Départ vers le Venezuela, à la rencontre d'Adelaida, trente-huit ans et narratrice de ce roman, que nous découvrons au moment où elle enterre sa maman, qui porte le même prénom et vient de décéder d'un cancer, en terminant ses jours dans une clinique dépourvue de tout, comme pratiquement tous les établissements hospitaliers de Caracas. En peu de temps, nous sommes confrontés à ce qui fait son quotidien : milices privées qui allient violence, détournement de denrées alimentaires et expulsions de logements, emprisonnements, visions d'horreur… Adelaida a des choix à poser si elle veut survivre…
Il y aurait tant à dire par rapport à ce livre marquant par son fond et que j'ai trouvé vraiment très bien écrit (et traduit). L'histoire se situe sur un fil entre réalité et dystopie. Sans que les périodes soient clairement mentionnées, on peut y reconnaître la situation que des années de régime de Chavez, d'abord, puis de Maduro, ensuite (et principalement) ont entraînée. Misère, violence, insécurité, pénuries, dévaluation extrême de l'argent, instauration de milices privées, musellement de la presse… Tout ceci existe bel et bien, et
Karina Sainz Borgo, si elle pousse peut-être encore la situation un peu plus à l'extrême, nous décrit de manière froide le quotidien des habitants de la capitale vénézuélienne.
Le personnage d'Adelaida, je l'ai trouvé également extrêmement crédible : confrontée comme elle l'est à plusieurs deuils en même temps : le deuil physique de sa mère, le deuil de son logement, le deuil de son identité, le deuil du Venezuela, de sa vie qui fut et ne sera plus… elle est clairement en mode survie, et force l'admiration par son opiniâtreté. On pourrait peut-être reprocher au hasard de faire un peu trop bien les choses par moments (je pense particulièrement à une scène un peu improbable)… peut-être… mais d'expérience personnelle, il s'avère que c'est parfois le cas, donc on pardonnera à l'auteure, dont c'est le premier roman, ces petits arrangements – qui permettent par ailleurs de nous apprendre d'autres choses relatives à qui se passe dans son pays.
En résumé, une lecture percutante, un coup au/de coeur, et une fenêtre très sombre sur le Venezuela, qui remet une fois de plus bien des choses en perspective…