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Critique de Tachan


Brandon Sanderson a toujours été un auteur prolifique mais pendant le confinement, il a explosé tous les records en écrivant en secret 4 romans ! Et quand on le connaît, on sait que ce ne sont pas de petits objets. Autre record : quand il a décidé ensuite de les proposer en financement participatif sur Kickstarter, il a récolté près de 42 millions de dollars ! Il est désormais tant pour moi de découvrir ces romans.

Prévu pour sortir conjointement chez nous et aux Etats-Unis en même temps au rythme d'un par trimestre cette année, Tress de la mer Émeraude est le tout premier (à l'heure actuelle, trois sont déjà sortis : celui-ci, Manuel de Survie du Sorcier Frugal dans l'Angleterre médiévale et Yumi et le peintre de cauchemars). Bien que très différent de ce à quoi nous a habitué l'auteur, le texte s'inscrit dans son vaste univers : le Cosmere, et surtout l'éditeur a mis les petits plats dans les grands avec une très belle mais onéreuse édition reliée en sus de la normale. C'est avec celle-ci qu'Audrey et moi avons décidé de découvrir ce nouvel univers Sandersonnien, le temps d'une journée de lecture riche en couleurs et échanges !

Premier point : nous avons toutes deux beaucoup aimé cet objet livre même si nous le trouvons un peu cher tout de même. le Livre de poche nous offre une belle édition reliée avec ce vert si à la mode en ce moment. L'ensemble est très joli. Composé en revanche de seulement une douzaine d'illustrations, je m'attendais à plus car en ouvrant l'ouvrage il était très beau dans son simili-"vieux livre", il ne manquait que le signet ! Je suis donc ravie d'avoir craqué pour cette version, cette fois et les prochaines ;) Je ferai juste remarqué que je trouve la version américaine encore plus belle !

Quant à l'histoire, je l'avais lu et je confirme, cela change radicalement des Sanderson que j'avais lus auparavant mais j'ai beaucoup aimé l'exercice. Contrairement à ce que j'avais vu passer, on n'est pas pour moi dans un ouvrage jeunesse, mais juste dans un hommage un peu fou fou au merveilleux et aux contes de fées, mais dans un ton et des intentions qui restent adultes, un peu comme quand Goldman revisite cet univers dans Princess Bride (auquel j'ai de suite pensé ayant revu le film il y a peu) ou quand Pratchett et Gaiman s'amusent avec de bons présages. Ce n'est donc pas parce que le ton est plus léger, plus humoristique et le worldbuilding moins fouillé que d'habitude que c'est à destination de la jeunesse, l'auteur le confirme au passage dans sa postface ;)

Aimant les revisites d'univers de contes, je me suis régalée ici. J'ai trouvé le ton plein d'entrain et ça m'a beaucoup amusée d'avoir un narrateur aussi drôle et farceur qu'Hoid, même si je ne le connaissais pas. J'ai senti dans l'ensemble du texte que l'auteur s'amusait beaucoup ici et du coup moi aussi je me suis amusée, car il a su parfaitement me le transmettre. J'avais l'impression de partir moi aussi à l'aventure aux côtés de son héroïne, de grandir avec elle, de découvrir avec elle cet étrange univers où les mers sont faites de spores inflammables. C'était hyper entraînant.

Pourtant le scénario et les personnages de départ sont tout ce que je n'aime pas. On est en plein dans de la romance bien guimauve, comme dans tout conte merveilleux qui se respecte, avec Tress et Charlie. Heureusement la suite surprend. L'auteur, comme Goldman dans Princess Bride ou Lyman Frank Baum dans le Magicien d'Oz, transporte son héros ou plutôt son héroïne ici dans un autre monde et lui confie de sacrées responsabilités au fil de sa quête et des aventures qu'elle va vivre, lui faisant faire aussi de singulières rencontres à bord du bateau pirate où elle va embarquer. Elle croisera ainsi une Capitaine parasitée par les spores, qui peut être effrayante parfois ; un docteur Zombie, qui rêve de prendre quelques bouts de son corps ; un quartier maître sourd, qui communique avec une drôle d'ardoise magique ; un narrateur amnésique sur qui on a lancé une malédiction l'empêchant de parler de ce qui lui est arrivé ; ou encore un rat qui parle, qui va devenir son compagnon privilégié. Elle est loin notre Tress qui collectionnait les tasses à thé au début de l'histoire.

Même si le scénario est totalement rocambolesque ou peut-être justement pour ça, je me suis délectée de la suivre à bord de ce vaisseau. Pourtant, j'ai aussi fustigé l'auteur qui préfère nous faire vivre à fond ces moments à bord plutôt que de faire progresser sa quête, et ce, pendant longtemps. Mais je dois reconnaître que c'était amusant et savoureux de la voir y faire sa place : jouer les fabricantes d'explosifs avec les spores, apprendre à diriger un bateau, y faire la cuisine, se lier avec les membres de l'équipage. Tress se métamorphose sous nos yeux et je préfère largement celle qu'elle devient à celle qu'elle a été, car c'est une jeune femme qui prend sa vie en main tout en conservant sa bonté naturelle, mais désormais elle a élargi ses horizons, cassant le mythe de la demoiselle en détresse pour devenir une aventurière.

Et c'est là tout le plaisir de ce texte. Sanderson joue avec les codes du merveilleux qu'il tricote et détricote à volonté ! Chaque personnage est surprenant et mériterait sa propre histoire comme me l'a dit Audrey. Chaque situation qu'on va juger classique au début se révèle bien plus riche grâce aux nombreux twists, souvent très drôles de l'auteur. En effet, celui-ci se sert en permanence de l'humour pour désamorcer chaque situation dans cette histoire. Alors c'est à double tranchant, soit on s'en amuse, soit on peste face à ce potentiel sous-exploité à cause de cette légèreté ambiante. A vous de choisir votre camp. Moi, je suis un peu entre les deux, appréciant l'humour mais frustrée de ne pas avoir eu plus sur bien des points car l'aventure est là par les rebondissements qu'on vit mais on sent un tel potentiel non exploité dans cet univers, riche en références au Cosmere aussi bien en SF que Fantasy. J'ai cependant beaucoup aimé croiser pirates, zombie, créature magique, dragon, serpent de mer et autre sorcière, le tout avec plein de références car en plus de celles citées, j'ai aussi eu l'impression de retrouver l'ambiance de la "fantasy à la papa" du couple Eddings, une fantasy à l'ancienne que j'ai beaucoup aimé quand j'ai débuté dans le genre.

Là où son plaisir fut moins le mien en revanche, c'est dans l'ensemble des clins d'oeil à ses autres oeuvres et ces easter eggs qu'il sème, que je n'ai pas compris. Je suis loin d'avoir lu et d'avoir envie de lire l'ensemble de son oeuvre. Alors c'est chouette pour les lecteurs fans de l'auteur de penser ainsi à eux, mais ç'aurait été bien de penser aux autres en ajoutant, par exemple en fin de tome, quelques explications concernant ces nombreux clins d'oeil appuyés, que même la nom lectrice que je suis, sent bien ^^!

Audrey et moi avons donc pris un vif plaisir à suivre les aventures initiatiques de la jeune Tress partie libérer son amoureux, telle une héroïne des temps anciens. C'était drôle, incisif, savoureux, raconté avec panache par un narrateur surprenant et truffé de petites surprises que nous réservait l'auteur qui interagissait directement avec nous grâce à cela, rendant la lecture explosive et amusante. Cependant, ce premier volume du projet Kickstarter de Sanderson est également une petite frustration face à la forme qui semble avoir parfois pris le pas sur le fond. L'auteur s'amuse, il casse les codes, joue avec et sa plume est savoureuse, mais l'univers prometteur qu'il nous met sous le nez est sous-exploité malgré la présence de ces mystérieux spores, qu'il nous promet de retrouver ailleurs, et de ces personnages hauts en couleur, qu'on aurait aimé voir plus développés. Je comprends parfaitement ses intentions, c'est pour lui une petite oeuvre amusante et sans prétention, mais étant habituée à plus de sa part, je ressens derrière un léger manque face à ce que ça aurait pu être, et ma comparse de lecture également.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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