l'émission des Papous !
Emission des Papous dans la tête sur France Culture du 2 décembre 2017 : Mauvais genre : La lettre de détestation de Mona Lisa par Violaine Schwartz et la réponse de Léonard de Vinci, alias Serge Joncour.
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Emily Brontë

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Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

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