Citations sur Les chemins de la liberté, tome 1 : L'âge de raison (58)
Il a lâché son verre, il est debout, le regard fixe, il ne peut ni se mépriser ni s’oublier. Il voudrait être mort et il existe, il continue obstinément à se faire exister. Il voudrait être mort, il pense qu’il voudrait être mort, il pense qu’il pense qu’il voudrait être mort…
J'ai mené une vie édentée, pensa-t-il. Une vie édentée. Je n'ai jamais mordu, j'attendais, je me gardais pour plus tard - et je viens de m'apercevoir que je n'ai plus de dents. Que faire ? Briser la coquille ? C'est facile à dire. Et d'ailleurs! qu'est-ce qui resterait ? Une petite gomme visqueuse qui ramperait dans la poussière en laissant derrière elle une traînée brillante.
Il se fit une rapide petite déroute à travers le corps de Marcelle, on eût dit qu’il voulait se désassembler. Et puis ce début de dislocation fut arrêté net, le corps se tassa sur le bord du lit, immobile et pesant. Elle tourna la tête vers Daniel ; elle était cramoisie ; mais elle le regardait sans rancune, avec une stupeur désarmée. Daniel pensa : « Elle est désespérée »
Souffle, mais presse-toi. Demain tu seras trop vieux, tu auras tes petites habitudes, tu seras l'esclave de ta liberté. Et peut-être aussi que le monde sera trop vieux.
Je suis content de boire du champagne dit Boris parce que je n'aime pas çà. Il faut s'habituer
Sereno éclata de rire. Il avait un rire chaud et plaisant, et puis Boris le trouva sympathique parce qu'il ouvrait la bouche toute grande en riant
Tu vis en l'air, tu as tranché tes attaches bourgeoises, tu n'as aucun lien avec le prolétariat, tu flottes, tu es un abstrait, un absent.
Les enfants courent, les pigeons s'envolent. Courses, éclairs blancs, infimes débandades.
Il avait l'approbation de sa conscience, il se sentait justifié.
- Mais je n'ai pas eu de décision à prendre, dit Mathieu interdit. Nous avions toujours été d'accord sur ce qu'il faudrait faire en pareil cas.
- Oui. Mais est-ce que tu t'es inquiété de son opinion, avant-hier?
- Ma foi non, dit Mathieu. J'étais sûr qu'elle pensait comme moi.
- Oui, enfin tu ne lui as rien demandé. Quand aviez-vous envisagé pour la dernière fois cette... éventualité?
- Je ne sais pas, il y a deux ou trois ans.
- Deux ou trois ans. Et tu ne crois pas qu'elle a pu changer d'avis entre-temps?