Ce roman au thème original à ma connaissance peu traité dans la littérature nous parle de l'Allemagne, des conséquences sociologiques de sa scission après la deuxième guerre mondiale et de la complexité engendrée par cette fracture idéologique de plus de 40 ans sur le plan socio économique au moment de la réunification.
A travers l'histoire d'amour, en 1964, de Kaspar (de l'ouest) et Birgit (de l'est) née lors de rencontres étudiantes à Berlin-Est, on découvre la complexité de ce que vit une population que la guerre a divisée, séparée et conduite sur des chemins opposés. Avec l'aide de Kaspar, Birgit abandonne sa famille et son passé pour retrouver Kaspar à l'ouest où ils espèrent pouvoir vivre leur amour au grand jour et construire une vie de famille. Mais Birgit laisse derrière elle un lourd passé qu'elle garde secret, une fille qu'elle a abandonnée et dont l'absence va miner sa vie. C'est donc Kaspar qui à la mort de Birgit va entreprendre de rassembler les morceaux du puzzle et partir sur les traces de Svenja, cette fille abandonnée qui semble s'être rapprochée du mouvement punk dans sa jeunesse et dont il va peu à peu retracer le parcours chaotique. Dès lors, le récit nous conduit dans cette ex-RDA où prospèrent groupuscules identitaires, néonazis, vivant en communauté dans des villages « Völkish » adorateurs de théories ariennes et racistes. C'est là qu'il va rencontrer Svenja, son mari et
la petite fille de Birgit, Sigrün.
Dans cette première partie, l'auteur décrit avec finesse les sentiments qui caractérisent les relations asymétriques d'un couple dont les fondations sont minées par le secret et le manque.
Lorsqu'on va plus avant dans le récit qui raconte la rencontre de Kaspar, un homme vieillissant, libraire doux et cultivé, avec sa « belle » petite-fille embrigadée, façonnée par l'éducation identitaire de ses parents, on se laisse facilement embarquer dans ce monde inconnu de l'ex RDA, marqué par les stigmates du totalitarisme communiste et terreau fertile pour de troubles réminiscences idéologiques que l'auteur nous décrit finement, intelligemment…
Pourtant, l'aspect linéaire de la construction narrative, la succession des visites de Kaspar à la ferme, le deal qu'il va passer pour pouvoir accueillir Sigrün à Berlin, les scènes sans grand relief ont fini par perturber ma lecture.
Sur le plan stylistique d'abord. Un manque d'élan narratif et de dramaturgie rend cette seconde partie monotone et littérairement peu attractive, une probable médiocre traduction accentuant encore ce sentiment.
Les personnages sont peu incarnés et donc assez peu attachants. Svenja, la mère, Björn, le père de Sigrûn sont esquissés à la louche de manière peu fouillée.
Mais il y a aussi cette accumulation d'invraisemblances qui même pour un novice en droit allemand heurte la logique… Il n'est pas le grand-père ! Il n'est que le veuf de la vraie grand-mère! Il n'a légalement aucun droit et obtient pourtant des parents qu'ils lui confient Sigrün durant les vacances en contrepartie de versements fractionnés d'un héritage dont il ne devrait légalement pas disposer.
Autres bizarreries,
la petite fille découvre le piano quelques heures par an chez un professeur berlinois mais n'en devient pas moins,non seulement mélomane mais aussi excellente pianiste.
Et puis, bien qu'embrigadée depuis la naissance dans des croyances néo-nazies qu'elle revendique, elle a malgré tout envie de lire les livres de la bibliothèque de Kaspar ! ... qui rappelons-le est un inconnu de 70 ans qui la reçoit toute seule chez lui
alors qu'il n'est même pas son vrai grand-père! Vraiment parfaite, cette ado rebelle!
Alors, malgré quelques beaux passages et des moments de complicité assez touchants décrits avec pudeur et délicatesse, cette lecture me laisse un sentiment mitigé. J'ai lu avec intérêt certains passages historiquement bien documentés, ou émouvants mais me suis agacée à d'autres, trop naïfs, ou pas assez travaillés, manquant de crédibilité.
J'ai finalement lu ce livre jusqu'au bout car le fond est intéressant mais la forme narrative manque à mon sens véritablement d'attrait et d'incarnation.