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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est pour ça qu'il faut savoir être joyeux. Et savoir sourire…
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Ce tome constitue une biographie de Germaine Richier (1902-1959) qui ne nécessite pas de connaissance préalable de l'oeuvre de la sculptrice. La première parution de l'ouvrage date de 2023. Il a été réalisé par Olivia Sautreuil pour les dessins et les couleurs présentes dans les dix dernières pages, par Laurence Durieu pour les textes, avec la collaboration de Sandra Tosello. Il comprend cent-soixante-trois pages de bande dessinée. Il se termine avec une photographie de Germaine Richier, un lexique de quinze termes (Assy, buste, Bourdelle, document, espace, famille, gravure, hybride, modèles, Otto Bänninger, photo, René de Solier, Saint-Tropez, triangulation, 36 avenue de Châtillon), une bibliographie sélective de neuf ouvrages, catalogues d'exposition et textes, et enfin des remerciements.

Paris, musée d'art moderne, 9 octobre 1956 : ouverture d'une exposition consacrée aux oeuvres de la sculptrice Germaine Richier. Jean Cassou, conservateur du musée, débute son discours. Il indique que la sculptrice est l'artiste le plus complet qui soit, doué d'une bouleversante imagination poétique. Sa technique est la technique de la nature. Partout elle perçoit un mouvement biologique. Son art est une initiation aux mystères. Art dur, art métallique, art de la métamorphose, où le noir et le blanc tendent à la couleur. Femme de tête qui, de sa terre ensoleillée et féconde en herbes odorantes, a reçu en don les plus robustes vertus vitales. le petit groupe déambule parmi les pièces de l'exposition, entre les statues, et Richier interrompt le conservateur pour indiquer qu'elle doit dire bonjour à une vieille amie. Elle va se positionner devant la sculpture La Sauterelle et lui parle en la caressant : quel chemin parcouru ! Derrière elle, deux femmes échangent leurs impressions : Ces sculptures sont vraiment impressionnantes du tourment, de la radicalité. L'autre indique que ça la met mal à l'aise. Sa copine la reprend : elle espère qu'elle ne va pas lui parler d'eczéma sculpté, comme dans cet article assassin qu'elle vient de lire. Quelle vision ! Elle imagine l'énergie déployée pour l'imposer.

Castelnau-le-Lez, printemps 1912. La jeune Germaine est en train de se promener dans la nature. Elle remarque une sauterelle qu'elle parvient à capturer dans ses mains. Elle lui parle pour la rassurer : elle veut juste l'observer. L'insecte lui répond : elle lui demande d'ouvrir sa main, car elle ne s'enfuira pas. Enfin, de l'aise pour ses pattes ! Elle continue : Germaine vient ici tous les jours et elle a fini par la connaître. D'ailleurs ne devrait-elle pas être à l'école au lieu d'arpenter la garrigue ? Germaine répond qu'elle aussi a des pattes, qu'ici elle respire la liberté, que ce qu'elle aime c'est le parfum des rochers, des oliviers desséchés par le vent, les bois cassants, les bords du Lez, et le Prado avec la maison de sa famille. Elle ramasse encore quelques petits cailloux, des cocons et morceaux d'écorce et elle rentre. le souper va être servi. Sa mère s'enquiert de savoir où elle était encore passée, car l'éducation ce n'est pas qu'à la maison. Germaine aimerait bien pouvoir choisir son professeur, un qui leur apprendrait des choses mystérieuses. Et puis, ce n'est pas à l'école qu'elle rencontrerait une si belle sauterelle, une magicienne dentelée.

Une bande dessinée biographique utilisant une structure très classique : une scène introductive attestant de la renommée de l'artiste, de son importance culturelle grâce à un discours d'une autorité en la matière, puis un retour à l'enfance pour raconter sa vie suivant un fil chronologique, jusqu'à son décès et une rétrospective posthume à Antibes, à partir du 17 juillet 1959. Les autrices mêlent les principaux moments de sa vie d'artiste et les principaux moments de sa vie personnelle. L'enfance à se promener dans la garrigue, à ramasser des brindilles et des cocons et à faire la rencontre d'une sauterelle. La représentation des personnages s'inscrit dans la tradition de la ligne claire avec des contours et des visages un peu simplifiés, une approche descriptive, avec un bon niveau de détails, des visages expressifs. le lecteur peut voir les costumes très formels de ces messieurs, les toilettes plus variées des femmes, les vêtements tout simples de Germaine enfant et son entrain, sa curiosité, son émerveillement devant ce qu'elle découvre. Par comparaison, il voit que la représentation de la nature se charge plus en aplats de noir, avec des formes plus complexes, des aspérités, des volumes, des reliefs. Dans cette séquence d'enfance, le lecteur comprend que la future artiste assouvit sa curiosité dans le milieu naturel où elle vit, ce qui construit sa personnalité et ses goûts.

Au printemps 1914, à Arles, à l'occasion de la fête des gardians, son père l'emmène admirer la cathédrale et le cloître Saint-Trophime, avec le tympan et l'archivolte sculptés du portail, et les galeries avec ses sculptures. La dessinatrice s'investit pour rendre compte de l'impression que peut faire le tympan finement ouvragé, les différentes sculptures, en jouant sur le noir & blanc, en inversant le contraste pour certaines cases, c'est-à-dire des traits de contour blancs sur fond noir. Dans cette séquence également, les autrices choisissent de mettre en scène comment cette visite s'imprime de manière indélébile dans l'esprit de l'enfant, générant ou au moins nourrissant son imaginaire et cristallisant sa vocation. La narration visuelle montre cet instant de manière subjective, comme le ressent Germaine. À plusieurs reprises, le lecteur peut ainsi voir le monde par les yeux de la sculptrice : la densité du feuillage des arbres d'alignement devant les Beaux-Arts de Montpellier, les décorations sculptées de l'opéra de Marseille, le feuillage des arbres de la nouvelle maison des Richier à Mudaison, ses mains travaillant la matière de ses têtes sculptées, ses oeuvres successives alternativement des masses noires parcourues de traits blancs ou l'inverse. La dessinatrice ne cherche pas à réaliser une représentation de nature photographique des oeuvres de la sculptrice, mais à faire apparaître la structure et l'élan qui les sous-tendent, en les rattachant aux éléments naturels qui inspirent la créatrice, à ces morceaux qu'elle peut inclure dans ses oeuvres et qu'elle qualifie de documents.

Le fil de la biographie suit le déroulement de la vie de Germaine Richier : journées passées à l'atelier de Charles Amans à Castelnau-le-Lez, pensionnat Veyziat à Montpellier, études aux Beaux-Arts à Montpellier, montée à Paris en 1926 pour essayer de rencontrer Émile-Antoine Bourdelle (1861-1929), passage par l'atelier de Robert Coutin (1891-1965), rencontre puis mariage avec Otto Bänninger (1897-1973), ouverture de son propre atelier, première exposition, séjour en Suisse dans sa belle-famille à partir de 1939 prolongé pendant la durée de la seconde guerre mondiale, retour à Paris après la guerre, et poursuite de sa carrière avec créations dont la Pomone (1945), l'orage (1947/48), l'ouragane (1949), le Christ d'Assy (1950), le berge des Landes (1951), le Tombeau de l'orage (1957), l'Ombre de l'ouragane (1957), la montagne (1957). le lecteur peut ainsi se découvrir le déroulement de la vie de cette artiste, et une partie de ses créations, parmi les plus célèbres. Les autrices n'adoptent pas un ton hagiographique : elles rendent compte des éléments constitutifs de sa vie.

Cette bande dessinée évoque à grands traits la formation de sa vision artistique qui trouve ses racines dans son enfance. Elle aborde de manière tout aussi rapide ce qui fait l'originalité et la personnalité de ses oeuvres, tout d'abord avec le discours introductif du conservateur, puis avec une phrase rapide de quatre personnalités : Brassaï (Gyula Halász, 1899-1984), Francis Ponge (1899-1988), René de Solier (1914-1974), Georges Limbour (1900-1970). Les autrices mentionnent le principe d'hybridation. Elles consacrent dix pages à la commande, la réalisation et la réception du Christ d'Assy, une commande des pères Couturier et Devémy qui font bâtir une nouvelle église dans les Alpe, une modeste église de montagne, qu'ils décorent avec les oeuvres de Roualt, Bonnard, Matisse, référant des génies sans foi que des artistes croyants sans talent. La sculpture est instrumentalisée par monseigneur l'archevêque d'Annecy, ce qui débouche sur la querelle de l'art sacré.

Les autrices se lancent dans la biographie d'une sculptrice ayant marqué le vingtième siècle avec le projet de la présenter. La narration visuelle navigue entre deux modes. Une forme de ligne claire immédiatement accessible pour les éléments biographiques, constituant une solide reconstitution historique. Et une forme plus expressionniste pour les éléments artistiques et la manière dont Germaine Richier regarde et perçoit le monde, ce qui permet au lecteur de se faire une idée sur la sensibilité que la sculptrice exprime à travers ses créations. Elles ont pris le parti de prendre un point de vue sur l'inspiration de ces créations, à la fois dans la jeunesse de Richier, et dans le traumatisme de la seconde guerre mondiale et de l'hécatombe provoquée par la bombe atomique. le lecteur ressort de cet ouvrage avec la curiosité de pouvoir contempler ces oeuvres par lui-même, et l'avantage de disposer ainsi de deux guides qui ont déjà effectué un travail de transmission, de passage pour lui permettre de les aborder en ayant déjà eu un aperçu de l'esprit qui les a engendrées.
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Parallèlement à l'exposition qui lui est consacrée au Centre Pompidou, les éditions Bayard présentent Germaine Richier La femme Sculpture dans un roman graphique où se mêlent biographie et oeuvre.
On commence par 1956 au Musée d'Art Moderne où l'artiste est enfin reconnue pour notamment La Sauterelle. Un retour en arrière explique l'origine de ses goûts, sa formation, sa rencontre avec Bourdelle, le maître qui lui enseigna la "triangulation".
Un lieu, une date : les autrices présentent les oeuvres et les circonstances de leur création dans des vignettes en noir et blanc - jeux d'ombre et de lumière - et des doubles pages où les traits appuyés d'Olivia Santeuil traduisent au mieux la force créatrice de Germaine Richier.
On suit ainsi son cheminement : des bustes et des nus à partir de modèles jeunes, des statues inspirées des drames de l'histoire ( Buchenwald - Hiroshima ) , des humains imposants ( L'Orage et l'Ouragane), des êtres multiformes, hybrides ( la femme/sauterelle, L'homme/forêt ) des sculptures à fils créant un nouvel espace, des oeuvres "sacrées" où mythe et religion se côtoient. Mais le magnifique Christ d'Assy suscitera la polémique et sera retiré de l'église.
Plus tard elle a recours à la couleur et différents matériaux.
Merci beaucoup à Babelio et aux éditions Bayard : ce livre m'a tellement impressionnée que je suis allée voir l'exposition !
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J'ai découvert Germaine Richier à l'occasion d'un dossier sur ce roman graphique et de sa publication partielle dans La Croix, qui m'ont incité à l'acheter et à me rendre à l'exposition Pompidou - Fabre, que j'ai beaucoup aimée.

Quelques mois après -aimant savourer l'attente des rendez-vous prometteurs- j'ai enfin lu l'intégralité de l'ouvrage, qui m'a absolument conquis.

Il s'agit tout d'abord d'un bel objet, conçu avec soin, ce qui est particulièrement appréciable quand on traite d'une (grande) artiste.

L'illustratrice à réalisé un travail immense et de grande qualité. L'utilisation du noir et blanc renforce l'élégance de son dessin et l'univers de Germaine Richier est superbement retranscrit.

De façon assez logique pour un tel ouvrage, le fil est chronologique. Tous les moments de sa vie ne sont toutefois pas narrés car le coeur de l'ouvrage tient à son oeuvre et à sa relation avec l'art. le propos est ainsi à la fois intéressant sur elle -car au-delà de l'artiste, la femme semble bien sympathique et il est plaisant d'en apprendre davantage sur sa vie- et sur son oeuvre. Il est à ce titre extrêmement appréciable de retrouver certaines de ses sculptures les plus connues et de découvrir leur contexte de création. Si ce roman graphique ne peut prétendre être exhaustif sur la technique et exaucer les souhaits des connaisseurs les plus exigeants, il me semble déjà bien fourni et intéressant à ce niveau.

Le lexique en fin d'ouvrage, très complet, achève de nous renseigner sur Germaine Richier et les coulisses de son atelier.

Voici en somme un ouvrage très réussi, à la fois susceptible de séduire les admirateurs de cette grande sculptrice et ceux qui n'auraient pas encore eu l'occasion de se laisser séduire par son talent et la diversité de son oeuvre.
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