Avec
La Malnata (2023), un premier roman prometteur publié simultanément dans près de trente pays,
Beatrice Salvioni (1995) signe un beau roman d'apprentissage dans lequel elle nous invite à suivre deux jeunes filles dans leur cheminement vers l'émancipation, avec en toile de fond le contexte de la guerre coloniale menée par l'Italie de Mussolini contre l'Abyssinie en 1935.
La Malnata est l'histoire d'une amitié improbable mais vraie entre deux jeunes filles que tout oppose. Bien que Francesca, la narratrice, soit issue de la bourgeoisie et Maddalena d'un milieu populaire et défavorisé, elles apprennent à se connaître, à s'aimer et à unir leurs forces pour défier les nombreuses normes imposées par une société moralisatrice et se révolter contre la violence des hommes.
Beatrice Salvioni évoque de façon très convaincante les nombreuses normes sociales, les superstitions et les croyances archaïques régissant le quotidien des habitants d'une petite ville du nord de l'Italie fasciste au milieu des années 1930. A cette époque, les femmes n'avaient pas leur mot à dire, les enfants apprenaient dès leur plus jeune âge à vénérer le Duce et un simple accident pouvait suffire à faire de quelqu'un une paria, une pestiférée, une sorcière infréquentable pour le restant de ses jours.
« On l'appelait
la Malnata et personne ne l'aimait. Prononcer son nom portait malheur. C'était une sorcière, une de celles qui vous collent sur le dos le souffle de la mort. Elle avait le démon dans la peau et il ne fallait pas lui parler. »
La Malnata, « la mal-née », c'est Maddalena, cette jeune fille de douze ans mise au ban de la société toute entière mais qui refuse de courber l'échine et dont le tempérament frondeur fascine Francesca qui, elle, est issue d'une famille aisée qui n'hésite pas à faire la courbette devant l'une des familles les plus estimées de la ville dans l'espoir d'obtenir quelques privilèges supplémentaires. Francesca étouffe dans ce monde bourgeois étriqué, hypocrite, moralisateur et conservateur, elle étouffe sous la bien-pensance et la rigueur de sa mère qui ne jure que par l'apparence et estime que sa fille n'a pas besoin d'être éduquée pour faire un bon mariage.
N'ayant jamais été autorisée à faire le moindre pas de travers, Francesca découvre à travers Maddalena un monde totalement inconnu.
« Dans le monde de
la Malnata, on faisait des concours de griffures de chat et pour apaiser la douleur on les léchait avec le sang. C'était un monde où il était interdit de jouer à faire semblant, et où on parlait aux garçons en les regardant dans les yeux. »
En évoluant dans ce nouveau monde, un monde bien plus joyeux et libre dans lequel « les paroles comptent », elle apprend progressivement à s'émanciper et à s'affranchir des contraintes et de l'hypocrisie familiale et sociale. Et puis, un jour, survient une tragédie.
Malgré un dénouement un peu trop vite expédié à mon goût,
La Malnata est un premier roman réussi porté par des personnages forts et un contexte socio-culturel et, dans une moindre mesure, historique convaincant. Une belle découverte et une autrice à suivre.
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