Citations sur Comme un moineau (21)
On dit que l’amour est aveugle. Je le vois plutôt comme un charlatan nous poussant à observer le monde à travers un voile perfide, qui édulcore et embellit. La réalité se révèle trop laide pour être regardée sans filtre. Cela nous arrange bien au bout du compte.
Le bus sent cette odeur indéfinissable, mélange de peaux mal ou rarement lavées, de fringues de mauvaise qualité supportant mal l'humidité, la puanteur de trop de monde entassé dans un petit espace. La femme à côté de moi sent les épices, une promesse de lendemains ensoleillés, de déjeuners languissants, les paupières lourdes. Elle évoque la poussière des chemins, l'été, quand une saine transpiration trace des rigoles sur les visages hilares des gosses.
J’ai été l’enfant idéale qu’elle exigeait : la perfection silencieuse et invisible, ne l’importunant jamais. Je me suis appliquée à devenir aussi insignifiante qu’un grain de poussière sous un meuble.
Une ressemblance frappante existait entre eux deux. Elle représentait la lumière et lui l’ombre. Toujours rieuse, elle me semblait frôler les soixante ans, en paraissait aisément quinze de moins, grâce à ses rondeurs qui lui conservaient une peau lisse.
Oui, je comprenais. Leïla allait devenir une esclave sexuelle, pour mieux asseoir l’autorité de Ben, et pour limiter au maximum les risques de viols aléatoires de filles qu’il considérait comme innocentes. Que Leïla ne se soit rendue coupable que de choisir sa vie comme un homme, et d’avoir vexé la mauvaise personne, n’avait somme toute que peu d’importance dans la pensée de Ben. Le sacrifice d’une pour le bien de toutes.
On est en guerre, gamine, en guerre pour garder la ville. Et pour étendre le territoire. Il faut des distractions pour les soldats en guerre. Tu n’as qu’à voir ça comme un dommage collatéral ! rigola-t-il. Aux infos, pour tous les conflits, ils n’ont que ces mots-là à la bouche, dommage collatéral par-ci, dommage collatéral par-là.
Ici, c’est la vraie vie et elle ne ressemble pas à ça. Pas de charmants cottages, pas de clubs de lecture. Mais tu as un sacré culot, je dois le reconnaître. Je n’aurais pas cru ça de toi, à te voir raser les murs.
Ne conçois pas le monde que par le petit bout de ta propre lorgnette, jeune fille ! Pour toi, lire c’est emprunter, parce que tu n’as pas d’argent. Mais il y a des tas de gens de par le monde qui dévorent des tas de livres, sans jamais mettre les pieds dans une bibliothèque.
Mme Pouchol appartenait à la vieille école et prenait très au sérieux la loi informatique et liberté. Si elle me surprenait à effectuer cette recherche, nul doute que c’en serait fini de notre camaraderie, au moins pour un temps.
Que ce soit dans les ouvrages que je lisais, ou dans ceux que je manipulais pour Charlotte, j’avais souvent remarqué qu’un lecteur ou une lectrice avait pour habitude de griffonner une marque au crayon à divers endroits des livres, une sorte de dièse auquel s’accrochait un demi-cercle. Au début, cela m’avait juste agacée, le signe attirait mon œil pendant ma lecture. Et puis, au fil du temps, j’avais fini par être intriguée.
De qui pouvait-il s’agir ? Quelle était la signification de cette marque ? Peut-être un moyen de souligner un passage important, auquel revenir facilement.