Lorsque le Druidisme céda la place au Christianisme, il s'arrangea pour insérer l'essentiel de ses enseignements dans les éléments chrétiens en formation. Cela lui était d'autant plus aisé qu'entre le vrai Druidisme et le Christianisme, il n'y avait pas opposition de principes. Le druide n'avait qu'à se faire moine pour pouvoir agir utilement dans le sens voulu. De cet effort de synthèse christiano-druidique naquirent - entre beaucoup d'autres choses - les romans de la Table Ronde. Là encore, il convient de distinguer - et c'est difficile - entre ce qui est simplement littéraire et ce qui est initiatique.
Chacun sait comment, dans le cycle de Sigurd (Siegfried), le héros boit le sang du monstre vaincu par lui et comprend immédiatement le langage des oiseaux et des autres animaux (image assez transparente pour qu'on se dispense de la commenter) et comment, s'étant baigné dans ce sang, il devient invulnérable, sauf en un point qui n'en a pas été humecté. C'est, trait pour trait, le mythe de l'invulnérabilité d'Achille. Dans la légende grecque, plus hiératique, moins populaire de forme, le sang du Dragon est remplacé par l'eau du Styx - ce qui est exactement la même chose, symboliquement parlant.
Contes et mythes servaient à voiler des principes élevés correspondant à l'enseignement initiatique répandu partout. Chacun pouvait y trouver l'aliment qui convenait à sa nature et à ses aspirations : spirituel, intellectuel, moral, ou simplement « amusant », « trivial » même, si sa nature était grossière. Enseignement ésotérique, mythes et contes coexistaient, issus d'une même inspiration, mais adaptés à des auditoires bien différents.
L'origine sacerdotale des récits qui nous occupent nous force d'admettre - point important - que le mythe est la clef du conte, et non l'inverse. Les distinguer n'est pas toujours si facile. Où commence l'un et où finit l'autre? En quoi les mythes relatifs aux « jumeaux » divins ou semi-divins, par exemple, diffèrent-ils essentiellement des contes ou des légendes articulés sur le même thème?
Parmi les récits à sens multiples, les mythes occupent naturellement le premier rang. Ceux de Prométhée et de Déméter sont peut-être, à ce point de vue, les chefs-d'oeuvre du genre. Il nous est impossible d'en entreprendre ici l'exégèse, même sommaire, et c'est dommage, car ces deux mythes expriment les vues sacerdotales les plus profondes touchant la destinée humaine.