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Citations sur Les mots (418)

Naturellement, tout le monde croyait, chez nous : par discrétion. Sept ou huit ans après le ministère Combes, l’incroyance déclarée gardait la violence et le débraillé de la passion ; un athée, c’était un original, un furieux qu’on n’invitait pas à dîner de peur qu’il ne « fît une sortie », un fanatique encombré de tabous qui se refusait le droit de s’agenouiller dans les églises, d’y marier ses filles et d’y pleurer délicieusement, qui s’imposait de prouver la vérité de sa doctrine par la pureté de ses mœurs, qui s’acharnait contre lui-même et contre son bonheur au point de s’ôter le moyen de mourir consolé, un maniaque de Dieu qui voyait partout Son absence et qui ne pouvait ouvrir la bouche sans prononcer Son nom, bref, un Monsieur qui avait des convictions religieuses. Le croyant n’en avait point : depuis deux mille ans les certitudes chrétiennes avaient eu le temps de faire leurs preuves, elles appartenaient à tous, on leur demandait de briller dans le regard d’un prêtre, dans le demi-jour d’une église et d’éclairer les âmes mais nul n’avait besoin de les reprendre à son compte ; c’était le patrimoine commun. La bonne Société croyait en Dieu pour ne pas parler de Lui. Comme la religion semblait tolérante ! Comme elle était commode : le chrétien pouvait déserter la Messe et marier religieusement ses enfants, sourire des « bondieuseries » de Saint-Sulpice et verser des larmes en écoutant la Marche Nuptiale de Lohengrin ; il n’était pas tenu ni de mener une vie exemplaire ni de mourir dans le désespoir, pas même de se faire crémer. Dans notre milieu, dans ma famille, la foi n’était qu’un nom d’apparat pour la douce liberté française ; on m’avait baptisé, comme tant d’autres, pour préserver mon indépendance : en me refusant le baptême, on eût craint de violenter mon âme ; catholique inscrit, j’étais libre, j’étais normal : « Plus tard, disait-on, il fera ce qu’il voudra. » On jugeait alors beaucoup plus difficile de gagner la foi que de la perdre.
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La pénombre me servait, je saisissais la règle de mon grand-père, c'était ma rapière, son coupe-papier, c'était ma dague ; je devenais sur le champ l'image plate ( 1 ) d'un mousquetaire.

NDL ( 1 ) : plate, car il a vu des mousquetaires sur écran, au cinéma.
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Corneille, c'était un gros rougeot, rugueux, au dos en cuir, qui sentait la colle. Ce personnage incommode et sévère, aux paroles difficiles, avait des angles qui me blessaient les cuisses quand je le transportais. Mais, à peine ouvert, il m'offrait ses gravures sombres et douces comme des confidences. Flaubert, c'était un petit entoilé, inodore, piqueté de tâches de son. Victor Hugo, le multiple, nichait sur tous les rayons à la fois.
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À la considérer du haut de ma tombe,
ma naissance m'apparut comme un mal nécessaire,
comme une incarnation tout à fait provisoire,
qui préparait ma transfiguration.
P 158
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J'étais rien : une transparence ineffaçable.
p 76
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Voyez plutôt : seul au milieu des adultes, j'étais un adulte en miniature, et j'avais des lectures adultes ; cela sonne faux, déjà, puisque, dans le même instant, je demeurais un enfant. Je ne prétends pas que je fusse coupable : c'était ainsi, voilà tout ; n'empêche que mes explorations et mes chasses faisaient partie de la Comédie familiale, qu'on s'en enchantait, que je le savais : oui, je le savais, chaque jour, un enfant merveilleux réveillait les grimoires que son grand-père ne lisait plus. Je vivais au-dessus de mon âge comme on vit au-dessus de ses moyens : avec zèle, avec fatigue, coûteusement, pour la montre.
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"J'étais un enfant, ce monstre que les adultes fabriquent avec leurs regrets"
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Longtemps j'ai pris ma plume pour une épée...
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Il y a plus de vingt ans, un soir qu’il traversait la place d’Italie, Giacometti fut renversé par une auto. Blessé, la jambe tordue, dans l’évanouissement lucide où il était tombé, il ressentit d’abord une espèce de joie « Enfin quelque chose m’arrive ! » […]
J’admire cette volonté de tout accueillir. Si l’on aime les surprises, il faut les aimer jusque-là, jusqu’à ces rares fulgurations qui révèlent aux amateurs que la terre n’est pas faite pour eux.
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Idolâtré par tous, débouté de chacun, j'étais un laissé-pour-compte et je n'avais, à sept ans, de recours qu'en moi qui n'existais pas encore, palais de glace désert où le siècle naissant mirait son ennui. Je naquis pour combler le grand besoin que j'avais de moi-même ; je n'avais connu jusqu'alors que les vanités d'un chien de salon ; acculé à l'orgueil, je devins l'Orgueilleux. Puisque personne ne me revendiquait sérieusement, j'élevais la prétention d'être indispensable à l'Univers.
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