L'homme est déterminé à vivre. Il lutte et ne survit qu'à travers l'espoir tel Guillaumet déclaré perdu dans les Andes, tel Saint-Ex lui même échoué dans le désert parcourant les kilomètres de vide.
Quand l'homme n'use pas de son énergie phénoménale à survivre que fait-il? Il entre en lutte, pour les autres, contre les autres... ou bien il la laisse s'endormir tout en laissant ses rêves à autrui.
Difficile de résumer une oeuvre si foisonnante, j'en sors un peu abasourdi et aussi émerveillé par ce regard sans jugement et optimiste malgré tout porté sur les Hommes.
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Ça aurait pu s'intituler Pensées et elles sont effectivement pertinentes. Saint-Exupéry a clairement beaucoup réfléchi à la condition humaine (la solitude des vols et des missions l'y prédisposait peut-être) et je reconnais que son écriture a une dimension poétique séduisante. Ce livre m'a paru annoncer le petit prince. Tout y est… ou presque. le petit prince, à mon avis, touche au génie universel. Terre des hommes, en comparaison, m'a paru fade. Je m'y suis un peu ennuyée comme je m'ennuierais sans doute à lire les pensées de Pascal…
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Dans cet ouvrage, L'auteur rend un hommage vibrant à Guillaumet et Mermoz pour leurs exploits Aéronautiques et à tous les acteurs de cette période de l'aérospatiale où des aventures humaines incroyables ont marqué l'histoire. Il y développe sa conception de la vie, de l'humanité et de la planète avec un lyrisme et une poésie remarquables.
L'épisode de son atterrissage involontaire dans le désert et sa lutte pour sa survie et celle de son compagnon, d'un grande intensité dramatique similaire à celle de Guillaumet dans les Andes confirme leur courage, mais aussi les risques d'un engagement indéfectible.
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Il était plus que temps de réparer une aberration de mon profil de lectrice : celle de considérer Saint-Exupéry comme un des auteurs que j'apprécie le plus tout en n'ayant lu de lui que des citations et le Petit Prince (et j'étais ado !). Le challenge "Des classiques contre l'illettrisme" organisé par Gwen21 m'a donné le petit coup de pouce nécessaire pour réparer cette lacune d'autant plus impardonnable que je n'ai eu qu'à tendre la main pour repêcher un vieil exemplaire jauni et gondolé de Terre des hommes dans ma bibliothèque. Jauni et gondolé, peut-être, mais, au moins, il n'était pas défiguré par la hideuse couverture que Folio a eu la malencontreuse idée de choisir pour l'édition actuelle.
Résumer Terre des hommes est presque impossible car il ne s'agit pas d'un roman ni même d'un récit autobiographique suivant un déroulement logique. Du moins, la logique du texte ne saute pas aux yeux. Saint-Exupéry rapporte dans ce livre des souvenirs de sa carrière de pilote de l'Aéropostale, entrelacés de réflexions poético-philosophiques sur le monde dans lequel nous vivons et sur ceux qui y vivent avec nous. Les souvenirs peuvent paraître décousus et font souvent référence à des périodes de l'histoire du 20e siècle que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître.
Au début, on se sent fasciné par cet univers des "merveilleux fous volants" qui livraient du courrier au péril de leurs vies et ont signé quelques-unes de nos plus belles épopées modernes (Mermoz, Guillaumet). Puis, peu à peu, au fil des souvenirs qu'il égrène, Saint-Exupéry développe sa réflexion sur la terre et sur les hommes. En s'élevant au-dessus du plancher des vaches, il a découvert un autre visage à notre planète, visage aride fait d'immensités de déserts, de mers, de montagnes où un crash peut vous enterrer vivant, à des centaines de kilomètres du plus proche habitat humain. C'est évident quand on le lit mais il fallait bien la plume d'un aviateur pour nous en faire prendre conscience.
"L'avion est une machine sans doute, mais quel instrument d'analyse ! Cet instrument nous a fait découvrir le vrai visage de la terre. Les routes, en effet, durant des siècles, nous ont trompés. […] Elles évitent les terres stériles, les rocs, les sables, elles épousent les besoins de l'homme et vont de fontaine en fontaine. […] Cette planète nous l'avons crue humide et tendre. […] Affranchis désormais des servitudes bien-aimées, délivrés du besoin des fontaines, nous mettons le cap sur nos buts lointains. Alors seulement, du haut de nos trajectoires rectilignes, nous découvrons le soubassement essentiel, l'assise de rocs, de sable, et de sel, où la vie, quelquefois, comme un peu de mousse au creux des ruines, ici et là se hasarde à fleurir."
Ses expériences ont aussi permis à Saint-Ex d'étudier les hommes, ce qui les met en mouvement et ce qui les relie, du soldat espagnol au bédouin. J'ai beaucoup aimé la vision de l'homme qu'il déploie progressivement : il montre le courage, la camaraderie, la rage de survivre plus forte même que celle des bêtes, la dignité... Pourtant, il m'a surprise, dans le chapitre 8 justement intitulé "Les hommes" en déclarant : "Tout au long de ce livre j'ai cité quelques-uns de ceux qui ont obéi, semble-t-il, à une vocation souveraine, qui ont choisi le désert ou la ligne, comme d'autres eussent choisi le monastère ; mais j'ai trahi mon but si j'ai paru vous engager à admirer d'abord les hommes. Ce qui est admirable d'abord, c'est le terrain qui les a fondés." C'est ce qui explique, surement, le titre Terre des hommes. Saint-Ex parle des hommes, bien sûr, mais il cherche surtout à comprendre ce qui les fait grands ou misérables.
"Que savons-nous, sinon qu'il est des conditions inconnues qui nous fertilisent ? Où loge la vérité de l'homme ?
La vérité, ce n'est point ce qui se démontre. Si dans ce terrain, et non dans un autre, les orangers développent de solides racines et se chargent de fruits, ce terrain-là c'est la vérité des orangers. Si cette religion, si cette culture, si cette échelle des valeurs, si cette forme d'activité et non telles autres, favorisent dans l'homme cette plénitude, délivrent en lui un grand seigneur qui s'ignorait, c'est que cette échelle des valeurs, cette culture, cette forme d'activité, sont la vérité de l'homme."
En le lisant, je me faisais la réflexion qu'il y a peu d'auteurs, parmi ceux qu'on étudie à l'école ou qui forment le gotha littéraire actuel qui présentent une vision positive de l'homme. La plupart du temps, ils montrent l'homme comme faible, mesquin, lâche, corrompu… Alors qu'on est habitués à voir, le plus souvent, la face sombre de l'humanité, Saint-Ex nous montre la face éclairée. C'est peut-être pour cela qu'il est si peu étudié…
Le lire, c'est réparer cette injustice mais c'est aussi passer un agréable moment de lecture, sentir notre esprit et notre coeur se dilater sous l'effet de ces paroles pleines de sagesse et de profondeur, servies avec une plume simple et élégante. Terre des hommes est un livre qui mérite d'être lu plusieurs fois : une fois pour le découvrir et toutes les autres pour saisir pleinement la pensée de Saint-Exupéry. En tous cas, c'est un livre qui fait du bien à l'âme.
Challenge solidaire "Des classiques contre l'illettrisme" 2019
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