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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce célèbre texte n'est peut-être pas le meilleur ni le plus représentatif de l'art de George Sand. Il est cependant intéressant et s'inscrit dans la tradition du récit de voyage, genre adopté par de nombreux écrivains.
L'ouvrage "Un hiver à Majorque" est aussi une collection de genres littéraires en lui-même. On y trouve donc du journal de voyage descriptif des paysages et des actions des personnages, mais aussi de la géographie, de l'Histoire, de la politique, et aussi de la pure littérature gothique dans le chapitre 4 de la deuxième partie. Celui-ci m'a immédiatement rappelé "Les Nuits" d'Alfred de Musset, ce dialogue entre le poète et sa muse. On peut le lire séparément comme une nouvelle.
Les Majorquins en prennent pour leur grade, non sans un humour caustique sous la plume de l'auteur, comme l'ont souligné les contributeurs de Babelio.
C'est en tous cas un ouvrage d'une écriture "archi-romantique" (expression écrite par George Sand dans le livre) à bien des égards.
Bonne lecture !
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Coup de gueule d'autant plus percutant et jubilatoire qu'il est poussé avec l'intelligence d'un écrivain (elle parlait d'elle au masculin, Flaubert qui l'admirait l'appelait « cher Maitre », il est vrai que le féminin voudrait dire autre chose), d'une artiste, enfin d'une femme qui a déjà voyagé.( et les voyages à cette époque sont limites dangereux) Eh, oui, George Sand était allée en Espagne quand elle était petite, à Chamonix, à Venise avec Musset, et elle part passer un hiver au soleil avec Chopin. A Majorque.
De Chopin, il n'en sera pas question, à part « le malade », « l'un d'entre nous était malade», « quelqu'un dans ma famille était dangereusement malade » ou pire « l'autre » ou pire encore, combien a coûté le pianino de Pleyel en droits de douane. En fait, l'autre est malade, les Majorquins veulent éviter la contagion, les médecins lui prédisent la phtisie et une mort prochaine, et George (sans s) se voit transformée en infirmière. Peut être a t elle donné cette image pour contredire sa renommée de femme fatale, peut être, ce que je crois, en a t elle eu par dessus la tête d'un amant faiblard, geignant, à charge , d'autant qu'elle veut écrire, même si , de ça non plus, elle ne parle pas, ou plutôt, nous dit qu'elle n'en parlera pas, c'est différent .

Mais l'essentiel est ailleurs : C'est qu'elle a pour but un livre de voyages, elle s'est donc documenté, a beaucoup lu, et fait état de ces notes.
Pourquoi voyagez vous demande- t- elle au lecteur ? Saluons au passage le procédé littéraire inventif, et la réponse (notre réponse qu'elle imagine)qui ne l'est pas moins : « nous voyageons, ou plutôt nous fuyons, car il ne s'agit pas tant de voyager que de partir, entendez vous ? Quel est celui qui n'a pas quelque douleur à distraire ou quelque joug à secouer ? Aucun. »
Et puisqu'elle pose la question, je dirai que c'est pour découvrir d'autres façons de vivre et des merveilles d'autres pays. Que répondrais tu, George ?

Ceci posé, George Sand décrit l'accueil que les Majorquins leur ont fait, à elle, à l'autre et aux deux enfants. Déplorable.
D'abord, le pain est détestable alors qu'il y a beaucoup de blé.
Le mythe du bon sauvage ne résiste pas à l'épreuve de la réalité. « Il n'y a rien de si triste ni de si pauvre au monde que ce paysan qui ne sait que prier, chanter, travailler, et qui ne pense jamais. »
Le voilà, le coup de gueule : l'ineptie, l'imbécilité, dit Sand, des Majorquins. Et leur paresse. Grâce aux traditions arabes, ils pourraient avoir de la bonne huile d'olive, mais non, elle est « rance et nauséeuse ».
Ils sont avides et menteurs, voleurs et méchants.
Pourquoi ? parce qu'ils sont pauvres.
Pourquoi ? parce qu'ils sont exploités
Pourquoi supportent ils ? parce que la religion les maintient en état d'infantilisme
Pourquoi prient ils ? parce qu'ils sont superstitieux et moutonniers. Lorsque les couvents de moins de 12 moines pouvaient être, par la loi Mendizabal, détruits, cette destruction se fit avec « une impulsion mystérieuse et soudaine, un mélange de courage et d'effroi, de fureur et de remords.»Mais n'a pas éteint une foi illettrée et fanatique.
Pour elle à qui la grand mère a inculqué la philosophie des Lumières, et future adepte des idées socialistes, découvrir cette pauvreté de pensée et cet asservissement consenti est inimaginable. L'humanité n'a pas connu partout la même évolution, et ils grandiront, dit elle ; même si pour l'instant ils sont inhumains, ils changeront.

Et puis les aristocrates par vanité entretiennent sans les payer à peine, une suite de serviteurs « sales fainéants des deux sexes », qui végètent et s'incrustent, privant ainsi le pays de main d'oeuvre utile, et s'habituant à ne rien faire.

Ne jamais montrer un peu de désagrément devant un espagnol, dit elle. Tous vous diront : « cette maison est la tienne », mais gardez vous bien d'accepter, fût-ce une épingle, car ce serait une indiscrétion grossière. » Bien sûr, l'intérieur des maisons est tellement pauvre, les constructions sommaires car « ils ne vont pas vite et manquent d'outils et de matériaux. le Majorquin ne se presse pas. La vie est si longue ! »
Un autre tic en parole est, devant chaque problème, d'émettre « Mucha calma », gardes ton calme.
Les Majorquins jamais non plus ne reconnaissent les inclémences accidentelles mais sérieuses de leur climat, vent, pluies ou froid, par illusion ou par fanfaronnade.
Curieusement, ces trois traits du caractère hispanique sont toujours vrais de nos jours, merci George. No te preocupes.

George Sand est prête à entendre qu'on lui dise le contraire. Elle aimerait se tromper. Et d'ailleurs, pourquoi un récit de voyage devrait il être idyllique, au mépris de la vérité ?

Heureusement, il y a les paysages somptueux. Dignes d'un artiste. Et elle convoque, autre procédé littéraire inventif, Théodore Rousseau, Corot, et son cher Eugène, qu'elle connaît depuis longtemps en leur décrivant les paysages qu'ils pourraient peindre. Elle se fait chef d'orchestre sublime et imaginaire de ces beautés colorées qu'ils devraient interpréter. C'est en grande artiste qu'elle met en scène les oliviers dont on a du mal à se souvenir que ce sont des arbres, et non des monstres fantastiques, dragons énormes, reptiles noueux, tordu, bossu. Et elle conclut que la splendeur du paysage, les pierres, le ciel pur, la mer azurée, les arbres les fleurs et les montagnes ne suffisent pas à l'homme qui a besoin de ses semblables.
Bien sûr elle a écrit non pas pendant que l'autre composait ses Préludes, mais deux ans après, n'importe : ce chef d'oeuvre non seulement d'écriture mais aussi de pensée, avec une musicalité qui se déroule, un rythme pianoté et des mots choisis, développe et amplifie la splendeur des paysages de Majorque, et aussi l'analyse d'une société pas encore arrivée à l'âge adulte.

Les citations parleront mieux que moi. Chaque page est remplie de ces morceaux et malheureusement je ne peux tout citer de ces phrases tellement harmonieuses, une langue cadencée, une réflexion tellement fine que je te demande pardon, ma George, ta pensée m'a tellement plu et je me vois incapable de l'expliquer vraiment. Ainsi que tu le dis si bien, néant des mots.
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Edition Cort de 2008, avec de belles illustrations dont de nombreux dessins de Maurice Sand

Photographie de 1ère page de couverture : portrait à l'huile d'Auguste Charpentier
Musée Frédéric Chopin-George Sand à la Chartreuse de Valldemossa, Majorque île des Baléares

Il est intéressant de lire, à notre époque où le tourisme explose, cette sorte de premier guide de voyage de Majorque, écrit de la belle plume de notre chère George.
Pour ma part j'ai eu la chance de le lire dans l'avion, de retour de cette belle île de Majorque et après avoir visité le musée et la Chartreuse de Valdemossa, sur les pas même des deux amants et des enfants de Georges, Solange et Maurice, âgés alors de 10 et 14 ans.

On est en 1838 et les voyages constituent une mode très récente, quelques dizaines d'années tout au plus. On se lance dans les voyages à cette époque quand on a les moyens et beaucoup de temps libre car on part pour plusieurs mois (pas d'agence de voyage, ni de guide du routard, ni de vol charter, ni même de trains qui ne seront mis en place qu'entre 1830 et 1860...). On voyage en diligence et en bateau. Les dangers sont nombreux et l'accueil inexistant si on n'a pas de connaissances sur place. A lire ce livre on comprend vite la différence entre voyage et tourisme ! Pas de confort ici, seulement le choc qui sera rude entre une culture et une autre. Est-ce que George Sand et son nouvel amant, Frédéric Chopin, y sont préparés ? Non, visiblement pas...
« Il ne s'agit pas tant de voyager que de partir : quel est celui de nous qui n'a pas quelque douleur à distraire ou quelque joug à secouer ? ».
Au final, George Sand évoque ce voyage avec amertume car l'accueil majorquin a été glacial, dans tous les sens du terme. Elle relate dans son récit paru en 1842 : « Cette relation, déjà écrite depuis un an, m'a valu de la part des habitants de Majorque une diatribe des plus fulminantes et des plus comiques » et aussi, s'adressant à son ami François Rollinat : « Je t'en fais donc grâce, et me bornerai à te dire, pour compléter les détails que je te dois sur cette naïve population majorquine, qu'après avoir lu ma relation, les plus habiles avocats de Palma, au nombre de quarante, m'a-t-on-dit, se réunirent pour composer à frais communs, d'imagination un terrible factum contre l'écrivain immoral qui s'était permis de rire de leur amour pour le gain et de leur sollicitude pour l'éducation du porc. »

Frédéric Chopin est venu pour la première fois à Nohant au printemps 1838. Un peu plus d'un après, George propose un voyage à Majorque pour profiter du climat favorable pour Maurice son fils à la santé fragile et pour Chopin qui tousse beaucoup... C'est aussi une façon de s'éloigner de Paris afin de profiter d'une escapade amoureuse. le voyage dure du 1er novembre au 22 février 1839.
Ils vont trouver une maison à Palma, au nom prémonitoire « Son vent », mais la toux de Chopin inquiète les Majorquins qui redoutent la contagion et les voyageurs vont devoir déménager. Ils se réfugient à la Chartreuse de Valdemossa, sans aucun confort et avec un approvisionnement en nourriture difficile. George Sand ne décolère pas, elle n'a pas de mots assez durs pour décrire ces majorquins, paresseux et fourbes... Est-ce le reflet des préjugés de l'époque ? Une volonté de revanche sur un voyage qui n'a pas tenu ses promesses ? Une amertume face à un séjour destiné à améliorer la santé de Chopin et qui l'a en fait aggravé (celui-ci mourra de tuberculose moins de 7 ans après la parution de ce récit) ? D'ailleurs elle ne voyagera plus beaucoup après ce séjour majorquin.

Les chemins impraticables ou inexistants et le climat pluvieux accablent les voyageurs malheureux : « Et pourtant vous arrivez quelquefois sain et sauf, grâce au peu de balancement de la voiture, à la solidité des jambes du cheval, et peut-être à l'incurie du cocher, qui le laisse faire, se croise les bras et fume tranquillement son cigare, tandis qu'une roue court sur la montagne et l'autre dans le ravin. »
Les descriptions rappellent la beauté et le mystère de la nature du Berry natal dans la « Mare au diable » ou « François le Champi » : « A Majorque, elle fleurit sous les baisers d'un ciel ardent, et sourit sous les coups des tièdes bourrasques qui la rasent en courant les mers. »

On partait donc à l'époque beaucoup moins souvent mais beaucoup plus longtemps. Cela s'est inversé totalement ! le dépaysement était total car les cultures étaient alors bien différentes, le nivellement culturel dû à la mondialisation économique n'était pas « en marche ». L'intensité du voyage était très forte, à opposer à l'organisation et à la sécurité offerte par les compagnies modernes qui proposent, moyennant finances, des séjours « clés en main ». Paris – Barcelone à cette époque c'est 15 jours de voiture à cheval, ensuite la traversée vers Majorque sur un bateau à vapeur en compagnie de cochons qui ont bien plus de valeur que ces touristes encombrants...

Ce récit montre une fois de plus la modernité, la liberté, la soif d'expériences de George Sand, elle qui a tant aimé voyager (Chamonix, Venise avec Alfred de Musset, Majorque pour ne citer que les principaux). Elle fait preuve d'une intolérance étonnante dans ce récit, dont j'ai tenté d'expliquer la cause. Elle n'en reste pas moins une femme incroyable et extraordinaire du 19ème siècle et un pilier de notre patrimoine culturel !
Pour voir d'autres articles de mes livres "essentiels" abonnez-vous à mon blog sur "Bibliofeel" ou "clesbibliofeel". le plein de belles et bonnes lectures !
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Et la morale de cette narration, puérile peut-être, mais sincère, c'est que l'homme n'est pas fait pour vivre avec des arbres, avec des pierres, avec le ciel pur, avec la mer azurée, avec les fleurs et les montagnes, mais bien avec les hommes ses semblables.
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On s'incline bas devant un tel plaidoyer pour une île « Majorque » où les mots si superbement classiques de George Sand invitent le lecteur à fouler cette île. Ecrit en 1841, ce récit réaliste, véritable guide de voyage devrait être dans chaque bagage pour le voyageur visitant cette contée étonnamment poétique. On rêve de voir le château de Belver, ancienne résidence des rois de Majorque. On se prend d'amitié avec les Majorquins.
Recueil d'Histoire, de géographie, de sociologie, de littérature perfectionniste, « Un hiver à Majorque » où le palais de l'Ayuntamiento incite le lecteur à lire la grâce et l'architecture, puis goûter les oranges fabuleuses ; le mimétisme est tel qu'il referme le livre en plein bovarysme ensoleillé. Heureux comme un Majorquin
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On s'incline bas devant un tel plaidoyer pour une île « Majorque » où les mots si superbement classiques de George Sand invitent le lecteur à fouler cette île. Ecrit en 1841, ce récit réaliste, véritable guide de voyage devrait être dans chaque bagage pour le voyageur visitant cette contée étonnamment poétique. On rêve de voir le château de Belver, ancienne résidence des rois de Majorque. On se prend d'amitié avec les Majorquins.
Recueil d'Histoire, de géographie, de sociologie, de littérature perfectionniste, « Un hiver à Majorque » où le palais de l'Ayuntamiento incite le lecteur à lire la grâce et l'architecture, puis goûter les oranges fabuleuses ; le mimétisme est tel qu'il referme le livre en plein bovarysme ensoleillé. Heureux comme un Majorquin
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