Une croix sur l'enfance en Vendée

Un grand merci à Babelio et " Nouvelles sources " pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une masse critique privilégiée.
Difficile analyse pour ce qui est un document , un témoignage, dont je vais vous livrer un extrait situé en fin d'ouvrage ." Te voilà partie , ma petite maman sans le viatique de mes larmes d'adulte . Je t'ai laissée seule à mon tour , abandonnée sur les rives de ton Dieu qui m'ont arraché à ton soleil , qui nous ont poussés l'un contre l'autre .J'en veux à ces sbires qui m'ont fait un coeur de pain dur , une âme rassie. J'en veux à cette Église qui t'a mangée en premier avant de tenter de me dévorer à mon tour, qui t'a abusée au point de soudain méconnaître ton garçon, de ne pas sentir que tu allais faire son malheur , de ne pas avoir vu qu'il n'était en rien particulier , qu'il n'était que le petit Jeanjean chétif et plus ou moins souffreteux que tu avais jusque là couvé ".
Tout est là . le début des années soixante . Une famille de paysans vendéens courageux , aimants , intégres , souhaitant pour leurs enfants un avenir radieux qui pourrait aussi rejaillir sur eux dans un avenir ...céleste . L'Eglise. La promesse d'une ascension sociale . Une place enviée à l'église...quatrième ou cinquième rang , au plus , bien au delà de celui occupé dans la société , et le regard admiratif de gens bien pensants , ceux qui s'attardent sur le parvis de l'église à la fin de la messe . Tout ça pour le sacrifice d'un enfant . ..Pour un choix : le Séminaire, un atroce "bagne" où une chappe de plomb l' étouffe, le rend muet , le mutile dans les moindres recoins de son intimité , l' enfonce dans le mensonge " je vais très bien, ne vous inquiétez pas" , l' oblige à distiller ses propos avec prudence , tout message étant copieusement contrôlé et ...censuré.
C'est avec cet enfer que l'auteur régle ses comptes , avec ces hommes hypocrites et menteurs , flatteurs à l'extrême. De ces années de terreur , aucun nom ne filtre ....absence significative . Chacun d'entre nous devrait pouvoir ainsi " se vider la tête " pour assurer sa " propre survie " et ne pas rester dans cet horrible " non - dit ", si souvent caractéristique des familles " sans histoires " ...C'est un livre fort , dur , âpre , ecrit avec des mots ciselés au scalpel . Incontestablement une belle , très belle écriture , un "monsieur" cultivé qui sait utiliser sa plume pour traduire une extraordinaire " violence contenue " , une aspiration au repos de l'âme , un espoir avec la coupure définitive d'un cordon ombilical mal cicatrisé.
Une famille de taiseux . La Vendée , terre de religion , de labeur , de paysannerie . Nous sommes en 1960 . L'enfant - roi n'est pas encore là pour imposer ses avis . On se tait . On obéit. On plie, on cède face aux jérémiades d'une institution en mal de vocations,face aux fausses promesses. On s'y enlise, on y périt ou on s'enfuit , mais à quel prix . Ce témoignage , pour autant dur qu'il soit , est une belle peinture sociale d'une époque bien révolue.
Alors , amis et amies ," c'était mieux avant ? ". Aujourd'hui , vacances pour tous et ...les papys et mamies " sur les rotules " , les parents , ouf , un peu de repos , le " boulot " hein , par rapport aux "chères têtes blondes ",c'est rien ...Mais la satisfaction , pour tous , d'une enfance merveilleuse ...Et l'enfance , on peut le constater dans ce livre , c'est une richesse sans nom pour une vie épanouie.....
Ce livre , il faut le lire et ...apprécier.

j'ai fini le livre de JP Sautreau, mais je ne vais pas en faire une chronique. Toute la 2 e partie du bouquin, après son renvoi du Petit Séminaire, il envisage et imagine les accointances entre le clergé vendéen et les familles, dans le dos des enfants. Ensuite, c'est ce que je n'ai pas trop aimé, c'est de revenir et revenir sur ce que ses parents lui ont fait, c.a.d de l'envoyer là-bas. Et de ne rien lui avoir expliqué, ni avant, ni pendant, ni après. Si les attouchements pour lui ont été anecdotiques, il en reste son ressentiment énorme qu'il a envers ses parents, mais, je voudrais pointer son rôle : lui non plus n'a pas été foutu de parler de cet envoi au séminaire, même à leur mort. Il n'a même pas essayé. Donc comme il n'a pas enquêté sur cette époque de recrutement du clergé de Vendée, j'ai trouvé que c'était inabouti.. même s'il écrit bien...

La puissance des mots. A fleur de peau. Une jolie écriture. J ai été touchée.