Tu continues à faire ce que tu faisais avant, mais désormais les questions que tu te poses proviennent de l'abîme. L'entrepreneur, l'enseignant, le politique. L'étudiant, le crémier, le policier. L'ami, le parent, la fiancée. Viennent-ils eux aussi de l'abîme ? Et même s'ils sont honnêtes, dans quelle mesure ressemblent-ils à l'abîme ? Tu ne soupçonnes pas tout le monde d'être corrompu ou mafieux, c'est pire. Tu as vu le vrai visage de l'homme et, chez tous, tu trouves des similitudes avec l'horreur que tu connais. Tu vois l'ombre de chacun.
La lâcheté est un choix, la peur un état.
Mieux vaut être un chien vivant qu’un lion mort.
Ceux qui commandent commandent et c’est tout. Ou bien on peut prétendre commander pour faire le bien, pour servir la justice et la liberté. Mais ce sont des histoires de gonzesses, laissons-les aux riches, aux idiots. Ceux qui commandent commandent. Un point, c’est tout.
Malgré la police et les saisies, la demande de coke sera toujours énorme : plus le monde accélère, plus il y a de coke ; moins on a de temps pour des relations stables et des échanges réels, plus il y a de coke.
[...] je préfère parler du "Copernic de la coke", car il a été le premier à comprendre ceci : ce n'est pas la coke qui doit tourner autour des marchés, ce sont les marchés qui doivent tourner autour de la coke.
Si tu comptes l'argent, ça signifie que tu n'en as pas ou pas beaucoup. C'est seulement si tu dois le peser que tu sais que tu pèses lourd toi aussi.
Dire à leurs lecteurs, leurs spectateurs : ce n'est pas ce que tu pensais, à présent je vais ouvrir pour toi une fente à travers laquelle tu pourras contempler une vérité ultime. p. 105
Que risque-t-on à lire ? Gros, très gros. Ouvrir un livre et feuilleter ses pages, c’est dangereux. Quand on a lu Zola ou Chalamov, on ne peut plus revenir en arrière. Je le crois profondément. Mais souvent, le lecteur lui-même ignore le danger qu’il court du simple fait de connaître ces histoires. Il ne le mesure pas. Si je devais évaluer le tort que peut causer au pouvoir le regard de quelqu’un qui sait, quelqu’un qui veut savoir, j’essaierais de tracer un schéma : on y verrait que les arrestations, les procès et les détentions pèsent moitié moins lourd que le péril représenté par la connaissance des mécanismes et des faits, par la conscience que ces récits vous concernent, qu’ils sont proches de vous.
Dans l’Apocalypse de saint Jean, on peut lire : « Je pris donc le petit livre de la main de l’ange et le mangeai ; effectivement, dans ma bouche, il avait la douceur du miel, mais quand je l’eus mangé il me fut aigre aux entrailles. » Je pense que c’est ce que devraient faire les lecteurs avec les mots. Les mettre en bouche, les mastiquer et enfin les avaler, afin que l’alchimie qui les a produit s’opère en eux et éclaire les insupportables turbulences de la nuit, traçant la ligne qui sépare la joie de la douleur.