Un dyptique horrifique et terrifiant
Attention : certaines planches peuvent être qualifiées de franchement dégueu et bien sanguinolantes. Dans Croquemitaines, les monstres, petites soeurs (ces pensées noires qui émanent des humains et dont les croquemitaines se nourrissent) et autres bestioles font définitivement frémir. Les croquemitaines ne sont pas en reste : aussi classes (oui, classes, terriblement classes) qu'oppressants, ils sont tout bonnement de vrais cauchemars : cruels, violents, brutaux, sans coeur, avides, sadiques... Tout y est, de quoi hanter vos nuits.
Les couleurs choisies par Djet subliment l'horreur du scénario : rouge, gris, bleu sale, vert malade, rouge encore, rouge, du rouge partout... Mais surtout des ombres, du noir ici et là, si bien qu'on ne sait jamais vraiment s'il fait jour ou nuit dans ce cauchemar sans fin.
Accepter la peur et apprendre le deuil
Elliott, traumatisé par l'assassinat de ses parents et terrifié à l'idée de lâcher-prise à sa douleur, va plonger dans une course poursuite macabre aux côtés du Père-la-Mort, dernier des anciens êtres, terrassés par la horde de croquemitaines dissidents : une bande d'assassins sans coeur, comme Père-la-Mort autre fois. de cette course désespérée, Elliott va apprendre l'injustice, la peine profonde et les pleurs, il va courir, paradoxalement protégé par ses cauchemars, courir vers la vie, qui continue malgré tout.
Chacun pourra trouver un message plus personnel en ce qui concerne la part de ténèbres que nous portons tous au fond de nous. Chacun pourra interpréter à sa manière l'existence de ces fameuses petites soeurs et la capacité que l'on peut avoir à donner une forme réelle à nos peurs les plus profondes.
Au-delà du récit d'Elliott, c'est une belle proposition sur la peur que nous font les auteurs, j'ai adoré.
Une mythologie dense et moderne
Si le récent se concentre essentiellement sur la course poursuite d'Elliott accompagné du Père-la-Mort et de son chien-cauchemar qui le protègent mystérieusement, chaque nouveau défi/combat/affrontement nous en apprendre davantage sur la mythologie complexe mise en place par les auteurs autour de cette créature folklorique. Les croquemitaines ont tous une apparence extrêmement différente aux influences variées : la sorcière asiatique tout droit sortie d'un film d'horreur, le chapelier fou cauchemardesque, le gros lourdaud prêt à dézinguer du zombie... autant de références modernes, allez, disons-le franchement : aussi geeks que littéraires. le découpage est dynamique et ultra sportif : les combats sont rapides, saccadés, les détails exilés dans des petites cases superposées. Tout est fait pour que l'action prédomine. Mais l'univers est si riche qu'il s'implante dans notre lecture sans qu'on y fasse précisément attention. Bravo. J'adore quand une seconde lecture permet de se focaliser sur un tout autre aspect de la bande dessinée. C'est ce que j'ai fait avec Croquemitaines, afin d'en apprécier d'autant plus la mise en scène moderne et l'univers ultra riche.
L.a suite sur le blog ;)
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