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Citations sur Les pièces du dossier (6)

Harrison était un homme sincère, dépourvu d'imagination et, malheureusement pour lui, extrêmement nerveux. Théoriquement, il était très large d'idées, généreux et rempli d'admiration pour sa femme. En pratique, il était borné, jaloux et tatillon. A l'entendre parler d'elle, on l'eût pris pour le type chevaleresque idéal ; à l'entendre lui parler, on l'eût pris pour une brute méfiante. La grande vitalité de sa femme, son inconséquence et son sens du mélo (ceci est peut-être la clef de la situation) lui portaient sur les nerfs et le rendaient irritable à l'excès. Par instinct, il aimait dominer, mais il n'était pas fait pour dominer cette femme-là, n'étant ni brillant, ni désinvolte, ni énergique. Il avait pourtant deux vocations : l'aquarelle et la cuisine. Malheureusement pour lui, il était, en ce qui concerne la première, faible, conventionnel et sentimental, et c'est seulement dans la seconde qu'il se révélait original et audacieux.
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Harrison avait eu la brillante idée de nous inviter à dîner, Lathom et moi, pour nous faire goûter une de ses spécialités culinaires, le poulet frit. Nous étions tous là - Miss Milsom particulièrement féline dans une toilette brodée par elle d'arabesques persanes. Harrison, qui n'admet personne dans "sa" cuisine pendant qu'il confectionne un de ses chefs-d'oeuvre,, était absorbé par sa friture au milieu d'une forte odeur d'ail. pas de Mme Harrison. Nous entretenons la conversation avec fureur. Entre Harrison, il jette un regard sombre autour de lui et disparaît à nouveau gêné. On entend la porte d'entrée. Puis la porte de la cuisine est violemment ouverte. "Alors d'où viens-tu ? (Horreur, la porte du salon est restée ouverte !) Je dis rapidement : "Avez-vous lu le nouveau Michael Arlen, Miss Milsom ?" Nous avons tous conscience qu'un interrogatoire serré se prolonge dans le lointain. Lathom ne peut pas rester en place. La voix gronde : "Pas d'histoires. Combien de temps es-tu restée chez le coiffeur ? - Alors, qu'est-ce que tu faisais ? - Oui, mais qu'est-ce qui t'a retenue ? - Naturellement, tu as rencontré quelqu'un. - Qui ? Un collègue du bureau, probablement. - Caroline Mortimer ? Quelle histoire ! Non, je ne me tairai pas ! - Oui ou non, as-tu oublié... Là, en désespoir de cause, je mets le gramophone en marche. Entre Harrison essayant de faire bonne contenance : "Ma femme arrive en retard comme d'habitude." Nous nous mettons à table dans un silence embarrassé. Je fais l'éloge du poulet. "Trop cuit", grogne Harrison, le repoussant. - Je le trouve délicieux, monsieur Harrison", minaude Miss Milsom. "Vous autres femmes ne connaissez rien à la cuisine, dit Harrison avec acrimonie. Il est trop cuit ! Immangeable." Il est certain que nous avons tous l'appétit coupé. Il n'y a rien à reprocher au poulet, mais nous sommes là à le regarder comme si c'était un poulet de carton.
Je t'épargne la suite. Lisette, je vois comment ces choses arrivent, mais que faut-il faire pour être sûr qu'elles n'arriveront pas ? L'amour n'y fait rien. Harrison donnerait joyeusement sa vie pour sa femme, il en vaut cent comme elle, et pourtant à chaque querelle elle s'arrange adroitement pour le faire paraître dans son tort.
Cette maison devient un cauchemar. Il faut que je la quitte,...
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Et c'est alors que survinrent les Harrison. Harrison était un homme sincère, dépourvu d'imagination et, malheureusement pour lui, extrêmement nerveux. Théoriquement, il était très large d'idées, généreux et rempli d'admiration pour sa femme. En pratique, il était borné, jaloux et tatillon. A l'entendre parler d'elle, on l'eût pris pour le type chevaleresque idéal ; à l'entendre lui parler, on l'eut pris pour une brute méfiante. La grande vitalité de sa femme, son inconséquence et son sens du mélo (ceci est peut-être la clef de la situation) lui portaient sur les nerfs et le rendaient irritable à l'excès. Par instinct, il aimait dominer, mais il n'était pas fait pour dominer cette femme-là, n'étant ni brillant, ni désinvolte, ni énergique. Il avait pourtant deux vocations : l'aquarelle et la cuisine. Malheureusement pour lui, il était, en ce qui concerne la première, faible, conventionnel et sentimental, et c'est seulement dans la seconde qu'il se révélait original et audacieux.
Au début, j'étais étonné de la patience dont Lathom faisait preuve vis-à-vis de Harrison. Il laissait Harrison le raser interminablement avec son bavardage sur l'art et ses petites croûtes. Evidemment, Harrison le traitait avec une déférence flatteuse de la part d'un homme assez âgé, mais en toute autre circonstance, cela n'aurait fait qu'exaspérer Lathom qui, pour lui rendre justice, n'est pas sensible à la flatterie. Je me suis rendu compte plus tard que Harrison servait à mettre Lathom en valeur et que Lathom l'utilisait dans ce but sans honte et sans remords.
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Ce fut une erreur depuis le premier jour, cette cohabitation avec Lathom. Un pur hasard en fut la seule cause. Si Lathom n'avait pas porté une cravate d'ancien élève de Winchester, jamais je ne lui aurais adressé la parole dans ce petit restaurant de Greek Street, Au Bon Bourgeois. Tandis que comme cela, je fus assez stupide pour dire : "Tiens, vous sortez aussi de la vieille école, à ce que je vois. Est-ce que je vous connais ?" Et je fus submergé par le flot de cordialités que Lathom déversa aussitôt sur moi.
Lathom est expansif. Il rayonne. D'habitude, je ne suis pas doué pour faire fonction de prisme. Cette soirée fut une malencontreuse exception par l'effet du bourgogne que j'avais bu.
Dès que Lathom se fut nommé, je le reconnus. Il a plus de cinq ans de moins que moi et n'était encore qu'un "fag" de troisième supérieure, alors que je préparais mon entrée à Oxford en sixième, mais sa réputation avait réussi à percer mon olympienne réclusion.
Lathom, bien sûr. Le célèbre "fag" de Burrage, qui chipait tout ce qui lui convenait. Il avait une manifeste incapacité à distinguer la propriété des autres de celle de Burrage. Avait-il besoin de quelque chose, il le prenait. Avait-il envie de faire quelque chose, il le faisait. Il était attaché à Burrage qui, naturellement le soutenait et je suis sûr qu'il a gâté le gosse en le protégeant contre les conséquences de ses méfaits.
Je rappelai à Lathom que nous l'avions surnommé "le piqué", et il se mit à rire et dit que nous avions bien raison.
Je me souvins aussi que Lathom s'était fait une véritable réputation par les caricatures qu'il faisait des professeurs. je ne fus pas surpris d'apprendre qu'il était devenu un artiste. Il dit qu'il cherchait un atelier et avait trouvé quelque chose de très bien à Bayswater mais que c'était trop grand pour lui.
Je lui demandai pourquoi, diable ! il avait choisi Bayswater plutôt que Chelsea ou Bloomsbury ? "Parce que, dit-il, d'abord c'est trop cher, et puis ce sont des quartiers pour artistes, dont j'ai horreur. Bayswater est suffisamment central pour être pratique tout en étant assez périphérique pour être sain à tous les points de vue. Et puis on y côtoie la vie telle qu'elle est."
Pour finir, je consentis à partager l'appartement avec Lathom. Une heure plus tôt, cette simple idée m'aurait fait fuir mais, envoûté par l'enthousiasme de Lathom, abruti par la bonne chère et l'esprit de l'école, je commençais à me dire qu'il y avait vraiment quelque chose de réaliste et de piquant à partager un studio avec un ancien élève de Winchester. Et après tout, Lathom avait peut-être raison. Le malheur, c'est que la vie "telle qu'elle est" est mieux quand on la regarde de loin.
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J'ai eu l'espoir il y a quelques jours que tout allait s'arranger. Mme Harrison a déclaré qu'elle allait recommencer à travailler. Cette idée lui souriait beaucoup et il me semble, en effet, que c'est ce qu'elle pourrait faire de mieux. L'Ours a suivi sa tactique habituelle. Quand elle a commencé à en parler, il a eu l'air d'approuver et lui a dit de faire comme elle voulait. Aussi, enchantée, elle a téléphoné à son ancien bureau pour savoir s'il n'y avait pas un poste vacant, et justement il y en avait un. Elle s'était pratiquement engagée avec eux pour la semaine suivante quand l'Ours est parti en campagne.
"Alors, tu es contente ? et tu penses que je le suis, moi ? Tu crois que c'est agréable pour un homme d'avoir une femme qui va s'éreinter toute la journée dans un bureau et n'est plus bonne à rien quand elle rentre le soir ? J'avais pensé qu'ayant un intérieur confortable, tu t'appliquerais à me le rendre agréable quand je rentre chez moi. C'est comme cela que cela se passait jadis, mais la femme moderne n'a pas ces idées."
Et ainsi de suite. Elle a essayé de le raisonner, mais en vain : elle s'est rendue malade à force de pleurer et a dû écrire à son bureau qu'elle ne pouvait pas prendre le poste qu'on lui offrait. Et depuis, il ne cesse de répéter que c'est vraiment fâcheux qu'elle ne trouve rien de mieux à faire que de lire de mauvais romans toute la journée. J'ai fini par me fâcher. J'ai dit : Monsieur Harrison, permettez-moi de vous dire que vous ne devriez pas parler comme cela à votre femme : elle a renoncé travailler uniquement pour vous faire plaisir et vous devriez pensez un peu plus à elle et beaucoup moins à vous-même. Je crois qu'il n'était pas content, mais j'estime que mon devoir était de lui dire cela.
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Mme Harrison est un exemple frappant de ce genre de dramatisation. Dès qu'une attitude lui paraît spectaculaire, elle l'adopte, je crois, en toute bonne foi. Si elle lit un article sur la femme moderne qui trouve dans une carrière la satisfaction de ses besoins intellectuels, elle s'assimile ce cas et sa vie est brisée parce qu'elle a dû renoncer à travailler. Si elle lit un autre article sur les joies et les devoirs de la maternité, alors elle devient la femme frustrée dans son instinct maternel chez qui tout irait bien si seulement elle avait un enfant, etc. D'ailleurs, je me rends compte, maintenant, d'une chose que je méconnaissais au début, c'est du charme que peut avoir cette faculté de dramatisation, jointe à une grande vitalité et à une intelligence peu disciplinée. Si jamais, il se trouvait quelqu'un pour prendre ces attitudes au sérieux, elle arriverait certainement à briller dans le rôle choisi. Malheureusement, cet excellent Harrison n'est pas un bon public. Il admire sans le dire et critique ouvertement, ce qui finit par être décourageant.
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