L'Arabe du Futur, Tomes 1&2,
Riad Sattouf
De
Riad Sattouf, je ne connaissais que très peu de choses : les Beaux Gosses, que j'ai vu à sa sortie. Film dans la lignée de l'Esquive, qui m'avait intéressée pour la langue des ados, réinventée comme un vrai langage …
Evidemment, Persépolis n'est pas loin : le graphisme en est très proche.
A comme arabe, et A comme attachant :
Ce petit Riad, sorte d'élément surnaturel dans ce monde de brutes est bien attachant ! Et c'est une victoire tout de même cet énorme succès depuis la parution : il décrit pourtant des pans de vie qui n'ont a priori rien de spectaculaire !
Attachante, cette mère effacée, mais présente, qui parfois, ramène sa fraise… Attachant ce couple improbable, dont le petit Riad ne perçoit pas l'éloignement culturel, sans doute.
A comme agaçant(e)
Agaçante, la place de la mère de Riad. Qui est cette mère aux cheveux blonds filasses ? Une amoureuse transie ? Une intellectuelle épatée par son mari ? Une fille qui a redouté de rester vieille fille et a épousé le premier arabe venu ? Pourquoi n'essaie-t-elle pas d'apprendre à parler l'arabe ? Pourquoi reste-t-elle chez elle ? …
Agaçant aussi ce père obsédé de panarabisme, et d'une mauvaise foi toute … orientale (ou masculine ?!) !
A comme Ahurissant :
La vie en Lybie, en Syrie, si loin de la vie française. Ahurissant aussi la patience de la mère de Riad, qui déprime visiblement mais n'en dit mot…
Ahurissantes ces attitudes d'enfants, ces violences quotidiennes, verbales, physiques… Ahurissante, cette « culture » (?)…
A comme à plat
Les « à plat » colorés qui rehaussent ou personnalisent le graphisme noir et blanc. Trouvaille à la fois simple, minimaliste et géniale pour exprimer la douceur, la violence, le rêve …
Le trait graphique de cette autobiographie est en soi un moyen d'expression à part entière. C'est vraiment une belle oeuvre !
A comme anti ?
Cependant, au-delà de tout ce qui m'a plu, je me suis interrogée… Cette candeur du petit Riad, qui décrit ce qu'il voit avec les yeux innocents de l'enfant, cette distanciation à la fois de l'enfant – qui ne comprend pas tout-, de l'enfant français – qui ne comprend pas comment vivent les enfants syriens qu'il croise-, de l'enfant qui est aussi le fils de son père… et qui, à ce titre, a toute confiance en ce père aimé et admiré… Cette candeur, cette innocence ne tendent-elles pas, parfois, à enfoncer le clou du racisme, de l'intolérance, des idées préconçues ?
Aucune phrase, aucune bulle, aucune note ne viennent donner de la famille de Riad, des gens avec qui il a vécu là-bas une image plus noble. Faut-il en conclure que les Arabes, ça pue, c'est violent, c'est mesquin, c'est cruel ?
Je reste un peu sceptique sur la portée de cette BD, sur ce que les milliers de lecteurs en auront retenu. Est-ce que la France d'aujourd'hui a besoin qu'on pointe les « odeurs », les violences, l'apparente inculture des gens-qui-sont-pas-comme-nous ?
J'ai réservé pour ma liste au Père Noël le tome 3… J'espère qu'un peu de douceur, un peu de tendresse viendront « racheter » l'impression assez étrange qui m'est restée depuis que j'ai refermé la dernière page du tome 2. Mais après tout, peut-être que le tome 3 va venir expliciter le titre et que
l'Arabe du Futur, ce serait quelqu'un qu'on voudrait bien avoir comme voisin ? ….