... la haine est haine de tous les autres en un seul. Ce que je veux atteindre symboliquement en poursuivant la mort de tel autre, c'est le principe général de l'existence d'autrui. L'autre que je hais représente en fait les autres. Et mon projet de le supprimer est projet de supprimer autrui en général, c'est-à-dire de reconquérir ma liberté non-substantielle de pour-soi. Dans la haine, une compréhension est donnée de ce que ma dimension d'être-aliéné est un asservissement réel qui me vient par les autres. C’est la suppression de cet asservissement qui est projetée. C'est pourquoi la haine est un sentiment noir, c'est-à-dire un sentiment qui vise la suppression d'un autre et qui, en tant que projet, se projette consciemment contre la désapprobation des autres. La haine que l'autre porte à un autre, je la désapprouve, elle m'inquiète et je cherche à la supprimer parce que, bien que je ne sois pas explicitement visé par elle, je sais qu'elle me concerne et qu'elle se réalise en moi. Et elle vise à me détruire non en tant qu'elle chercherait à me supprimer, mais en tant qu'elle réclame principalement ma désapprobation pour pouvoir passer outre.
338 - [Tel n° 1, p. 462]
Tel rocher, qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer sera, au contraire, une aide précieuse si je veux l'escalader pour contempler le paysage.
Quels que soient les résultats que l'on puisse obtenir dans la solitude par la pratique religieuse de la honte, la honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un. Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement… Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m'a vu. Je réalise tout à coup la vulgarité de mon geste et j'ai honte… J'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui. Et par l'apparition même d'autrui, je suis en mesure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui.
La honte réalise donc une relation intime de moi avec
moi : j’ai découvert par la honte un aspect de mon
être ... .... Je pourrais ressentir de l’agacement, de
la colère en face d’elle, comme devant un mauvais
portrait de moi, qui me prête une laideur ou une
bassesse d’expression que je n’ai pas ; mais je ne
saurais être atteint jusqu’aux moelles : la honte est,
par nature, reconnaissance. Je reconnais que je suis
comme autrui me voit.
« Pas besoin de gril : l’enfer c’est les autres » .
« Nous ne sommes nous qu'aux yeux des autres et c'est à partir du regard des autres que nous nous assumons comme nous-mêmes. »
La liberté c'est l'être humain mettant son passé hors de jeu en sécrétant son propre néant.
« Qu’est ce qu’exister ?
Se boire sans soif » .
Il n'est pas un goût, un tic, un acte humain qui ne soit révélateur.
« Être libre, ce n’est pas pouvoir faire ce que l’on veut, mais c’est vouloir ce que l’on peut »